CHINAHOY

30-September-2015

Politique d’éducation au Tibet

 

Les étudiants de l'université des Ethnies du Tibet, anciennement appelée l'institut des Ethnies du Tibet.

 

Un journaliste africain, en visite au Tibet, analyse les progrès réalisés par cette région en matière d'éducation.

JULIUS ENEHIKHUERE*

Le Tibet vient de célébrer son 50e anniversaire en tant que région autonome. C'est l'occasion de faire le point sur les investissements colossaux tous azimuts qu'a faits le gouvernement central pour développer ce lieu.

Dès la première visite, on peut observer l'impact de ces investissements massifs, la Chine étant disposée à présenter un Tibet nouveau, bien différent de celui d'il y a 50 ans.

L'essor du Tibet se mesure notamment à travers l'accroissement des ressources humaines que ce lieu a connu. L'accent a été mis sur l'éducation, vue comme moteur du développement. Les officiels signalent que le taux de scolarisation des enfants au Tibet est aujourd'hui de 15 % au-dessus de la moyenne des provinces chinoises. L'enseignement y est obligatoire et gratuit.

Réduire l'écart avec les autres zones

« Si tu penses que l'éducation coûte cher, essaie l'ignorance », dit un indémodable adage populaire qui met en perspective la valeur de l'éducation. L'éducation constitue la clé du développement. Une société instruite est une société florissante, soulignent les experts. Cette formule a trouvé une nouvelle définition au Tibet à mesure que la Chine ne ménageait pas d'efforts pour permettre à cette région de rattraper le niveau d'instruction atteint dans les zones développées.

Chin Zhan est étudiant à l'université du Tibet, l'un des cinq établissements d'enseignement supérieur dans la région autonome. Il se souvient encore clairement des défis majeurs auxquels le Tibet faisait face et du soutien donné par le gouvernement central à cette région considérée comme en retard sur le plan éducatif. En tant qu'étudiant boursier, il a pu jouir de la politique favorable mise en œuvre par le pays dans les zones défavorisées comme celle-ci. Selon lui, cette politique a donné au Tibet une longueur d'avance sur les autres endroits de Chine pour lui permettre de combler le fossé qui persistait en matière d'éducation.

À travers ma récente visite au Tibet, j'ai compris que si la Chine a choisi de favoriser cette région autonome, c'est notamment en raison des désavantages auxquels elle fait face dans son développement. Selon les décideurs politiques, pour que cette zone puisse s'intégrer pleinement au reste de la société chinoise, il est crucial d'y instruire la population.

Selon les officiels, l'ancien Tibet était une zone rurale aux communautés disséminées à travers les collines et les montagnes de l'Himalaya, où l'éducation à l'occidentale n'était pas vue comme une priorité. Mais la politique chinoise instaurant l'enseignement obligatoire et gratuit est venue changer la donne.

L'établissement au Tibet de ce système scolaire moderne et gratuit, allant de l'école primaire à l'université, a notamment encouragé les parents à envoyer leurs enfants à l'école, alors qu'ils n'auraient pas forcément eu les moyens de le faire en temps ordinaire.

Yixi Pingcuo, directeur adjoint des affaires ethniques et religieuses du Tibet, m'a indiqué lors de mon excursion au Tibet que la Chine identifiait les besoins particuliers de la plupart des zones défavorisées peuplées de minorités ethniques, puis donnait à celles-ci un « coup de pouce » pour les aider à combler leurs failles respectives.

Il explique que jadis, le Tibet était tel un bidonville : une zone rurale arriérée à tous points de vue. Alors qu'aujourd'hui au Tibet, l'enseignement est gratuit et obligatoire pendant quinze années pour tous, un énorme atout pour cette zone cherchant à rattraper le développement moderne, dont l'éducation est le gage. Ailleurs en Chine, l'enseignement est gratuit pendant neuf ans seulement.

Un enseignement aux couleurs locales

Selon les experts, les planificateurs de l'éducation ont mûrement réfléchi à une politique permettant à la fois d'élever le taux d'inscription dans les établissements supérieurs tout en maintenant la qualité des études. Pour ce faire, le seuil d'exigence fixé pour accéder à l'enseignement supérieur a été abaissé à l'intention des candidats issus de zones défavorisées. L'ouverture et le développement en cours donnent alors aux jeunes l'opportunité d'étudier, eux qui sont si désireux de rattraper le temps perdu. Selon les officiels, des établissements scolaires ont en outre été établis à proximité des villages pour réduire le trajet maison-école que doivent effectuer les élèves.

