CHINAHOY

24-July-2013

Qiannan au Guizhou: de la beauté au mystère

 

Xiaoqikong à Libo, un site inscrit au patrimoine naturel mondial de l’UNESCO

 

WU MEILING

 

Dans le sud du Guizhou se profile un paysage pittoresque, un véritable « pays de palais en karst », un monde de rêve constitué de montagnes et de ruisseaux, où émane de la terre un air de musique léger. Il s’agit plus précisément de la préfecture autonome buyei et miao de Qiannan.

 

Si les vestiges de l’ancien royaume de Yelang laissent percevoir la personnalité historique troublante de cette terre, le plus récent chapitre de l’histoire chinoise qui s’est déroulé ici correspond à la défaite qu’a essuyée l’armée japonaise à Dushan lors de son dernier combat à l’intérieur de la Chine, à l’époque de la guerre de résistance contre l’agression japonaise. En tendant l’oreille sur l’ancien champ de bataille, on peut entendre encore les hurlements de l’âme nationale charriés par le vent. Mais ce qui rend les visiteurs le plus perplexe, c’est l’écriture sui, considérée par les experts comme la dernière à faire usage de hiéroglyphes en usage sur la planète. En outre, le Tianshu (message céleste) inscrit sur la « pierre des dieux » le long de la rivière Zhangbu à Pingtang et la falaise Chandan (falaise qui pond des œufs) à Sandu, sont autant de sites magiques et fascinants à découvrir à Qiannan, une préfecture qui mérite vraiment que l’on s’y arrête.

 

Libo, une splendeur depuis des millions d’années

 

En 2005, le mensuel Chinese National Geographic a établi une liste des dix plus belles forêts chinoises. La forêt karstique de Libo figurait en huitième position.

 

« Karst », qui vient du mot slave « kras », une région de Slovénie où ce relief est bien présent, désigne des roches nues et stériles. Les eaux souterraines causent l’érosion de ces massifs calcaires solubles, ce qui explique les diverses formes particulières que l’on peut observer dans cette structure géologique. Ces paysages karstiques sans végétation peuvent provoquer chez leurs observateurs un sentiment de désolation. Cela dit, celui de Maolan à Libo, unique au monde, présente 20 000 hectares de forêt naturelle.

 

Dans ce bois, si vous êtes envoûté par la beauté originelle des collines verdoyantes, si ce paysage onirique fait naître en vous une passion poétique, alors munissez-vous d’un stylo ! Sous vos pieds, cette forêt vierge s’étendant sur 130 km2 a déjà subi pendant plus de 100 millions d’années les affres du vent et de la pluie, une épreuve longue et difficile qu’aucune autre forêt n’a jamais expérimentée. Il y a environ 200 millions d’années, après sept luttes acharnées opposant la mer et la terre, Libo a finalement émergé de l’eau. Au fil des générations, le lichen a sans relâche participé à l’érosion de la roche dure, qui petit à petit s’est recouverte d’une couche mince de sédiments, dans laquelle les plantes ont pu pousser lentement. Cette végétation karstique de Maolan ne cesse d’étonner, car, au cours de son apparition, il aurait suffi d’un incendie, d’une inondation ou d’une déforestation pour faire disparaître ce miracle à jamais, ou tout au moins, pour reléguer cette forêt à un rang secondaire. Suite à des recherches biologiques, géoscientifiques et écologiques, des experts ont affirmé que cette forêt karstique naturelle de Maolan était la seule que l’on puisse trouver à cette latitude. Visage naturel de l’environnement karstique subtropical, cette forêt karstique est la mieux conservée au monde.

 

Le pont Gejing

 

Ce paysage unique est devenu, de surcroît, un trésor unique, avec la découverte et le répertoriage d’espèces vivantes indigènes à la région karstique. Ici sont conservés le Kmeria septentrionalis Dandy, un magnolia déclaré éteint en 1933, ainsi que les derniers plants de Paphiopedilum emersonii. D’ailleurs, environ 1 203 variétés de plantes, 316 espèces de vertébrés et 800 sortes d’insectes sont présentes dans cette région, 170 d’entre elles étant protégées car considérées comme rares. Rien que dans la famille des orchidées, ce lieu abrite déjà 85 variétés d’orchidées sauvages, classées en 32 genres divers.

