CHINAHOY

28-February-2014

Dechen, merveille du plateau tibétain

 

Danse au pied des monts Minling Gangri.

 

WU MEILING et LI ZHUOXI

Selon la légende, au fond des monts enneigés du plateau du Qinghai-Tibet, il existe un éden, composé de huit régions disposées en forme de pétales de fleurs de lotus. On y trouve des prairies de montagne ornées de fleurs, d'imposants pics enneigés, des canyons aux torrents impétueux et aux hauts-fonds dangereux... C'est ici Shang-ri-La. Cet éden auquel les gens aspirent ardemment. Moins poétiquement, c'est Dechen, préfecture autonome tibétaine relevant de la province du Yunnan.

L'altitude de Dechen en fait l'endroit le plus proche du soleil dans le Yunnan mais également la seule préfecture autonome tibétaine de la province. Certaines personnes disent que Dechen est un paysage créé par Dieu entre les deux plateaux du Yunnan et du Tibet. Sa longue histoire, sa topographie unique, les religions mystérieuses et nombreuses minorités y existant rendent cette image d'autant plus vive et particulière.

Les sites néolithiques Gedeng du dictrict autonome lisu de Weixi (relevant de la préfecture de Dechen) nous renseignent sur l'histoire de cet endroit. En effet, il paraîtrait que des êtres humains se soient déjà établis à cet endroit il y a 7 000 ans. Des dalles de pierre datant de 2 400 ans et déterrées sur le territoire de Dechen confirment également la présence d'habitants à une époque plus récente.

Historiquement, la zone de Dechen est un corridor et une grande artère de circulation permettant le contact entre les Tibétains et les autres groupes ethniques de toute la région. « L'ancienne route du thé et des chevaux » également appelée « La Route de la Soie du sud » passant à cet endroit, a fait de Dechen une région idéale pour le mélange culturel entre les Tibétains et les autres groupes ethniques locaux. Les ethnies tibétaines, Lisu, Naxi, Han et Bai ainsi que beaucoup d'autres, au total 26, y vivent ensemble dans une parfaite symbiose.

Le temple Sumtsen Ling et le temple Dongzhulin, ainsi que l'écriture de Dongba sont tous les témoins de ces coutumes folkloriques un peu mystérieuses, ajoutant une touche culturelle aux paysages naturels déjà époustouflants de la région.

Dechen est depuis toujours lovée discrètement à l'intérieur de ce que l'on appelle la région des « trois fleuves parallèles ». C'est un site classé au patrimoine naturel mondial.

Déjà en 1933, l'écrivain britannique James Hilton décrivait dans son roman Lost Horizon : « un endroit aux monts enneigés, avec des prairies, de belles forêts et où une pléthore de minorités nationales vivent ensemble en paix sur des terres d'une beauté idyllique ». Il nomma cet endroit Shangri-La. Ce roman fut par la suite adapté au cinéma par Hollywood. La bande originale du film La Belle Shangri-La est ainsi devenue célèbre partout dans le monde.

Bien qu'il existe un grand nombre de pays revendiquant la localisation de ce Shangri-La sur leur territoire, après plus d'un demi-siècle de recherches, il a été prouvé que ce pittoresque paysage oriental dont il est question se trouve bien sur le territoire de la préfecture autonome tibétaine de Dechen, sur ce qui constitue la « crête » de la province du Yunnan.

La prononciation anglaise de Shangri-La est tout à fait semblable à celle du dialecte tibétain du plateau Zhongdian de Dechen, et d'ailleurs, Shangri-La signifie « la Lune dans le cœur ». Ce sens n'existe dans aucun des dialectes des autres groupes ethniques ni dans d'autres régions. À Dechen, on peut retrouver les images des us et coutumes folkloriques locales, des monts enneigés et du canyon décrits dans le roman. C'est ainsi qu'en 2001, avec l'approbation du Conseil des affaires d'État, le district Zhongdian de Dechen a officiellement changé son nom pour Shangri-La. Depuis lors, Dechen ou Shangri-La, a gardé sa beauté et ne perd pas de notoriété !

En raison de sa situation géographique particulière et géologique complexe : haute altitude, latitude méridionale, la géomorphologie de Dechen possède différents types de reliefs caractéristiques : relief de montagne, relief glaciaire, relief lacustre, relief karstique. Ces différents reliefs créent des zones climatiques particulières : ainsi on trouve la zone tempérée du sud, la zone tempérée du centre et la zone tempérée du nord ainsi qu'une zone dite glaciale alpine. Des monts enneigés, des glaciers, des vallées, des lacs, des prairies et encore d'autres paysages naturels coéxistent. La nature y est très variée et de nombreuses ressources biologiques abondent. Ainsi on peut trouver à peu près toutes les espèces végétales allant de la zone de l'hémisphère boréal à la zone glaciale. C'est cette particularité qui fait également appeler l'endroit « banque de gènes des plantes » en Chine.

