CHINAHOY

1-July-2014

Prendre son envol dans des conditions optimales

 

Un intervenant extérieur dispense, en français, un cours de mathématiques aux élèves de l'institut. (PHOTO PAR YU JIE)

 

Découverte d'une école à Tianjin qui se propose de former, selon le modèle éducatif français, les futurs cadres de l'aviation civile chinoise.

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

Toutes les dix minutes, je lève la tête et contemple un avion fendre le ciel...

C'est à quelques encablures de l'aéroport de Tianjin, au sein de l'Université de l'aviation civile de Chine (CAUC), qu'est installé l'Institut sino-européen d'ingénierie de l'aviation (SIAE). Alors que nous entrons dans l'édifice, nos yeux remarquent aussitôt les termes directeurs de la formation en français : « Science Innovation Aviation Excellence », reprenant le sigle SIAE de l'établissement.

Une formation « à la française »

« L'histoire de l'institut a débuté par une volonté de coopération entre deux administrations : l'Administration de l'aviation civile de Chine (CAAC) et la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) », nous indique Thierry Liabastres, son co-directeur français. À l'époque, Cao Gaoxing, chargé des coopérations scolaires et universitaires à l'ambassade de Chine en France, francophone et francophile, revenait d'un long séjour en France. De son expérience à l'étranger, il a rapporté une idée : celle de former des ingénieurs en aéronautique de plus haut niveau en Chine, en prenant exemple sur le système éducatif français.

Aujourd'hui, cet institut de 13 000 m², dont 3 000 sont occupés par des salles de recherche, propose une formation sur six ans et demi, en deux temps. Le cycle préparatoire, sur trois ans, comporte une année d'apprentissage intensif du français, à raison de 20h par semaine, suivie de deux années d'étude poussée des matières scientifiques, qui s'apparentent aux classes préparatoires en France. Le cycle ingénieur, sur trois ans et demi donc, délivre des cours plus spécialisés dans l'aéronautique, avec le choix entre les cinq options suivantes : avionique et systèmes de contrôle aérien, structures et matériaux, propulsion, gestion du trafic aérien (dès la rentrée 2014) et gestion opérationnelle des aéroports (dès la rentrée 2015). Ce dernier cycle étant ponctué de trois stages, totalisant une durée minimum de neuf mois.

À la fin de leurs études, les étudiants sortent avec un master d'ingénieur aéronautique conforme à la réglemetation chinoise et un diplôme d'ingénieur répondant aux critères de la Commission des titres d'ingénieur (CTI).

Les cours sont dispensés en français, en anglais ou en chinois. « L'aviation est un secteur international par nature », rappelle M. Liabastres, ce qui explique l'importance accordée à la maîtrise de plusieurs langues.

L'accent est également mis sur l'approfondissement des mathématiques, de la physique et de la chimie pures, pour que les élèves acquièrent un solide socle scientifique pendant le cycle préparatoire. Les sciences appliquées à l'aéronautique sont ensuite enseignées pendant le cycle ingénieur. « Nous offrons ainsi une formation complète de haut niveau, qui mélange cours magistraux, travaux dirigés et travaux pratiques », résume Yu Lijun, co-directrice chinoise de l'institut.

De nombreux échanges académiques et industriels

« La CAUC, dans laquelle est érigé l'institut, est la plus ancienne, la meilleure et la seule université internationale dans le domaine de l'aviation civile », commente Mme Yu. Elle nous raconte que cette université a été fondée en 1951 sous l'initiative de Zhou Enlai, alors premier ministre chinois, qui souhaitait faire de Tianjin un pôle aéronautique.

Si l'idée de Cao Gaoxing a pu se concrétiser en 2007, c'est grâce au soutien de divers partenaires : d'ordre académique d'une part, avec les trois grandes écoles françaises d'aéronautiques (l'ENAC, l'ISAE et l'ISAE-ENSMA) ; d'ordre industriel d'autre part, avec les grandes entreprises françaises (Airbus, Thales et Safran) et chinoises (Air China, China Eastern, China Southern...). Une vraie coopération bilatérale, où les coûts ont été supportés à la fois par la France et la Chine.