 

Alors, le Kmeria septentrionalis Dandy, cet arbre haut de six à sept mètres, dont le tronc est si large que même deux personnes arrivent difficilement à en faire le tour avec leurs bras, a-t-il vraiment disparu ? À l’origine, c’est un botaniste nommé Qin Renchang qui avait découvert pour la première fois cette variété à Luocheng (Guangxi). Puis, après la mort de l’arbre, personne n’en avait identifié d’autres de la même espèce. En 1937, la communauté botanique internationale a officiellement déclaré son extinction. Quelle surprise pour tous ces chercheurs quand cette variété a miraculeusement été retrouvée à Maolan, en 1983, où se trouvaient rassemblés 20 000 spécimens. Il s’agit de la plus grande et de la plus haute forêt de Kmeria septentrionalis Dandy de la planète. Cette découverte a immédiatement fait sensation dans les milieux botaniques, le Kmeria septentrionalis Dandy ayant bientôt été comparé à un « panda retrouvé ».

 

La réserve nationale de forêt karstique de Maolan est un trésor touristique incomparable, avec ses quatre merveilles que sont la forêt sur la roche, la forêt dans l’eau, la « forêt en entonnoir » et la forêt souterraine.

 

Essayez de visualiser ce spectacle : une forêt de plus de 20 000 hectares qui a poussé directement sur les roches ! La pierre a réussi le miracle de donner la vie. Néanmoins, c’est la forêt dans l’eau, intégrant douceur et splendeur, qui constitue le plus beau paysage des lieux.

 

Combinant harmonieusement végétation et ruisseaux, la forêt dans l’eau, l’un des plus beaux paysages de Xiaoqikong, est célèbre pour ses « bonsaïs géants ». Comment ces arbres font-ils pour pousser ainsi, dans l’eau gazouillante ? Pourquoi ne meurent-ils pas noyés ? En fait, l’évolution des formations karstiques a doté la forêt de capacités spécifiques. Initialement, aucun cours d’eau ne coulait ici, aucune plante ne poussait sur les collines. Puis, on ne sait quel phénomène terrestre a provoqué des glissements de terrain. Des sources sont alors sorties des grottes et ont progressivement entouré les arbres. À mesure que le dioxyde de carbone s’échappait de l’eau, du carbonate de calcium se déposait au fond des ruisseaux, recouvrant en même temps les racines des végétaux, au niveau desquelles s’est ainsi formée une couche calcaire protectrice. Si la forêt n’est pas noyée, c’est parce que la partie immergée est en fait à l’abri sous cette couche calcaire, comme un homme garde les pieds au sec lorsqu’il met des bottes pour patauger dans l’eau... « L’eau s’écoule sur la pierre, les arbres poussent dans l’eau » : une image fascinante. Pieds nus dans l’eau, les racines s’enroulant autour de nos chevilles, s’accrochant à des lianes vacillantes : on a l’impression que cette eau qui court sur nos pieds remonte les âges, ramenant l’homme à son enfance.

 

La « forêt en entonnoir » est un chef-d’œuvre karstique, dont le plus bel et mystérieux exemple se situe sur la montagne Wangpai de la réserve de Maolan. Qu’est-ce qu’ « une forêt en entonnoir » ? Une doline en entonnoir désigne un creux cerné de sommets fermés, qui a une forme de cône renversé, tel un entonnoir. Au cœur de la montagne Wangpai, d’une altitude de 868 m, la hauteur relative de ce creux atteint 400 m du sommet jusqu’au fond du trou. Si l’on jette un regard vers le bas, on ne voit qu’un gouffre insondable recelant d’arbres anciens.

