CHINAHOY

6-September-2015

Pont vers le chinois : voyage entre les cultures

 

À la fin du concours, tous les candidats montent sur scène pour célébrer la victoire de leur camarade néo-zélandais.

 

Le 2 août 2015 à Changsha (capitale du Hunan), nous avons pu assister à la finale et à la cérémonie de clôture de la 14e édition du concours « Pont vers le chinois » pour les étudiants étrangers apprenant le mandarin dans leur pays. Reportage.

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

Les lumières s'éteignent... Tout à coup, une musique battante fait vibrer toute la salle ; le public se lève, tape des mains en mesure et agite des bâtons fluos, pressé de voir briller dans cette pénombre les étoiles de la soirée.

Nous sommes dans la ville historique de Changsha au Hunan, dans les tribunes du plateau de Hunan TV, la chaîne de télévision la plus regardée dans le pays après CCTV-1 (chaîne de la Télévision centrale). Ciblant majoritairement une audience jeune, Hunan TV est reconnue surtout pour les programmes de divertissement originaux qu'elle diffuse, dont Happy Camp, Where Are We Going, Dad ? et I am Singer.

Mais nous, nous sommes là pour visionner en live une émission chinoise où ce sont les étrangers qui font le show : la finale du concours « Pont vers le chinois », compétition de chinois destinée aux étudiants étrangers apprenant le mandarin dans leur pays. Elle est organisée par le Hanban et le gouvernement provincial du Hunan, pour la 14e fois cette année. Mais chut ! Le spectacle commence...

Une découverte de la Chine

Une vidéo démarre, toujours sur un rythme éffréné, faisant grimper le suspense dans l'attente insoutenable des finalistes. On voit alors à l'écran des jeunes de tout pays pratiquant les arts martiaux ou la gymnastique, puis des sports de plus en plus collectifs, pour finalement hisser une grand voile.

Le voyage : c'est l'un des thèmes phares du concours, rappelé en tout temps par le décor. À l'arrière-plan de la scène, un immense bateau amarré ; tout autour, une toile géante ondulante, pour symboliser les flots. « Un voyage de mille li commence par un premier pas », disait Lao Tseu. Pour les participants, le périple a débuté lorsqu'ils ont fait le choix d'étudier le chinois, comme 30-40 millions de personnes à travers le monde selon des données non officielles.

Cette année, des étudiants venant de 97 pays sont venus par milliers et se présentaient aux présélections locales, puis nationales tenues par les Instituts Confucius (du ressort du Hanban). Seuls 133 candidats triés sur le volet ont gagné l'opportunité de venir en Chine pendant un mois pour découvrir de plus près la culture de ce pays plurimillénaire. Ensemble, ils ont visité Quanzhou, Dali, Beijing et enfin, Changsha. Des villes au patrimoine riche, qui pour la plupart ont joué un rôle éminent dans la rencontre entre l'Orient et l'Occident à l'époque de la Route de la Soie.

Une compétition entre TV et réalité

Après une succession d'examens dont des entretiens oraux, des tests écrits, des prestations artistiques ainsi que des défis en extérieur (dont une course dans la mousse particulièrement suivie par les médias), 15 participants ont été retenus pour la demi-finale, lesquels décrochèrent au passage une bourse d'études d'un an en Chine délivrée par l'Institut Confucius. Mais au moment de la finale, il ne reste plus que 6 coriaces : la Coréenne Shen Suyun, le Britannique Kang Ke, le Camerounais Sun Fuyu, l'Italien Xu Tianyao, le Néo-Zélandais Mai Kaiping et le Colombien Ma Xiu de leur noms chinois.

Et les voilà qui arrivent pour la première épreuve. Les deux premiers candidats montent chacun sur un podium pour s'affronter dans un débat, sous le regard attentif du jury, d'officiels de la province, du reste du public ainsi que de leurs camarades présents pour les encourager. Premier thème : vaut-il mieux travailler pour Jack Ma ou monter sa propre entreprise ? Il ne faut pas se leurrer, les jeunes étrangers ont sérieusement préparé leurs arguments et réponses en chinois. L'émission est filmée : il n'y a pas le droit à l'erreur. Et les candidats, bien que stressés, n'en font pas : ils se lancent dans une rhétorique sans hésitation, faisant attention à parler à haute et intelligible voix, tout en insistant sur les tons.

