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Le ballon rond en Chine
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Le 1er mai 2015, le joueur argentin Pablo Batalla avec ses camarades de l’équipe Beijing Guo’an. |
Le président Xi entrera-t-il dans l’histoire comme celui du changement et de l’ouverture… du football chinois ? Ce qui est sûr, c’est que le monde du ballon rond vit dans l’effervescence depuis 2013, année où le nouveau président, passionné de foot, a donné le coup d’envoi de réformes ambitieuses. Entretien avec Wolfgang Rössl, d’ISB, une agence qui propose des joueurs étrangers aux clubs chinois.
CHRISTOPHE TRONTIN, membre de la rédaction
«Bien qu’il soit calqué sur le modèle européen, le football chinois fonctionnait de manière très différente. Premièrement, parce que les clubs étaient généralement des organismes publics et non privés. Même s’ils disposent de moyens financiers de plus en plus conséquents, qui se rapprochent de ceux des clubs européens les plus en vue, leurs dirigeants étaient plutôt des fonctionnaires que des professionnels du football. Diriger le club de football de la ville, pour eux, c’était une étape dans leur carrière et non la passion d’une vie. Résultat : une action focalisée sur le court terme, privilégiant les résultats de la saison et peut-être de la saison prochaine. Ils n’avaient pas, en général, cette vision du long terme qui fait naître une culture locale du football. Depuis peu, ils font venir des entraîneurs étrangers, mais ceux-ci se trouvent pris dans un système nouveau pour eux, dès lors ils s’adaptent ou repartent… »
Wolfgang, agent au sein de la société ISB (Internationaler Sport-Bund), l’une des 500 agences et sociétés de conseil autorisées dans le cadre de la Fifa à organiser les transferts de joueurs entre clubs, et l’un des rares à avoir pris pied sur le marché chinois. Il travaille depuis 2011 à mettre en contact clubs chinois et joueurs étrangers. Il m’explique les ressorts, les particularités et les défis du football chinois.
Le football professionnel chinois est né en 1994 avec la constitution de la fédération chinoise du football professionnel (CFA) qui a permis à des clubs d’entreprise ou d’unités militaires de se constituer en un championnat national. Une réforme est venue classer les clubs par niveau en divisions Jia-A et Jia-B. À l’époque le foot chinois s’efforçait d’imiter en gros le modèle italien, avec d’abord 8, puis 12 clubs en première division, 12 en seconde division, et une division amateur de 12 clubs également. En 2004, une réforme l’a fait se rapprocher du schéma britannique, l’ancienne Jia A-league devenant la Chinese Super League, avec désormais 16 clubs à chaque niveau.
Si les fans de foot sont nombreux en Chine, on a plus de mal à trouver des fans du championnat national chinois. En 2012, M. Zhou, taxi de son état, aimait me parler de foot alors que, bloqué dans les embouteillages, il lui fallait bien se changer les idées. Les surprises et les péripéties des championnats italien, britannique ou allemand, la composition des principaux clubs de France ou d’Espagne n’avaient pas de secret pour ce passionné. Le championnat chinois ? Très peu pour lui. « Ce n’est pas le même niveau, les matches sont ennuyeux, les résultats, prévisibles, car seul un ou deux clubs dominent ».
Depuis quelques années, l’arrivée de joueurs étrangers a donné un regain d’intérêt à la compétition. Les clubs de Super League ont droit à 4 joueurs étrangers + 1 remplaçant, et l’on a vu des joueurs brésiliens, argentins, français, coréens apparaître dans les clubs chinois. Les entraîneurs aussi de plus en plus souvent sont étrangers. Pas toujours facile pour eux de faire valoir leur méthode : certains s’adaptent au système chinois, d’autres rendent leur tablier.
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Darío Conca, l’ancien meilleur joueur du club Evergrande Guangzhou. |
Le circuit national a d’abord été fortement dominé par quelques clubs (celui de Dalian, par exemple, qui est le plus titré, avec 8 victoires, et celui de Guangzhou, actuel tenant du titre et titulaire de 4 victoires), plusieurs clubs ont fait des progrès significatifs et le championnat y gagne en suspense. L’issue de la saison 2015 par exemple est assez ouverte, Guo’an de Beijing est favori pour la première fois, ayant pris l’ascendant sur Evergrande de Guangzhou.
