CHINAHOY

10-June-2014

Un aventurier suisse en Chine

 

Lors d'un tournage chez une tribu dans les îles tropicales du Pacifique.

 

Sébastien Roussillat, membre de la rédaction

Liam Bates est certainement le Suisse le plus connu des Chinois. Arrivé en Chine à 17 ans, cela fait aujourd'hui près de dix ans qu'il vit entre la Chine, le Canada et son pays, et s'aventure un peu dans tous les domaines qui l'intéressent. Retour sur cet aventurier moderne.

Au premier abord, Liam Bates est un vrai Suisse, il est très poli, modeste et agréable et il parle français avec cet accent traînant typique des gens du canton de Vaud. Il est vrai que son nom aux consonances anglophones met le doute. « Ma mère est Américaine, elle travaillait comme journaliste pour le Time, mon père est Anglais, né au Zimbabwe. » Autant dire qu'habiter en Suisse implique un mélange culturel encore plus important dans ce pays qui parle quatre langues...

« Dans ma famille, on parle anglais ou français indifférement, et comme j'habite en Suisse, un pays où résident beaucoup d'étrangers, je suis habitué à ne pas voir les frontières et les cultures comme quelque chose de fermé. »

Hormis ses études, Liam fait beaucoup d'alpinisme et de ski, il passe la plupart de son temps libre dans la nature à crapahuter et à explorer la nature suisse.

Pour lui, la Chine c'était le kung-fu !

Grand amateur de films d'action chinois, « J'avais vu tous les films de Jacky Chan et de Jet Li, j'étais totalement fan ! » Liam décide de prendre des cours de kung-fu, mais est très déçu et rentre blasé dire à ses parent que « le prof n'est même pas chinois ». Son père lui propose alors de passer un été à Beijing. La condition étant qu'en plus des leçons de kung-fu, il apprenne le chinois.

Il part en 2004 pour la première fois à Beijing pour faire une formation de kung-fu à l'institut national d'arts martiaux. Il y reviendra presque tous les étés par la suite. Pour financer ses études, Liam décide de monter une petite entreprise baptisée « Bridges to China » qui offre des services pour les étrangers désirant apprendre les arts martiaux et s'initier à la culture du kung-fu.

« On était dans un tout petit local près de Chaoyang, on avait même pas de salle de bain, mais notre but c'était d'être en Chine et d'apprendre le kung-fu, donc on s'en fichait. Je dormais avec un matelas de camping dans un sac de couchage mais j'étais content d'être là. »

Puis en 2006, Liam décide de partir faire ses études au Canada, dans la ville où la concentration de population chinoise est la plus importante : Vancouver. Il étudie le chinois et le cinéma à l'université de Colombie britannique.

Le réalisateur de ses films

« Ma mère m'avait offert un piège à rêves indien quand j'étais petit. Et elle avait raison, parce que comme j'étais passionné de film de kung-fu et que je voulais passer du temps en Chine, j'ai réussi à obtenir ma bourse pour mes études au Canada. »

Lors de la dernière année de licence, Liam et un ami à lui décident de tourner un documentaire dans le style du voyage à motocyclette en Chine. Pour cela, ils achètent deux motos chinoises à Lhassa et relient Shanghai avec un Tibétain qui n'était jamais allé plus loin que le bout de son village.

Malheureusement peu avant d'arriver à Shanghai leur arrive une tuile et Liam se retrouve en béquilles, alors qu'il devait participer à un concours de chinois et montrer ce qu'il savait faire en arts martiaux. Le jury le voyant monter en béquilles sur scène lui donne la chance de se représenter pour l'année suivante et suite du rêve, il le gagne haut la main grâce à sa maîtrise du chinois et de tous ses autres talents, tels que le xiangsheng (dialogue comique) et les castagnettes chinoises.