 

Le plus grand secret enfoui dans le karst de Maolan n’est autre que la forêt souterraine. Ce terme fait aujourd’hui référence à deux sites. L’un est la forêt souterraine de Ning’an (Heilongjiang), qui a pris place à l’intérieur de sept volcans éteints. D’ailleurs, à moins d’être juste à côté du cratère, on n’aperçoit qu’avec peine cette forêt depuis l’extérieur. Les cimes des arbres ne dépassent pas le sommet du volcan, donnant l’impression que la forêt se trouve sous la terre, d’où son nom. L’autre site est la forêt en entonnoir de Maolan, qui comme la forêt souterraine de Ning’an, évolue sous la surface du sol. Cependant, la vraie forêt souterraine au sens strict, celle qui jamais ne voit la lumière du jour, n’existe qu’à Libo. Les arbres poussent à l’intérieur de grottes, creusées dans la montagne brumeuse. Une végétation dense est visible à l’intérieur comme à l’extérieur de la grotte n°1285. Les branches nues de ces arbres sombres verticaux ressemblent à des barres de fer, certaines robustes comme des fûts, d’autres fines comme des cheveux. Il est étonnant d’observer que ces arbres, sans exception, sont dépouillés de feuilles, et que leurs branches se dirigent vers le bas. Cette forêt souterraine est assez terrifiante. Il faut bien comprendre que ce chef-d’œuvre résulte des arbres présents au-dessus des grottes : il s’agit en fait de leurs racines, qui croissent et traversent les roches épaisses de quelques dizaines de mètres, formant ainsi une forêt souterraine, un phénomène rarissime...

 

Un autre paysage karstique tire sa magnificence de la tendresse de l’eau. On trouve partout dans la réserve naturelle de Maolan des cascades et des fontaines, dont les plus charmantes sont sans doute celles du lac Yuanyang à Xiaoqikong. Là, se trouve un magnifique réseau d’eau constitué de deux grands lacs et quatre étangs reliés entre eux par des cours d’eau. Qu’ils soient étroits ou bien larges, tous sont étonnants.

 

Certains prétendent que le lac Yuanyang est comme une palette de sept couleurs. Ce n’est pas faux, mais il faut tout de même venir à des saisons différentes pour observer celles-ci. Les arbres colorés, les rayons du soleil d’abord absorbés, puis reflétés et réfractés par le lac…, tous ces éléments font prendre à l’eau des teintes variées, peignant l’un des plus beaux tableaux impressionnistes signés Mère Nature.

 

Panorama du village de Zenlei

 

L’ethnie minoritaire sui, une noblesse venue de l’antiquité

 

Au sud de la préfecture de Qiannan, se trouve un endroit « beau comme la plume du phénix » : le district autonome sui de Sandu.

 

Parmi les innombrables merveilles que l’on peut y déceler, il y a Yaoren, la plus belle montagne de l’ouest, Duliu, une rivière au charme absolu, la falaise Chandan (qui pond des œufs), la pierre barométrique Qingyu, la grotte à température variable Lengnuan, et l’arbre de la lune qui brille dans la nuit... Sandu est la terre magique où vit le peuple sui, laborieux et sage.

 

La nation chinoise compte 56 ethnies minoritaires, comme 56 fleurs qui s’épanouiraient ensemble sur la même branche. Les Sui se sont développés tranquillement, dans la discrétion. Selon les statistiques, leur population totale actuelle se chiffre à 400 000 personnes, 200 000 résidant à Sandu.

 

