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Li Yang, Anton Lustig et les enfants jingpo
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Le couple et les enfants jingpo. (PHOTO : ZHENG XIYUAN) |
L'organisation bienfaitrice Prop Roots fondée par Li Yang et son mari Anton essaie de redonner confiance dans leurs études aux enfants des Jingpo au Yunnan. Rencontre avec eux lors de leur venue à Beijing.
LU RUCAI, membre de la rédaction
Le 25 juillet 2015, dans l'ancienne résidence de Soong Ching Ling (Mme Sun Yat-sen), près du lac Houhai à Beijing, parés de leurs plus beaux costumes, la troupe des enfants jingpo a donné un spectacle de danses folkloriques. Une exposition de photographies retraçait leur vie quotidienne. L'ethnie jingpo se trouve à la région montagneuse de la préfecture autonome dai et jingpo de Dehong de la province du Yunnan de Chine.
Cette activité était organisée par l'organisation Prop Roots qui s'occupe de l'éducation dans la préfecture de Dehong au Yunnan. Hormis l'exposition et le spectacle, les jeunes ont aussi rencontré des élèves de l'École internationale de Tsinghua, visité la place Tian'anmen, le stade olympique, la Cité interdite, et assisté à une représentation théâtrale.
Li Yang, la fondatrice de Prop Roots, nous explique que grâce aux soutiens financiers des partenaires, ces enfants de la montagne ont la chance d'ouvrir leur regard sur le monde.
Enracinés à la montagne
Prop Roots contribue à l'éducation des enfants dans le but de leur donner confiance et de créer leur propre identité. « Prop Roots » en anglais signifie la racine de banian. Le banian possède des racines aériennes. Celles-ci partent des branches vers le sol et s'enracinent depuis le ciel vers la terre. Pour le peuple jingpo c'est un arbre sacré.
Entre Li Yang et les enfants jingpo, c'est une longue histoire. Mais en réalité, tout a commencé par l'histoire d'amour entre Li Yang et son mari néerlandais, Anton Lustig.
Diplômée de la section de droit international de l'université des Affaires étrangères de Chine, Li Yang est d'abord entrée dans une entreprise multinationale d'information technologique en tant qu'avocate. En 2005, elle a démissioné et travaillé comme volontaire au WWF (World Wildlife Fund). « Je réfléchissais à ce à quoi je voulais me consacrer. » Grâce à son expérience, elle a été chargée de la direction d'un programme du WWF. En 2007, dans une activité organisée par le WWF et l'ambassade des Pays-Bas en Chine, Li Yang rencontre un homme un peu « bizarre » à ses yeux : « Il avait les cheveux longs et dorés, un accent pékinois à couper au couteau ». Plus tard, c'est cet homme qui est devenu son mari.
Anton se présente comme « un Jingpo né par accident aux Pays-Bas ». La première fois qu'il a emmené Li Yang visiter un village jingpo, il parlait déjà couramment le dialecte des Jingpo, et servait d'interprète à Li Yang. En réalité, Anton est docteur ès langues sino-tibétaines de l'Université Leiden des Pays-bas. Dès 1991, il a commencé à faire des recherches dans la région frontalière entre la Birmanie et la Chine. En 20 ans, il a visité tous les
villages aux alentours de Dehong, et cohabité avec des gens du cru pour accomplir ses recherches linguistiques et culturelles. Le fruit de ces recherches est un dictionnaire de 1 700 pages de la langue des Jingpo : le Tsaiwa.
Pendant la visite des villages jingpo, Li Yang a retrouvé ce que lui décrivait Anton : « Ici on survécut des philosophes nourris par la nature et une culture ancestrale. Je tiens en haute estime cette sagesse exquise et l'attitude philosophique de cette ethnie. Voir cela de ses propres yeux fait changer son système de valeurs et sa façon d'appréhender le monde qui nous entoure. » Quand Anton a proposé à Li Yang de s'installer à Dehong, celle-ci a accepter sans hésiter.
Redonner confiance à la jeunesse
Li Yang nous dévoile le but de leur installation à l'époque : « Au début, on ne pensait pas faire des œuvres caritatives. Au départ, notre idée était vraiment simple : construire une maison en bambou dans la montagne, peindre, écrire, et enseigner aux enfants. Un peu comme une vie en ermite. »
Mais la préfecture de Dehong est l'une des régions les plus gravement touchées par la drogue et le sida en Chine. « Chaque fois, j'étais heureuse de rencontrer les enfants jingpo de la campagne pour leur raconter de belles histoires, créer ensemble des œuvres, mais à chaque fois que je retournais à Dehong, la réalité me revenait en pleine face. Les adolescents passent leur temps dans les cybercafés et les bars malfamés, ils font du tapage sous l'impulsion de la drogue et de l'alcool, ils roulent n'importe comment avec leurs motos. Li Yang ajoute : ce si grand contraste m'empêchait de dormir. » Parmi les 18 enfants qui sont venus à Beijing pour la représentation, 11 d'entre eux ont perdu un ou deux parents à cause de la drogue.