Le Suisse le plus influent de Chine

Cela peut paraître grandiloquent en comparaison avec la discrétion et la modestie dont il fait preuve, et pourtant c'est bien la réalité. Liam est Le Suisse le plus connu en Chine. En effet, c'est dans le cadre d'un partenariat avec la chaîne Voyage que Liam a commencé à être réellement connu. Fort de son expérience de réalisateur et de ses connaissances en technique cinématographique, il accepte de se muer en présentateur et de faire une émission « immersion » dans les campagnes chinoises les plus reculées. « Je pense que si je n'avais pas accepté de le faire, aucun autre étranger n'y serait allé. C'était souvent très isolé, pauvre, parfois sordide même, mais j'aime ce côté aventure, exploration et voir ce qui est vrai. » Il passe souvent une semaine dans ces familles chinoises, dans des conditions parfois plus que spartiates. De ces immersions sont tirées une trentaine d'épisodes très suivis en Chine. Puis, un an après, il rempile en emmenant une équipe de tournage chinoise en Suisse. C'est par cette émission qu'il s'est réellement fait un nom et c'est également grâce à Rentrons au pays avec un étranger que les Chinois ont pu en apprendre plus de l'Europe, de la vie à l'étranger et surtout voir cela avec l'œil d'un étranger comprenant les questionnements des Chinois et leurs centres d'intérêt .

Un livre pour raconter le off

L'année dernière, Liam a décidé de publier un livre en chinois S'amuser, c'est tout ce qui compte !, entièrement rédigé par lui pour présenter l'envers du décor des tournages et tout ce qu'il a vu et vécu en Chine : ses excursions sur les îles indonésienne chez les tribus, ses aventures à bord des trains de marchandises aux quatre coins de la Chine à son public chinois. « Entre ce que le tournage permet de voir, de faire et ce qui est rendu à la télévision il y a un fossé énorme. Je voulais aussi dire des choses que j'avais vécu mais que nous ne pouvions pas forcément montrer. Raconter mon parcours dans ce livre est aussi un manifeste de ma façon de vivre qui est, je pense, très différente de la majorité des jeunes Chinois de mon âge. Pourtant je sais que certains sont intéressés par mon expérience et ma façon de voir la vie, je veux leur donner envie de poursuivre leurs rêves. »

Dernière aventure : Origins, un nouveau rêve

Récemment, Liam a décidé de remettre un peu le manteau au clou pour la télévision et de se consacrer à un autre problème : la purification de l'air. Pour celui qui aime grimper sur les glaciers suisses et partir sur les îles désertes d'Indonésie en mode « survivor », c'est sûr que l'air de la capitale est loin d'être paradisiaque... « Déjà, je suis Suisse, c'est peut-être un cliché, mais la propreté et quand c'est celle de l'air, c'est vital pour moi ! » . « Monsieur Propre sort de ce corps ! » a-t-on envie de dire, mais avec tous les logiciels pour téléphones portables pour mesurer la qualité de l'air chinois, les filtres et autres masques dont les ventes ont augmenté de 1000 % sur une année, on se dit qu' être Suisse sur ce problème-là est peut-être un avantage.

« Les purificateurs qui sont vendus en Chine, sous des grandes marques connues sont en fait des produits médiocres fabriqués avec des filtres faits en Chine qui ne servent qu'à profiter de la peur que les Chinois ont de la qualité de l'air pour faire de l'argent. Avec des amis, on a décidé de créer notre propre marque de purificateurs : Origins, désignés et produits en Chine de A à Z avec un plus : un filtre suisse ! Et là on arrive à faire un produit moins cher que ceux sur le marché, mais qui marche à fond ! » Liam me montre même un tableau sur lequel il a fait des calculs de qualité de l'air sur un glacier suisse et il désigne la courbe mesurée dans son appartement en Chine qui est en dessous : « C'est encore plus pur qu'en Suisse, t'imagines ! » Il ajoute : « bien sûr il faut avoir des fenêtres bien hermétiques, ce qui n'est pas forcément évident en Chine. »

 

La Chine au présent

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