CHINAHOY

10-June-2014

De retour sur sa terre natale

 

Dorje Tseten sur un chemin de pèlerinage à Lhassa.

 

LI GUOWEN, membre de la rédaction

Après 40 ans passés loin du Tibet, Dorje Tseten est revenu sur sa terre. Il a découvert une province modernisée où il coule des jours tranquilles.

C'est sur un chemin de prière à Lhassa que j'ai rencontré pour la première fois Dorje Tseten, un Tibétain aux tempes grisonnantes âgé de 84 ans. Il est de grande taille, presque 1,80 m. Malgré quelques difficultés pour marcher, il fait tourner les moulins à prières tous les jours. « Quand je me sens fatigué, je rentre chez moi en bus. Grâce à la carte spéciale pour les personnes âgées, le bus est gratuit », dit-il.

Dorje Tseten est un véritable témoin de l'évolution du Tibet. Il est parti pour l'Inde en 1959, et est revenu au Tibet en 1999. Après 40 ans de vie à l'étranger, il habite maintenant à Lhassa, passant ses vieux jours dans l'aisance.

Avant de quitter sa terre natale, la famille de Dorje Tseten était Trapla (une des couches sociales de l'ancien Tibet, dont la plupart des gens étaient serfs), menant une vie misérable. « L'Armée populaire de Libération (APL) est entrée au Tibet en 1951. J'ai entendu mes parents dire que les soldats étaient très gentils envers les habitants locaux, se rappelle-t-il. Beaucoup de soldats ont sacrifié leur vie lors de la construction des routes au Tibet, tandis que les nobles restaient indifférents, ne leur donnant aucune aide. »

En 1959, une rébellion s'est produite au Tibet. À cause de l'excitation de certains réactionnaires de la classe supérieure, Dorje Tseten a été emmené à l'étranger, avec beaucoup d'autres compatriotes tibétains, qui ignoraient, tout comme lui, la vérité.

Une vie de vagabond hors du pays

« Le désordre s'est tout à coup installé, dit Dorje Tseten, baigné dans le souvenir de la rébellion de 1959. Des rumeurs se propageaient partout, disant que les gens de l'ethnie Han avaient l'intention de massacrer les Tibétains, ainsi beaucoup de gens ont décidé de s'enfuir, y compris moi. Quand on est arrivé à la frontière sino-indienne, on a découvert que les nobles avaient fait des préparatifs abondants, tandis que nous, nous n'avions rien. Confrontés au climat chaud et humide, à une nourriture et à une langue différentes, on a passé des mois très durs dans des camps de réfugiés dans la région montagneuse près de la frontière avec très peu d'aide de la communauté internationale. Les morts et les blessés étaient innombrables… À cette époque-là, je souffrais tous les jours de la faim. J'ai vendu tous mes bijoux pour acheter de quoi manger. »

Dorje Tseten avait alors 29 ans et était en très bonne santé. Il a été recruté par l'Inde pour construire des routes dans une région en haute altitude. Il portait des vêtements usés des soldats indiens, et la nourriture était toujours insuffisante. Après son travail dans les montagnes, Dorje Tseten a été remarqué par un officier. Celui-ci l'a employé comme domestique chez lui. « Au cours des deux premières années, je m'occupais d'accompagner le fils de l'officier sur le chemin entre la maison et l'école. Après que ce dernier soit parti faire ses études en Grande-Bretagne, j'ai travaillé comme charpentier dans un atelier appartenant à leur famille, continue de se rappeler Dorje Tseten. Un an plus tard, en 1965, j'ai été recruté par un établissement éducatif nommé La Maison des enfants tibétains, qui se trouvait à Shimla (en Inde), dans lequel j'ai aussi travaillé comme charpentier. »

Dans les années qui suivirent, Dorje Tseten loua un terrain dans la banlieue de Shimla pour cultiver des pommes de terre, puis il s'est marié. Il ouvrit une petite boutique avec sa femme et travaillait le bois en plus. Durant sa vie à Shimla, il ne cessa de penser fort au Tibet, recueillant précieusement toutes les informations sur sa terre natale.

En 1981, Dorje Tseten reçut une lettre de son oncle maternel, dans laquelle il lui demandait de rendre visite à sa famille en Chine. En effet, son oncle n'avait appris son existence qu'il n'y a deux ans, par un compatriote tibétain qui était revenu au pays. Malheureusement, les formalités à accomplir n'étaient pas simples. Quand il lui fut finalement permis de revenir au Tibet en 1985, son oncle était déjà mort.

C'était la première fois que Dorje Tseten revenait à Lhassa après 26 ans de vie à l'étranger. Il est vraiment surpris par le Tibet d'aujourd'hui. « Il n'y a plus de serfs. Chacun a son logement, son salaire, et une famille heureuse. On mène une vie aisée et tous les enfants sont admis à l'école. Je suis vraiment surpris, j'ai du mal à croire ce que je vois », avoue-t-il.