À la fin de chaque duel, les spectateurs, munis d'une télécommande individuelle, sont invités à voter pour leur « chouchou ». 235 pour la Coréenne, 242 pour le Britannique : le score est serré face à la maîtrise des deux rivaux. C'est désormais au jury, composé de Kang Zhen (professeur de littérature à l'école normale supérieure de Beijing), Li Xiuping (ancienne présentatrice du JT de la CCTV), Han Hong (célèbre chanteuse) et Petra Thiel (directrice de l'Institut Confucius de Heidelberg, en Allemagne), de donner son avis. Le vote de chacun des juges valant 5 points, ils ont le pouvoir de tout faire basculer. Li Xiuping et Petra Thiel soulignent la juste prononciation de Shen Suyun, tandis que Kang Zhen et Han Hong préfèrent attribuer leur voix à Kang Ke, qui a su défendre ses opinions. Au final, l'écart entre les candidats reste le même. Mais de nombreuses autres joutes vont suivre...

Tout le programme se déroule en chinois. Malgré tout, nous arrivons à comprendre qu'y sont volontairement soulevées des questions au cœur de l'actualité, telles que les vogues des jeunes entrepreneurs, des réseaux sociaux, des loisirs... En effet, les autres sujets du débat étaient : « Peut-on considérer ses amis comme des clients potentiels lorsque l'on crée son entreprise ? » et « Le monde est si grand ! Es-tu prêt à démissionner pour voyager ? ».

En outre, la seconde épreuve faisait référence aux stratégies politiques actuelles de la Chine, dont « une Ceinture et une Route » et la « Nouvelle Route de la Soie du XXIe siècle ». Il s'agissait de courtes pièces de théâtre comiques, la première sur l'histoire de Marco Polo, qui entreprit un voyage en Chine à 17 ans, et la deuxième sur Zheng He, l'explorateur chinois qui navigua jusqu'au Moyen-Orient et en Afrique.

Tout en montrant leur étoffe d'acteur et leur aptitude à parler chinois, les six candidats font l'étalage de leurs talents artistiques : démonstrations de erhu (violon chinois à deux cordes), de nunchaku, de hip-hop, de vire-langue, de chant... C'est finalement le Néo-Zélandais Ma Kaiping, ému, qui sort grand vainqueur de cette épreuve pour son extraordinaire jeu, suivi de près par le Britannique Kang Ke.

L'affrontement final commence. Les deux anglophones, déguisés en matelots et placés devant un buzzer en forme de canon, se font assaillir de questions sur la culture chinoise pendant 90 secondes. Concentration à son comble ; suspense aussi. Commettant très peu d'erreurs chacun, ils restent au coude à coude. 14 à 14 : une dernière question en or est posée à Ma Kaiping, mais il se trompe. 30 secondes supplémentaires sont ajoutées au compteur. C'est finalement Ma Kaiping, ou Bradley Meredith de son vrai nom, qui remporte cette édition de « Pont vers le chinois », bien que lui semble sonné par cette nouvelle. Félicitations !

Vecteur d'amitiés et d'opportunités

À la fin de l'émission, les candidats reviennent sur scène pour une photo de groupes et des dernières embrassades. Nous allons retrouver le Camerounais Samuel Fru Asanti, 22 ans, qui a bien fait rire l'assistance tout au long du spectacle. « Je suis touché d'avoir fini parmi les six premiers, car le meilleur score du Cameroun jusque là était la 15e place, exprime le candidat qui s'est inscrit au concours après avoir étudié le chinois pendant 10 mois seulement. Je suis aussi très heureux pour Ma Kaiping, car c'est la première fois que la Nouvelle-Zélande décroche le titre. »

Samuel ajoute : « Au Cameroun, une masse de projets sont développés par des investisseurs chinois. J'ai commencé à apprendre le chinois dans l'espoir de trouver un bon poste et de jouer le rôle de pont entre la Chine et le Cameroun. J'espère ainsi contribuer au développement de mon pays. »

En quelques mots, il vient de résumer tout l'intérêt de ce concours : promouvoir la compréhension et l'amitié entre les peuples pour coopérer dans un esprit gagnant-gagnant. Lors du concours, on a pu lire la formule 因为不同,所以朋友, c'est-à-dire « Amis dans la différence ».

 

La Chine au présent

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