À l’origine, les Sui n’habitaient pas cette terre. Ce peuple de montagnards y a migré, attiré par la mer. Alors, d’où provenaient les ancêtres des Sui et à quelle époque ont-ils vécu ? Selon des légendes et chants populaires, leurs aïeux sont arrivés du sud. Ceux-ci entretenaient un lien profond avec l’eau et la mer, ce qui se ressent dans leurs coutumes d’ailleurs, où de nombreux éléments sont liés aux poissons. Des chercheurs en ont donc conclu que les Sui étaient probablement parents des Baiyue (Guangxi). Cependant, l’écriture sui, un autre moyen d’ouvrir une fenêtre sur l’histoire des Sui, suggère que leurs ancêtres étaient originaires de la plaine centrale, et reliés au groupe des Han. Les Sui utilisent leurs propres caractères, dont la prononciation diffère totalement de celle du mandarin moderne, avec une consonance plus proche de celle des mots antiques autrefois employés dans la plaine centrale. Le sociologue émérite Cen Jiawu a écrit dans son livre L’origine de l’écriture et de l’ethnie minoritaire sui : « Les caractères sui ont été inventés à une époque très ancienne, qu’on pourrait dater des Shang (XVIe siècle-XIe av. notre ère). Il existe des liens avec les jiaguwen (inscriptions sur os d’animaux et carapaces de tortue) et les jinwen (inscriptions sur bronze). » En effet, les 200 mots existants dans l’écriture sui, qui peuvent prendre la forme de pictogrammes, d’idéo-phonogrammes ou d’idéogrammes, ressemblent à s’y méprendre aux jiaguwen. Mo Youzhi, un grand savant du Sud-Ouest de la Chine, estime que l’écriture sui a été mise en place avant la dynastie des Qin, information qu’il justifie ainsi : les plus anciens écrits sui, gravés en partie sur le bambou, étaient similaires au Classique des documents (recueil concernant la politique et l’administration des souverains de l’antiquité chinoise). « Seuls les ancêtres de la dynastie des Shang compilaient ce genre de données. » Tout cela nous transporte loin dans le passé. En 221 av. notre ère, la dynastie des Qin s’est installée dans la plaine centrale, sous un vaste ciel aux étoiles glacées. Une troupe de 500 000 soldats s’est élancée vers Lingnan, sous les ordres de leur général Yu Tusui. À l’époque, les prénoms n’étaient pas assignés dès la naissance. Une personne était d’ordinaire nommée selon son fief ou ses fonctions. Alors, le nom Yu Tusui peut-être signifiait-il « le fonctionnaire qui massacre les Sui avec sa troupe ». Une stèle gravée, qui a été retrouvée dans le village de Shibanzhai du bourg de Sanshuiqian, témoigne de cette histoire. Le style cursif de l’inscription fait penser à celui en vogue sous les Ming. Sur les illustrations à côté, les personnages sont vêtus de toges ceinturées ou d’armures. Parmi les trois protagonistes, apparaît au milieu un homme portant un chapeau fabriqué avec des plumes de phénix, élégant et aimable ; à droite, un vieillard barbu, avec une canne dans la main gauche, qui donne à manger à l’enfant à sa gauche ; une femme, coiffée d’un chapeau étrange, qui marche, un bébé dans ses bras. À proximité de ces trois personnes, des soldats habillés en armure et armés d’épées les protègent. D’ailleurs, un drapeau avec un dragon dessus flotte au vent et effraie les oiseaux. N’est-ce pas une représentation de la migration de l’ethnie sui sous les Qin ? En fait, après l’entrée des troupes des Qin à Lingnan, les ancêtres des Sui ont fui en amont de la rivière Duliu, à la frontière entre le Guizhou et le Guangxi. Ce cours d’eau existe d’ailleurs encore de nos jours. Cependant, dans la plaine centrale, la culture des Han a très vite englobé celle plus marginale de cette ethnie minoritaire. La culture caractéristique des Sui a disparu ; seuls les écrits sui qui avaient été entreposés dans les montagnes ont survécu. Ces fossiles d’écriture vivants ont bien résisté à l’épreuve du temps, un peu comme un aliment qu’on conserve au congélateur et qu’on ressort quelques temps plus tard.

 

Les coutumes populaires de l’ethnie minoritaire sui sont très peu connues. La fête Duanjie des Sui est la célébration qui dure le plus longtemps au monde ; la fête Maojie correspond à la plus ancienne Saint-Valentin en Orient ; Jingxiajie, un culte pour honorer le dieu de l’eau, est organisé tous les 60 ans et demande donc des décennies d’attente interminable ; la broderie en crin de cheval, fossile vivant de la broderie chinoise, a été inscrite sur la première liste du patrimoine culturel immatériel de la Chine.

 

À mon arrivée au district de Sandu, j’ai entendu qu’une récompense de 500 000 yuans serait attribuée à qui percerait le mystère de la falaise Chandan.

 

Le site touristique de la falaise Chandan, tout près du village de Gulu, se trouve à 9 km de distance du district de Sandu. Sur les reliefs montagneux, ont été érigés les pavillons locaux du village, hérités des Yue anciens, qui transmettent le charme simple de l’antiquité. Ici, les résidents parlent la langue sui, portent des tenues et chantent des chansons propres à cette ethnie. Ils affirment que tous les trente ans, un « œuf de pierre » tombe comme par magie de cette falaise, un phénomène qui défie toute logique humaine... Alors, d’où la falaise Chandan tire-t-elle ce pouvoir mystérieux ? Quelle énigme millénaire se cache derrière cette imposante masse rocheuse ?