Retour sur sa terre natale

Quand il rejoint sa famille en 1985, Dorje Tseten retrouve ses sept frères et sœurs qui ont tous beaucoup d'enfants et de petits-enfants. C'est une très grande famille, et chaque personne mène une vie heureuse. Tous ses proches et amis persuadent Dorje Tseten de revenir résider au pays : « En raison des mesures préférentielles du gouvernement, les conditions de vie s'améliorent de jour en jour au Tibet ».

À la suite de cette visite, Dorje Tseten est rentré en Inde avec de nombreux livres sur les nouvelles politiques du gouvernement chinois envers les Tibétains. Il les a présenté à ses compatriotes d'exil et leur a parlé du grand changement du Tibet. Informés de cela, ils ont décidé les uns après les autres de retourner dans leur mère-patrie.

Malgré leurs demandes répétées, les formalités étaient très difficiles à accomplir. « Le gouvernement en exil nous disait toujours que nous pourrions rentrer ensemble après quelques années, mais nous avons attendu en vain », dit Dorje Tseten. Au fur et à mesure qu'il vieillissait, et surtout après la mort de son épouse, la nostalgie de Dorje Tseten est devenue de plus en plus forte. Après avoir entendu que certains avaient réussi à aller clandestinement à Katmandou, au Népal, puis à revenir à Lhassa par avion, il a vendu tous les biens de sa famille et est revenu clandestinement à Lhassa avec son fils âgé de 28 ans. Trois compatriotes tibétains ont fait le voyage avec eux.

Après son retour à Lhassa, Dorje Tseten et son fils ont ouvert une boutique. Les affaires marchant bien, ils ont pu acheter un appartement en centre-ville, dans lequel trois générations de la famille vivent ensemble. À propos du changement de vie, Dorje Tseten dit : « À Shimla, je m'inquiétais tous les jours de ma subsistance, mais à Lhassa nous menons une vie aisée. »

« Si j'étais plus jeune, je voudrais contribuer plus à la patrie, ajoute-t-il. J'envie beaucoup mes neveux et mes nièces. Grâce aux bonnes politiques actuelles, les jeunes peuvent faire ce qu'ils veulent, car ils n'ont pas de fardeaux. »

Depuis les années 1980, on compte à peu près 2 000 Tibétains qui sont revenus de l'étranger en Chine. Sur le terrain de leur patrie, ils bénéficient des politiques privilégiées dans beaucoup de domaines, et certains ont été élus députés à l'Assemblée populaire et sont membres de CCPPC (Conférence consultative politique du peuple chinois) de la région autonome du Tibet.

Témoin de l'évolution du Tibet

Quand le chemin de fer Qinghai-Tibet a été mis en service en 2006, Dorje Tseten a été invité à prendre le premier train. En fait, lors de son séjour en Inde, il a plusieurs fois vu dans les médias qu'il était impossible de construire de voie ferrée au Tibet. « Le chemin de fer Qinghai-Tibet a brisé cette fausse idée internationale et apporte beaucoup d'avantages et de confort aux habitants du Tibet », remarque-t-il.

L'évolution du Tibet a dépassé ce que pouvait imaginer Dorje Tseten : « Au cours des 15 dernières années en Chine, le développement et le perfectionnement des infrastructures ont été enthousiasmants, même incroyables, en ce qui concerne les écoles, les hôpitaux, les transports, etc. »

En plus des progrès des infrastructures, le niveau de vie des Tibétains ne cesse de s'améliorer. Aujourd'hui, le Tibet est complètement couvert par les systèmes d'assurance-maladie, d'assurance retraite rurale de nouveau type, et par l'indemnité de subsistance. La province est pionnière à l'échelon national. Dorje Tseten fait partie des bénéficiaires de ces politiques : « La vie est garantie, les dépenses médicales sont remboursées, tout est bien arrangé ».

Par ailleurs, la pratique religieuse est totalement respectée et protégée au Tibet. On peut voir partout, aux quatre coins de la province, des drapeaux de prière, des objets d'art religieux (comme les pierres mani), et des croyants qui marmonnent des soutras un moulin à prière à la main.

« Au début, je craignais que ma pratique religieuse soit limitée, mais mes peurs se sont vite dissipées face à la réalité », dit Dorje Tseten. Aujourd'hui, sa vie est simple : en plus de faire tourner les moulins à prières et regarder la télévision pour connaître les nouvelles à l'intérieur et à l'extérieur du pays, il donne souvent un coup de main dans la boutique que son fils gère et raconte des histoires le soir à sa petite-fille âgée de 11 ans.

« En revenant sur ma terre natale, dans ma patrie, je peux passer les dernières années de ma vie à l'aise et paisiblement. Je me sens heureux », conclut-il.

 

La Chine au présent

Liens