De la ville de Lijiang jusqu'au nord, les paysages naturels deviennent totalement différents au fur et à mesure que l'on monte en altitude, les montagnes enneigées ondulent à perte de vue, des vallées s'entrecroisent. Les fleurs fleurissent en plein soleil pendant que les bovins et les moutons flânent dans les prairies verdoyantes. Un tableau bucolique à faire rêver plus d'un voyageur égaré.

 

Le monastère Sumtsen Ling.

 

Le monastère Sumtsen Ling, carrefour de la culture

Après l'arrivée à Shangri-La, chef-lieu de la préfecture de Dechen, le premier site à visiter est naturellement le monastère Sumtsen Ling : l'âme de Dechen. Ici, les différents groupes ethniques et notamment les Tibétains, possèdent des croyances religieuses diverses, mais arrivent à vivre en harmonie. Cela est certainement dû au « Gadan Sumtsen Ling Monastery », construit sur les ordres du cinquième Dalaï Lama et nommé par lui-même.

Le monastère Sumtsen Ling est situé à dix minutes en voiture dans le nord de la ville Shangri-La. Les différents temples sont construits sur le versant de la montagne à la manière d'une ancienne forteresse et se dressent solennellement sous le ciel bleu et les nuages blancs. Les tuiles de cuivre doré brillent sur le toit à la manière de l'aura du Bouddha. Au bord des toits des temples, des animaux fabuleux ornent les corniches, les murs rouges foncés avec leurs fenêtres blanches aux rideaux noirs ainsi que les tuiles dorées du toit font penser à une miniature du palais du Potala. C'est l'une des « treize forêts de temples » édifiées sous le décret du cinquième Dalaï Lama et de l'empereur Kangxi, mais c'est également la plus grande concentration de temples bouddhistes tibétains dans le Yunnan.

L'histoire du monastère Sumtsen Ling et de Kelzang Gyatso, le septième Dalaï Lama.

Grue blanche,

Ne t'en va pas trop loin,

Un jour,

Tu seras de retour à Litang .

Ceci n'est pas un poème, mais une sentence concernant la réincarnation du sixième Dalaï Tsangyang Gyatso. À l'heure de son nirvâna, après que son âme se réincarna en un jeune garçon, on trouva effectivement son successeur comme prévu à Litang. Mais à cette époque, le roi tibétain La Khan de la tribu Hoshud de Mongolie le remplaça par un autre garçon et chercha par tous les moyens à persécuter la vraie réincarnation du Dalaï Lama. Ce dernier fut alors secrètement envoyé se réfugier parmi les moines du temple Sumtsen Ling à Zhongdian. Après être arrivé sur le plateau de Zhongdian, le jeune garçon fut surpris et heureux et déclara : « J'aime cet endroit de bonheur, aujourd'hui mes vœux sont réalisés. Ce sont les Dieux qui m'offrent ce bonheur. » Plus tard, le garçon fut reconnu par l'empereur Kangxi et ainsi désigné officiellement comme le septième Dalaï Lama. C'est par cette affinité presque prédestinée que le temple Sumtsen Ling obtint beaucoup de soutiens du septième Dalaï Lama. Dans la salle avant du temple Sumtsen Ling on peut voir la statue en bronze du cinquième Dalaï Lama et dans la salle arrière, la statue en bronze du septième Dalaï Lama. Ce sont eux qui ont permis le développement du plus grand temple bouddhiste tibétain du Yunnan.

Le monastère Sumtsen Ling est un groupe de bâtiments anciens aux dimensions impressionantes. On y trouve de nombreux trésors antiques, tels que les huit statues en or de Sakyamuni datant de l'époque du cinquième et septième Dalaï Lama mais aussi des peintures thangka polichromes aux dorures flamboyantes, des lampes à beurre doré à la feuille d'or etc. Le long de la galerie du temple on peut admirer une riche et superbe collection de fresques d'une grande finesse et d'une beauté éblouissante.

Les monts Minling Gangri, gardiens vigilents du plateau

À Dechen, on peut également apercevoir de magnifiques chaînes de montagnes, telles que celles de Minling Gangri, Baimang, Haba ou encore Balagengzong. Elles paraissent toutes gigantesques et un peu mystiques. Parmi ces montagnes considérées comme des sanctuaires religieux par les Tibétains, les monts Minling Gangri sont décrits dans le roman Lost Horizon. Son principal pic Kawagebo y est comparé à une pyramide. Son sommet est le seul à n'avoir pas encore été escaladé. Ce qui ajoute à son mystère.