 

Livre en écriture sui

L’extraordinaire Pingtang

 

Situé dans la région karstique de la zone subtropicale, Pingtang est élogieusement qualifié de « district touristique aux merveilles géologiques uniques au monde » grâce à ses paysages ravissants et à la centaine de sites fabuleux qu’il renferme, tels que la rivière Pingzhou, la zone touristique du village de Jiacha et celle du bourg de Longtang. Le 29 novembre 2009, aux côtés de villes comme Lijiang (Yunnan), Pingtang avait été sélectionné dans le « Top 10 des plus beaux bourgs de Chine », lors d’une cérémonie tenue dans l’auditorium de la CCPPC.

 

Pingtang, l’observatoire du ciel

 

Quel est le meilleur endroit pour construire un radiotélescope de 500 m de diamètre, afin d’observer le ciel ? À partir du milieu des années 1990, des astronomes chinois et étrangers se sont plusieurs fois rendus ensemble sur le plateau Yunnan-Guizhou pour y mener des études conjointes. Finalement, leur regard s’est arrêté sur Dawohan, à Pingtang.

 

Dawohan est situé sur le plateau du Yunnan-Guizhou, qui revêt en grande majorité une topographie karstique. Entre les montagnes et les collines qui se jouxtent, des dépressions gigantesques se sont formées, prenant l’allure de pots naturels. « Comme des pots ou entonnoirs, ces fosses sont enserrées par des pics escarpés. Une vue aérienne nous permet de découvrir l’immensité de ces creux et l’abondance de leur végétation luxuriante. » Et c’est précisément là, au fond, où s’ouvrira prochainement le téléscope géant « œil de la planète », d’un diamètre de 500 m.

 

Les travaux étant encore en cours de finalisation, il est malheureusement impossible d’admirer ce spectacle de l’univers pour le moment. Mais les paysages de Pingtang, avec leurs montagnes majestueuses, leurs creux de diverses formes et leurs dolines karstiques, construisent un petit paradis que personne ne souhaite quitter.

 

Le site le plus controversé à Pingtang est celui du Tianshu (message céleste), baptisé ainsi par les habitants locaux. Selon les dires, serait cachée dans les canyons sublimes du Guizhou une pierre miraculeuse, sur laquelle la nature aurait inscrit les caractères 中国共产党 (Parti communiste chinois).

 

Le canyon où se trouve ce Tianshu affiche des paysages divins avec ses ruisseaux, ses cascades et ses bambous géants. Cette « roche au message caché » est tout au bout du canyon. Deux grandes pierres, d’une longueur de 7 à 8 m et d’une hauteur de 3 m, s’érigent au bord d’un cours d’eau. Il est évident qu’elles forment un ensemble, qui s’est fissuré au centre, sur un mètre environ. Au milieu de la partie rocheuse de droite, on distingue les cinq caractères chinois saillants 中国共产党 d’un pied chacun, avec à côté quelques traits flous, à l’instar de la signature du calligraphe. Les caractères se sont en vérité formés naturellement il y a 200 millions d’années, alors que le Guizhou montagneux était encore sous la mer. Les cinq caractères sont en fait sculptés par des fossiles d’organismes marins, conservés dans la roche depuis des millions d’années. Un jour, ce bloc, sous l’impact d’une secousse sismique ou d’une pluie torrentielle, s’est décroché du sommet du canyon et s’est fendu en deux lorsqu’il a atterri en bas. Ce miracle de la nature est passé totalement inaperçu au début, d’autant plus que le Parti communiste chinois n’avait pas encore vu le jour. Selon les estimations, cette pierre s’est formée il y a 280 millions d’années et est tombée au sol il y a 500 ans. Quant à la formation des caractères, elle s’explique par des fossiles d’êtres vivants, tels que des éponges de mer et des brachiopodes, dont la structure plus résistante que le calcaire a été mise en relief après des années d’érosion. Comment ces organismes marins auraient-ils pu imaginer qu’un jour ils seraient disposés ainsi, puis découverts au moment où les caractères sont l’une des fiertés de la nation chinoise. Cela illustre bien l’expression « tomber à pic » !