« L’entraînement au football en Chine est très axé sur le physique : on travaille beaucoup sans le ballon. Résultat, des joueurs très athlétiques, forts, rapides, endurants… mais qui laissent à désirer sur le plan technique. Le plus gros problème, c’est la tactique footballistique. Peu de joueurs chinois vont jouer dans des championnats étrangers, donc ils évoluent pour ainsi dire en cercle fermé… les évolutions techniques et tactiques ne les touchent que de loin, ils ne les rencontrent pas sur le terrain. »
Les footballeurs étrangers sont généralement ravis de venir en Chine. D’abord parce que les contrats sont souvent très favorables, la paie est élevée et surtout très ponctuelle, une chose qui ne va pas de soi apparemment en Europe ou en Amérique du Sud… Ensuite parce que l’entraînement est assez relax par comparaison. Beaucoup d’exercices individuels, et puis on peut souvent faire une pause pour discuter un peu ou raconter une blague… Enfin, parce qu’ils ne sont pas sous la même pression psychologique du résultat. « La différence est considérable, m’explique Wolfgang : lorsqu’une équipe chinoise perd un match, les joueurs se retrouvent au vestiaire pour en discuter, mais personne ne vit cela comme un drame, on n’a pas aussi peur de perdre sa prime ou son contrat. » Joueurs moins motivés, mais aussi moins stressés ; niveau de jeu plus sportif mais moins tactique ; salaires supérieurs, entraînement moins dur : les joueurs étrangers en Chine sont comme des coqs en pâte. Ils se refont une santé.
« Un des problèmes dont je discute souvent avec les chefs de clubs chinois, c’est que l’excellence se construit, elle ne se décrète pas. Au lieu de chercher à passer directement de l’expérience chinoise à l’expérience européenne, il vaudrait mieux prendre exemple sur des pays plus proches culturellement qui eux aussi cherchent à élever leur niveau. Le Japon ou la Corée, par exemple, ont fait des progrès considérables en une décennie. Leur méthode pourrait être la bonne pour la Chine. »
« L’autre problème est le manque de connexion entre le football amateur et le football professionnel. On pourrait croire qu’en Chine, le pays le plus peuplé du monde, les ressources humaines abondent. Ce n’est pas le cas dans le football, on voit très peu de gens jouer le dimanche, il n’y a pas assez de stades, peu de clubs amateurs, la base est insuffisante pour alimenter le sport de haut niveau. Il faut comparer cela à l’Allemagne par exemple, où le moindre club régional ou local s’appuie sur un vivier de 200 jeunes talents sélectionnés parmi des milliers d’amateurs qui jouent des compétitions au niveau scolaire… »
C’est l’un des défis que devra relever Alain Perrin, le nouvel entraîneur (français) de la sélection nationale chinoise. L’équipe nationale, ou Guozu, est classée 79e par la Fifa. Pas de quoi pavoiser donc. Mais la Chine, sous l’impulsion de son président passionné de foot, veut croire à ses chances de progresser. Le football amateur est en plein chamboulement, et le pays sera probablement candidat à l’organisation de la Coupe du monde de 2030.
« Si la Chine est le pays organisateur de la Coupe, elle sera automatiquement sélectionnée pour participer aux phases finales. Mais avec quelles chances de gagner ? » m’interrogeais-je à haute voix. Le football masculin chinois est loin d’avoir le niveau qu’ont atteint d’autres pays. Quelles sont donc les clés qui pourraient amener la Chine à rivaliser avec des pays comme la France, l’Allemagne, le Brésil ? Wolfgang m’explique son point de vue.
« Il faut regarder le championnat du monde féminin qui se déroulait récemment au Canada pour comprendre. Par rapport au championnat masculin où la Chine fait pâle figure, les footballeuses chinoises sont aux tout premiers rangs. » En effet, alors que l’équipe nationale masculine n’a été qualifiée qu’une fois pour les phases finales, l’équipe féminine en est à sa 6e participation (sur 7 éditions au total), dont l’organisation de la première CDM en 1991, puis celle de 2007. Une équipe nationale de niveau mondial puisqu’elle s’est adjugé la 4e place en 1995 et fut même finaliste en 1999. » Pourquoi cette différence ? À en croire Wolfgang, c’est que, grâce au sport qui est encouragé à l’école, la Chine se retrouve avec un vivier comparativement nombreux de footballeuses, bien plus large que dans certains pays à forte tradition footballistique, comme l’Allemagne ou l’Italie, où ce sport n’est populaire que parmi les garçons. Les joueuses amateur font leur chemin vers le sport professionnel qui affiche de bons résultats. Dans le football, tout est une affaire de nombres et d’organisation : lorsque vous avez mille joueurs, il y en aura vingt de bons et un très bon. Si le système est là pour détecter, sélectionner et promouvoir ces derniers, on arrive à constituer une bonne équipe.
« C’est maintenant qu’il faut agir, me confie Wolfgang : l’équipe de 2030 sera composée de joueurs qui ont aujourd’hui autour de 10 ans. Si la Chine parvient à mettre sur pied un système pour détecter les talents, les encourager, les motiver, les former, les aider à combiner, et ce n’est pas facile, entraînement de haut niveau et cursus scolaire, on peut s’attendre à de bons résultats. » La longue marche du football chinois a commencé.
La Chine au présent