En 1908, le Français Madjer Davies a mentionné pour la première fois le nom des monts Minling Gangri dans son livre Yunnan. Il s'agit des montagnes de Zhongdian. Les monts Minling Gangri se trouvent entre la Salouen (la fleuve Nujiang) et le grand canyon de la rivière Lancang. Il est composé par trois parties de la chaîne de montagnes Nu. La partie nord est appellée les monts Minling Gangri, la partie du millieu les monts du Prince et la partie du sud les monts Biluo. Ils sont tous couverts de neiges éternelles. En réalité, les parties du nord et du milieu sont souvent plus communémment appelées les monts Minling Gangri.

Dans cette chaine de montagnes couvertes de neiges éternelles, les pics glaciaires se suivent de près, parmi ces centaines de groupes de pics, 27 sont à plus de 4 000 mètres d'altitude, 20 à plus de 5 000 mètres et 6 à plus de 6 000 mètres. Les 13 sommets les plus escarpés d'entre eux sont connus par leur surnom comme les « Treize Sommets du Prince », parmi ces derniers, le sommet nomé Kawagebo culmine, lui, à 6 740 mètres au-dessus du niveau de la mer et est considéré comme la crête du Yunnan. Il est aux yeux des Tibétains « le mont de Dieu ». Dans les années 30, l'explorateur américain M. Locke Bo a dit du sommet Kawagebo qu'elle est « la plus belle montagne du Monde ». Kawagebo, en tibétain signifie la montage de neige blanche. Selon la légende, Kawagebo était un démon à neuf têtes et dix-huit bras, qui fut initié par Padmasambhava et converti au bouddhisme. Après avoir assimilé les préceptes bouddhistes il devint ange gardien de Gesar, fils des Bouddhas, et devint un symbole de la sainte montagne Sukhavati, paradis de la Terre Pure.

Ce mont est pour les ethnies locales une montagne sacrée où chaque année à la fin de l'automne, des centaines de milliers de Tibétains viennent en pélerinage apporter des moutons pour les offrandes et faire des tours de la montagne en psalmodiant le Sutra. Ils y brûlent également de l'encens pour célébrer la messe afin d'exprimer leurs joies et colères, leurs tristesses et plaisirs ainsi que leurs souhaits aux dieux.

D'après les locaux, le meilleur endroit pour admirer les monts Minling Gangri enneigé, est l'endroit près du temple Feilai, qui se situe dans un petit village, peu connu sur le bord de la route allant du Yunnan au Tibet. De la petite ville de Dechen près de Dechen, on peut arriver au temple Feilai. Sur la place devant le temple Feilai, on voit au loin les « Treize Sommets imposants du Prince » alignés, dans leurs attitudes différentes et montrant leurs formes étranges. Le pic Miancimu possède de belles lignes et d'après la légende, c'est la femme du pic Kawaboge. Le pic Nongsong Shuoge finement sculpté, est lui comme un enfant juste réveillé, qui se cacherait timidement derrière sa mère : le pic Miancimu...

Sous le pic Kawagebo, les cirques et les glaciers se succèdent, la neige glacée y est éblouissante. Parmi les quatre glaciers les plus spectaculaires de ce pic, figure le glacier Mingyong qui descend du haut du pic Kawagebo à l'altitude de 5 500 mètres, puis court le long de la pente et arrive à 2 700 mètres au niveau de la zone forestière. Il fait 8 km de long et est large de plus de 500 mètres. C'est une des mers de glace les plus rares dans le monde. Il permet de maintenir la température dans cette zone de basse latitude.

Les monts Minling Gangri possède lui toutes les beautés que l'on peut trouver dans une chaîne de montagnes. Au printemps, à la fonte des neiges, les chutes d'eau grossissent. Ainsi au sud du pic Kawagebo, une cascade se jette d'une falaise de 1 000 mètres. L'eau venant de la fonte de la glace des sommets, extrêmement limpide forme dans sa chute une espèce de brume qui éclairée par le soleil crée un arc-en-ciel.

Pudatso, monde de conte de fées des adultes

Pudatso est le premier parc national en Chine. Pudatso dans la langue tibétaine signifie « libérer tous les êtres humains de tourments pour aller sur l'autre rive de la mer des souffrances ». On trouve là-bas des zones géologiques très importantes, des paysages naturels magnifiques, une faune extrêmement florissante mais aussi nombreux lieux classés au patrimoine culturel de l'humanité. Ce site est classé cinquième dans les sites du patrimoine naturel mondial. Autrefois, c'était seulement un endroit relié à la légende tibétaine. En 2006, Pudatso devint le premier parc national de Chine et devint soudainement un des sites touristiques les plus attrayants de Shangri-La.