 

 

La danse du tambour de bronze dans le village de Gulu

 

Découvrir l’histoire des fortifications de Fuquan

 

L’attrait de la ville de Fuquan procède principalement de sa richesse historique. C’est sur cette terre qu’avait été instauré le royaume de Qielan durant la période des Printemps et Automnes, ainsi que le royaume de Yelang il y a 2 000 ans.

 

Le premier point d’intérêt que j’ai visité à Fuquan est l’ancienne cité d’eau de Xiaoximen. Il s’agit de la partie la mieux préservée de la ville antique de Fuquan. Ce site nous en apprend beaucoup sur les stratégies de guerre au temps des combats à l’épée. Du haut des remparts de Xiaoximen, on peut apprécier le panorama de Fuquan. Cette ville ancienne se divise en trois portions, qui élaborent ensemble une défense globale : la cité intérieure, au sommet, surveille l’ensemble ; la cité d’eau coupe la rivière et lie les deux autres portions ; la cité extérieure, imposante, résiste aux ennemis arrivant de toutes parts. À l’endroit où les remparts coupent la rivière sont édifiés deux ponts de pierre en arc avec trois trous, qui constituent une merveille architecturale. Au niveau de chaque trou, est installée une porte de fer à bascule, destinée à lutter contre les attaques surprises menées par des ennemis. Ainsi est apparue la structure particulière « des trois cités en pierre superposées de Xiaoximen qui coupent la rivière ». Sous le règne de l’empereur Tianqi (1621-1627) des Ming, An Bangyan de Shuixi (actuellement le nord-ouest du Guizhou) s’est révolté et a occupé la majeure partie du Guizhou. Grâce à la disposition des trois cités, Pingyue (l’ancien nom de Fuquan) a réussi, avec seulement une centaine de gardiens, à résister et même à repousser l’attaque sans trêve de l’armée de Shuixi, qui comptait 30 000 hommes.

 

Six cent ans plus tard, la cité d’eau n’a pas changé. La rivière Xijiang, du nord vers le sud, passe tranquillement au travers des remparts, toujours ornés de quatre portes somptueuses. Cette ville antique a non seulement laissé derrière elle une vue spectaculaire comparable à celle de la Grande Muraille, mais aussi un exemple de sagesse pour tous les entrepreneurs ambitieux d’aujourd’hui.

 

La ville ancienne la plus mystérieuse à Fuquan est la capitale de l’ancien royaume de Yelang, la cité de Zhuwang (cité du roi Zhuduo). « Et en quoi Han pourrait-il être plus grand que Yelang ? ». Telle est la question qu’avait posée Zhuduo, le roi de Yelang, il y a plus de 2 100 ans, avant que cette « grande puissance » dotée de 100 000 combattants ne soit éradiquée de la carte. Zhuduo n’aurait jamais pensé que des provinces telles que le Hunan, le Sichuan et le Guangxi se disputeraient aujourd’hui Yelang, ce qui a permis à cet ancien royaume de ne tomber sous la coupe de personne. Aujourd’hui, la cité de Zhuwang et le temple du roi Zhuduo, seuls vestiges du royaume de Yelang, restent silencieux dans les campagnes de Fuquan, dont le vent a balayé la noblesse impériale depuis longtemps.

 

En vue de mieux comprendre cette ville antique pleine de mystères, nous avons visité un village, appelé communément Yanglao. Mais ce grand village truffé de bambous et peuplé par les minorités ethniques buyi, miao et han se trouve-il à l’emplacement exact de l’ancienne capitale du royaume de Yelang ?