Aujourd'hui, les liens perdurent. Tout d'abord, des professeurs en poste dans les trois grandes écoles françaises citées viennent régulièrement à l'institut pour partager leur savoir avec les élèves. De plus, ces établissements français invitent leurs inscrits à étudier un semestre au SIAE ; réciproquement, l'institut envoie un grand nombre d'étudiants chinois en France. Parmi eux, les meilleurs partent cinq ans, pour finaliser leur diplôme d'ingénieur et poursuivre en doctorat. Certains pourront même passer l'agrégation de mathématiques ou de physique en France, juste pour être classés : « une première dans les relations sino-françaises », nous indique M. Liabastres. Par ailleurs, même les enseignants déjà recrutés par la CAUC ont l'opportunité d'aller se professionnaliser en France, le temps d'un semestre ou d'un doctorat.

Les contacts avec les compagnies aériennes et constructeurs aéronautiques, concentrés à Tianjin, sont aussi relativement fréquents. Notons que l'appui de ces groupes ne se limite pas à l'aspect financier. « Airbus est un important partenaire, sans qui l'Institut n'existerait probablement pas. Airbus avait souhaité accompagner son implantation industrielle par une sorte de soutien à la formation des futurs cadres de l'aviation civile chinoise », précise M. Liabastres. Ainsi, ces divers partenaires industriels, via l'envoi d'experts ainsi que leur participation au conseil consultatif du SIAE, s'impliquent vigoureusement dans le cursus des étudiants. À travers les stages qu'ils offrent, ils permettent en outre un complément technique à l'enseignement scolaire.

Le succès en bout de piste

Et les élèves de la première promotion, diplômés à Beijing le 18 février 2014, ont tous décroché un emploi à l'heure actuelle. Les trois quarts se sont dirigés vers les compagnies aériennes ou l'industrie et la maintenance aéronautiques. « La plupart avaient même trouvé un poste bien avant la fin de leurs études. Les entreprises sont prêtes à attendre nos étudiants », fait remarquer M. Liabastres.

Dès le début, les autorités chinoises et françaises avaient misé sur cet établissement original, avec un pied dans le milieu scolaire, un pied dans le milieu professionnel et la tête dans les nuages... Le gouvernement municipal de Tianjin avait autorisé Airbus à construire une deuxième piste pour les essais en vol de ses avions, un atout pour le SIAE à proximité. Côté français, plusieurs ministres étaient venus féliciter cette initiative éducative : M. Bussereau, alors secrétaire d'État aux Transports, qui avait parrainé la première promotion ; M. Mariani, ancien ministre chargé des Transports, qui avait parrainé la seconde ; et M. Wauquiez, alors ministre chargé des Affaires européennes, qui était venu entre-temps. Le SIAE reçoit aussi régulièrement la visite de hauts responsables des grands groupes aéronautiques.

Une réussite qu'il doit aux fructueuses relations avec ses partenaires, tant académiques qu'industriels, qui lui permettent de dispenser des cours de haut niveau. Mais tout bon côté a son revers ! Pour garantir l'excellence de la formation, les inscrits sont triés sur le volet chaque année : 20 % d'entre eux, jugés moins compétents ou moins motivés, sont réorientés vers d'autres départements de la CAUC.

Aujourd'hui, l'institut compte encore renforcer son image internationale, en attirant davantage de jeunes français, notamment à l'occasion du 50e anniversaire de l'établissement des relations sino-françaises, mais aussi des jeunes en provenance de toute l'Asie.

Néanmoins, les deux co-directeurs se disent déjà très fiers des succès obtenus. « Je me réjouis du sens de responsabilités de nos étudiants, exprime Mme Yu. Via Wechat ou l'association d'anciens élèves qu'ils ont créée, ils s'entraident pour trouver des stages ou s'exercer avant les examens. » Elle se souvient d'un jeune homme, travaillant aujourd'hui pour l'industrie aéronautique, remerciant chaleureusement la formation du SIAE pour tout ce qu'elle lui avait apporté. M. Liabastres conclut : « Le meilleur niveau de satisfaction a été atteint chez les quatre composantes : étudiants, professeurs, entreprises et partenaires institutionnels »

 

La Chine au présent

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