D'une part, divers rapports mettent en évidence que la jeunesse tibétaine fréquente l'école ; d'autre part, les hauts fonctionnaires à Lhassa (capitale du Tibet) notent que Beijing s'est concentré sur le secteur de l'éducation au Tibet, en raison de la nature singulière de l'endroit. « C'est le Tibet qui a bénéficié de la plus grande aide de la part du gouvernement comparé aux quatre autres régions autonomes du pays, et même comparé à tous les autres endroits de Chine si l'on s'en tient à l'éducation », a précisé Yixi Pingcuo. La région tibétaine abrite aujourd'hui cinq universités et une dizaine d'autres établissements supérieurs.

J'ai pu noter, en visitant l'université du Tibet, que 80 % des places sont réservées aux étudiants originaires du Tibet. « Tout est un peu différent chez nous, en raison du climat et de l'altitude. Nous encourageons nos élèves à étudier à proximité de leur lieu de résidence, où ils sont habitués à l'environnement », témoigne Xuan Zin, professeur dans cette université. Mais il espère voir cette situation évoluer au fil de l'ouverture de la Chine.

Chin Cao est inscrit en études environnementales. Il a choisi cette voie pour mieux comprendre son lieu d'origine. « Nous vivons en haute altitude, dans des conditions relativement insolites, vous savez. Il est nécessaire pour nous d'étudier cet environnement afin d'être à même de régler les problèmes qui s'y posent aujourd'hui et risqueraient de s'y poser demain », a-t-il décrit.

Notre visite à l'institut de recherche forestière, relevant de l'université du Tibet, a également révélé qu'un grand nombre d'études sur les plantes et les fleurs avaient été menées, et que plus encore étaient actuellement en cours. La plupart portaient sur le sol, d'après les informations du professeur Dan Xian, responsable de cet institut de recherche. Il affirme que les étudiants tibétains sont poussés à suivre des cursus qui s'avèreront utiles pour relever certains défis environnementaux liés à l'altitude.

Toutefois, des rapports révèlent des failles dans le système d'enseignement gratuit offert aux zones défavorisées, imputables aux superviseurs du système éducatif manquant à leur devoir. Des étudiants issus de régions aux ressources scolaires abondantes, par des manœuvres illégales, arrivent à transférer leur hukou (permis de résidence) vers des zones reculées et à s'inscrire ainsi gratuitement dans des établissements qui ne leur étaient pas destinés, où les conditions d'admission sont moins élevées. Ainsi, ces « migrants » empêchent dans une certaine mesure les étudiants locaux de recevoir un enseignement supérieur. Le droit à s'instruire de ces derniers est alors bafoué.

Les experts affirment qu'un plus grand contrôle est nécessaire pour éviter que les bonnes intentions du gouvernement soient ainsi altérées. Ils suggèrent qu'une surveillance plus stricte soit mise en vigueur pour assurer l'application efficace de cette politique sur l'enseignement et pour garantir une aide à l'achat des fournitures scolaires dans les zones les moins développées.

Formation gratuite à l'emploi

Notre visite au Tibet nous a également conduits dans un de ces centres pour la formation et le développement de la main-d'œuvre, construits à l'intention des locaux. Nous y avons vu une centaine de personnes recevant gratuitement une formation professionnelle qui leur permettra de monter leur propre affaire par la suite. Selon les informations des officiels, ce centre est sponsorisé par le gouvernement central dans le cadre d'un programme de reconversion et de revalorisation des travailleurs, à la fois pour les jeunes et les personnes âgées.

Gama Zunshu, un Tibétain âgé de 27 ans, est à la tête d'un de ces centres. Selon ses dires, les locaux sont formés majoritairement au tissage, au dessin, à la couture, à l'élevage et à l'agriculture moderne, des domaines clés dans la culture tibétaine. « Je suis revenu sur ces terres pour encourager la jeunesse comme le troisième âge à étudier et à faire quelque chose de leur vie plutôt que de rester bras croisés sans savoir que faire », a-t-il dit.

Pour les officiels, si l'enseignement est gratuit, le développement est garanti. C'est ainsi que le gouvernement central s'est engagé à réduire les disparités. Depuis l'ouverture de la Chine, une multitude de ressources ont été consumées pour relever tous genres de défis propres au développement. Mais l'exemple du Tibet démontre que le développement, pour être probant, réclame avant tout un fort engagement dans l'éducation de la population, pour qu'elle-même se fasse le relais de la croissance.

 

*JULIUS ENEHIKHUERE est correspondant pour News Agency of Nigeria.

 

La Chine au présent

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