 

Topographie karstique à la rivière Dadai

 

La plupart des ruelles de Yanglao sont pavées d’anciennes dalles en pierre carrées. Malheureusenent, nul document écrit ne prouve qu’elles ont été posées sous le règne du roi Zhuduo, alors qu’en revanche, est visible l’inscription de quatre caractères « hibiscus sculpté par la nature », gravée par l’empereur Jianwen des Ming, lors de son errance ici à dessein d’échapper au chaos de la cour. Il est recommandé de monter au sommet près de l’entrée Est, pour apercevoir la grandeur du territoire de Yelang. Du haut du sommet, on se rend compte que toute la cité de Zhuwang est disposée de manière sophistiquée et s’étend sur une large échelle. Toutes les rues dans la cité, que ce soient les avenues larges de 8 m ou les innombrables ruelles larges de 4 m, s’entrecroisent et se rejoignent. La rivière Yanglao au pied de la ville ancienne, limpide et ridée, ressemble à un dragon des mers prêt à la défendre à tout instant. Un tunnel mesurant environ 1,5 m de large, 2 m de haut et 150 m de long, permet d’accéder à l’ancien quai de la rivière Yanglao, qui servait peut-être à transporter de l’eau ou à entreprendre des attaques navales lors de batailles. Grâce aux cinq tours de guet disposées au sommet des montagnes périphériques, les deux rives de la rivière Yanglao, ainsi que ses immenses terres fertiles, étaient bien protégées. Après avoir visité plus de 300 tombes anciennes en pierre et le temple du roi Zhuduo à proximité du village, je suis dorénavant persuadée à 100 % que la capitale du royaume de Yelang était bien ici. Chaque vestige écrit une nouvelle page d’un roman légendaire fort en suspense. Yelang, comment avez-vous pu vous éteindre ainsi, sans laisser la moindre trace ? Quand vous voyez vos descendants se disputer l’héritage de votre ancien royaume, vous en affligez-vous ou souriez-vous secrètement ?

 

À Fuquan, ne passez pas à côté de la montagne Fuquan située au sud de la ville, lieu sacré du taoïsme où Zhang Sanfeng, maître suprême des arts martiaux du mont Wudang qui a vécu sous la dynastie des Ming, a passé huit ans pour y pratiquer cette religion. Du haut du sommet, on se rend compte qu’elle est encadrée par d’autres massifs montagneux. Un petit cours d’eau s’écoule sur l’herbe, son lit formant naturellement une figure de tai-chi. La colline ayant la forme d’une tortue millénaire pénétrant dans l’eau, couplée avec la rivière représentant un serpent géant devenant immortel après avoir atteint le dao (la voie), composent ensemble une autre image propre à la culture chinoise. Décidément, sûrement l’endroit idéal pour Zhang Sanfeng pour méditer.

 

Trouver la voie et devenir immortel, comme on le dit, signifie en réalité développer son esprit de sagesse et quelques facultés spécifiques aux humains. En effet, le vrai Zhang Sanfeng était un taoïste simple qui s’épanouissait dans son travail sur lui-même et un savant qui maîtrisait philosophie, peinture, calligraphie, poésie, médecine chinoise, qigong et tai-chi. Dans une lettre en réponse aux interrogations de l’empereur Yongle, il avait écrit très sincèrement et simplement : « Quel est le secret de l’immortalité ? Il faut suivre la voie de la vertu. Se détacher du désir et garder un cœur pur, telles sont les capacités extraordinaires des dieux. »

 

Par sa pratique du taoïsme, Zhang Sanfeng a fait souffler un vent d’immortalité sur cette montagne toute entière. On pourrait certainement y trouver des preuves confirmant les légendes comme quoi il était capable de déplacer des montagnes et des puits, ou encore de faire revivre des branches mortes. Le temple de Zhang Sanfeng construit récemment est on ne peut plus resplendissant. Son portrait, gravé dans la pierre par Zhang Sanfeng lui-même, illustre notamment l’esprit divin du maître, accentué par ses traits éthérés qui créent une impression de transparence.

 

Parmi les plus de 130 ponts, il y a le pont Gejing des Ming, qui égale en beauté le pont Zhaozhou au nord. Celui de Yibu (le pont d’un pas), qui a été construit sous le règne de l’empereur Jiaqing des Qing est le plus petit pont en pierre de Chine. Et le pont Xianqiao (le pont divin), le pont naturel le plus haut du monde sur une ancienne voie de poste et qui est encore emprunté aujourd’hui.

 

Les jolis paysages dans la région de Qiannan se comptent par milliers. À chaque coin se dessine une nouvelle image ; à chaque pas, s’écrit un nouveau poème. Et le livre est loin d’être terminé : la beauté de Qiannan n’a pas fini d’être explorée.

 

La Chine au présent

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