Beaucoup d'amis participent à l'organisation caritative de Li Yang. Notamment pour apprendre aux enfants à lire, à écrire et à peindre. Pourtant, après mûre réflexion, Li Yang s'est posée de la question suivante : « Comment pouvons-nous vraiment aider ces enfants ? » Car d'après Li Yang, même si le pays se charge de la plupart des frais d'éducation et des livres de ces enfants, et malgré l'éducation obligatoire pendant neuf ans en Chine, le taux de déscolarisation reste très élevé, surtout au collège et au lycée. Li Yang nous explique : « Ce n'est pas la pauvreté qui est la raison principale de l'abandon des études, mais l'absence de confiance en l'avenir. » C'est pour cette raison qu'elle a créé Prop Roots. « Je n'espère pas changer le système éducatif chinois, mais j'essaie de diffuser une conception éducative basée sur la confiance et ce que j'appelle l'auto-identité. À mon avis, c'est précisément ce dont on manque le plus. » Le but du Prop Roots n'est pas seulement d'offrir une éducation aux enfants des campagnes, ni de passer des examen, mais d'aider les enfants à retrouver la confiance dans les études. »
Le 26 mai 2013, après 18 mois de construction, le centre d'activités des enfants de Prof Roots s'est ouvert. Il fournit une éducation linguistique et artistique gratuite aux enfants qui vivent dans les montagnes. Li Yang nous confie : « Je crois que je fais une bonne chose. »
Des acteurs diversifiés
Selon Li Yang, plus de 50 volontaires participent aux programmes de Prop Roots. Certains donnent des cours de spectacle de marionnettes, de photographie, de peinture et d'autres cours créatifs, qui combinent la culture des Jingpo dans l'éducation linguistique et artistique, pour encourager les enfants à s'exprimer au travers de l'art. Afin de présenter la performance des enfants, Li Yang a programmé un voyage à Beijing pour les enfants. Cela lui a pris huit mois. Li Yang nous explique que « 1 101 internautes en ligne et plus de 500 sponsors hors ligne ont participé au financement participatif pour couvrir tous les frais des enfants pendant ce voyage. »
Chen Zhiyan est une enseignante de danse folklorique du Centre culturel de Dehong, elle était chargée des répétitions de la chorégraphie présentée pendant le voyage à Beijing. Elle a décidé de se porter volontaire après avoir eu vent de l'association de Prop Roots. Comme elle a un peu peur de conduire sur les routes de montagne, chaque samedi, c'est son mari qui la conduit au village pour participer aux activités de Prop Roots, et revient la chercher le lendemain. « La première fois que j'ai découvert le travail de Li Yang et d'Anton, j'ai été vraiment émue. Quand j'ai rencontré ces enfants, j'ai pensé à ma fille. Ils ont aussi besoin du soin et de l'affection d'une mère. Je me suis dit que je pouvais donner un peu de mes forces pour aider. »
Pendant le spectacle et l'exposition à Beijing, beaucoup de gens ont acheté les peintures et les objets folkloriques présentés pour soutenir les enfants. Li Gannei, 16 ans, est à Prop Roots depuis 5 ans. Cette année, il est entré au lycée. Son rêve : entrer à l'université de Beijing. Il est le chef de la troupe de danse et de l'équipe de basketball de Prop Roots. Pendant son temps libre, il se charge des répétitions de hip-hop des garçons. C'est le spectacle préféré des garçons pendant ce voyage à Beijing.
Li Gannei nous raconte : « Prop Roots m'a aidé à retrouver une voie vers l'avenir, je m'accroche plus à mon rêve. Je suis plus sérieux qu'avant. »
Li Yang mentionne aussi que pendant le week-end, ils ne manquent pas d'enseignants volontaires, mais pour les enfants, les volontaires sur le long terme sont toujours plus appréciés. Elle espère que de plus en plus de gens participeront au projet.
En parlant de sa femme, Anton plaisante en disant : « Elle est encore plus attachée que moi à s'enraciner dans les villages jingpo. » Quand on leur demande leurs plans pour l'avenir et s'ils ont vraiment décidé de s'enraciner ici, Anton nous confie : « Pour le moment, c'est notre plan. »
La Chine au présent