Le parc naturel Podatso est composé du lac Shudu au nord, du lac Bitahai au sud et du village touristique écologique Luorong situé entre les deux lacs. Tous ces sites sont reliés par un chemin vert à sens unique en forme de 8 dont le contour fait 70 km. Dans ce parc se situent deux lacs alpins, limpides comme des miroirs, un pâturage avec des herbes abondantes et une zone humide ainsi qu'une jungle où la faune est très riche.

Le lac Shudu est également appelé le lac Shudugang. « Shudu » vient du dialecte tibétain, « shu » signifie yogourt et fromage, « du » est un verbe, qui veut dire « ramasser, prendre ». Au premier abord, le nom de celui-ci signifie que l'on peut y trouver et ramasser partout du yogourt et du fromage, par extension cela signifie en fait que comme il y a beaucoup d'eau et d'herbe, les troupeaux de vaches et de moutons abondent dans les pâturages alentour, la vie des bergers y est donc prospère et heureuse.

D'un côté du lac Shudu un ponton court le long de la falaise de 2,7 km de long, de l'autre côté se trouve la forêt vierge. L'eau y est bleue et claire comme la gemme, les forêts sont si denses que la pluie n'y pénètre qu'avec difficulté, le lac est l'habitat d'un grand nombre de canards sauvages, de canards jaunes et d'une sorte de poisson le Schizothorax. Poisson très beau, aux écailles dorées. Quant à la forêt, elle est l'habitat de plusieurs chevrotains, d'ours, de léopards, de lynxs et d'espèces d'oiseaux endémiques. Se promener autour de ce lac est l'occasion de prendre un grand bol d'oxygène et de s'aérer l'esprit en admirant les paysages.

L'autre lac : Bitahai en tibétain se dit Bitatso qui signifie « l'endroit plein de chênes ». C'est le lac glaciaire le plus prestigieux du plateau Qinghai-Tibet et le site où la flore est la plus diversifiée dans le parc Pudatso. Autour du lac se trouvent des prairies marécageuses. La zone humide du lac de Bitahai est surtout composée de plantes aquatiques et semi-aquatiques.

Pour visiter le lac Bitahai, on peut se promener à pied le long du chemin en bois, qui fait environ 4,2 km de long, ou bien en bateau. Si l'on choisit de se promener par bateau, on peut alors voir sur le lac des herbes dont l'épaisseur fait 50 centimètres. Sur ces herbes poussent de nombreuses plantes, flottant dans l'eau comme un jardin posé sur celui-ci. L'eau du lac Bitahai étant très claire, on peut parfois apercevoir un poisson dit « à triple lèvres ». Selon les spécialistes, c'est une espèce endémique du lac glaciaire, vieille de plus de 2,5 millions d'années.

Terrasses de l'Eau Blanche, Champs des Immortels

J'ai vu les chutes d'eau les plus splendides et les plus gracieuses du Monde, mais n'avais jamais vu une cascade solide. Dans le village Baidi, à une centaine de kilomètres de Shangri-La, j'ai vu cette « cascade » merveilleuse. On l'appelle le « Champ des Immortels », c'est en fait la source de Dongba appelée aussi la Terrasse de l'Eau Blanche.

La terrasse est en fait un relief karstique naturel qui selon l'avis des experts, daterait de 200 000 à 300 000 ans. Elle se trouve au pied des montagnes. Quand on la regarde de loin, cette terrasse est comme une chute d'eau suspendue. Si on l'examine de près, elle ressemble à des champs en terrasses. Un petit poème lui est même dédié : « Le champ blanc de jade semble une terrasse d'argent menant au palais du Ciel ».

Les gorges du Saut du Tigre et la rivière Jinsha

Les gorges du Saut du Tigre sont divisées en trois sections : les sauts du haut, du milieu et du bas. Le Saut du Tigre du haut est la section la plus étroite, la surface de la rivière y fait en effet seulement 20 mètres de large. Au milieu de la rivière se trouve un rocher faisant environ 13 mètres de haut, connu comme pierre du Saut du Tigre. Selon la légende, un tigre serait passé de l'autre côté de la rivière par le biais du saut de ce rocher, d'où le nom gorge du Saut du Tigre.

La rivière Jinsha traverse 11 provinces et municipalités. Elle est un affluent du Yangtsé, connu comme étant le plus long fleuve de Chine et le troisième plus long fleuve du monde après l'Amazone et le Nil.

Des gorges du Saut du Tigre à Shangri-La s'ensuivent des collines ondulantes, des azalées colorées, des champs de blé d'or formant des images pittoresques et charmantes.

Se promener tout en goûtant au parfum des fleurs plantés là par les ancêtres de Dechen il y a des milliers d'années fait de ce voyage à Dechen un vrai délice !

 

La Chine au présent

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