CHINAHOY

1-July-2014

La Chine a besoin de talents internationaux

 

En 2011, Zeng Gang mène une expérience moléculaire dans le centre de recherche technologique de Weifang, dans le Shandong. (CFP)

 

ZHOU LIN, membre de la rédaction

« Aujourd'hui, l'intégration globale et l'internationalisation des entreprises sont devenues une réalité. De nombreuses firmes chinoises développent leurs affaires dans le contexte de la mondialisation. Si vous ne maîtrisez pas une langue étrangère et n'avez pas une vision internationale, il est pratiquement impossible de développer des affaires », a expliqué Li Bin, président du conseil de surveillance de Shenhua Group et expert en ressources humaines, lorsqu'il a abordé le sujet du besoin de recruter des talents en Chine. « Dans nos divisions de pointe à Beijing, plus de 50 % des employés sont des étudiants chinois revenus de l'étranger ou des talents formés à l'étranger. À l'intérieur du groupe, il y a un centre de recherche sur le bas carbone, dont l'ancien directeur est l'ancien ministre américain de l'énergie, ce qui prouve que c'est une institution hautement internationale. »

Depuis 2008, le gouvernement chinois a commencé à mettre en œuvre le « Programme d'introduction de personnes compétentes et talentueuses étrangères de haut niveau », qui prévoit d'attirer en Chine environ 2 000 talents étrangers pour certains projets d'innovation étatiques, des disciplines et des laboratoires d'importance primordiale, des grandes entreprises relevant directement de l'État, des institutions financières commerciales publiques, ainsi que des parcs industriels de haute technologie. Ce programme encourage et supporte les scientifiques et les chercheurs qui seront capables de réaliser des percées technologiques dans le secteur high-tech, de développer les secteurs industriels utilisant des technologies sophistiquées et de booster les disciplines émergentes. Ces talents sont encouragés à venir développer leur carrière en Chine. Pour l'instant, ce programme, aussi appelé « Programme mille talents », a fait venir en Chine 4 180 talents innovants et entrepreneuriaux de haut niveau.

Jeffrey Bennetzen est Américain et travaille maintenant à l'Institut botanique de Kunming de l'Académie des sciences de Chine. Il pense qu'actuellement, la Chine offre un grand soutien financier pour la recherche scientifique, ce qui facilite le travail des chercheurs étrangers. « En Chine, nous voyons les ressources, l'engagement et l'opportunité. La Chine possède un énorme potentiel dans le domaine de la recherche scientifique. »

Dans la pratique, les principales barrières que les étrangers rencontrent au travail en Chine sont la communication interculturelle et la capacité à s'intégrer dans une équipe. Les différences de langue et de culture sont une entrave à un dialogue efficace. Les étrangers venant d'arriver en Chine passent généralement par une « douloureuse période d'apprentissage ».

Dennis Scott a 35 ans d'expérience dans l'aéronautique. Il a rejoint la Commercial Aircraft Corporation of China (COMAC) en août 2011, et est actuellement assistant du concepteur en chef de modèles d'avion. Il a participé aux différents projets de R&D et de fabrication des avions. « Qu'est-ce qu'il manque ici ? C'était la question que je me posais quand j'ai commencé à travailler pour COMAC. Petit à petit, j'ai découvert qu'une simple copie de l'approche occidentale n'était pas possible, car la culture du travail, la culture du management et la façon de penser en Chine sont différentes, et même contraires à celles des Occidentaux. Par exemple, les Occidentaux aiment agir de leur propre chef et sont prêts à prendre des responsabilités, tandis que selon la culture traditionnelle chinoise, tout le monde rapporte à son supérieur et les employés tendent à agir selon l'intention de leur chef. Donc les occidentaux doivent mélanger, dans leur éthique de travail, la méthode de travail orientale avec le processus de travail ouvert et efficace occidental. Ce mélange est la clé pour améliorer la compétitivité des talents internationaux. »

Dans le même temps, un grand nombre d'étudiants chinois ont commencé à revenir en Chine après leurs études à l'étranger. D'après les statistiques du ministère de l'Éducation, de 1978 à fin 2013, le nombre total d'étudiants chinois revenus de l'étranger s'élevait à 1,44 million. En 2013, ce chiffre a atteint 450 000, soit une augmentation de 80 000 personnes par rapport à l'année précédente. Le fait que de plus en plus d'étudiants choisissent de rentrer pour faire carrière en Chine montre un changement de tendance, passant de « aller à l'étranger » à « avoir envie de revenir ».

Pour les étudiants diplômés à l'étranger, bien que l'expérience universitaire dans un autre pays leur donne un avantage en ce qui concerne la communication en langue étrangère, ils doivent bien être dans un état d'esprit humble en rentrant travailler au pays. Ma Feng est diplômé de la faculté d'automatique de l'Université technique de Munich. Cette spécialité est très recherchée en Europe. Même lorsqu'il était encore étudiant en Master, de nombreuses entreprises venaient à l'Université pour le recruter. Étant fils unique, il a choisi de rentrer travailler en Chine pour Siemens, qui lui offrait un poste parfait pour sa spécialité. Cependant, après être rentré au pays, son salaire de 4 000 yuans par mois (470 €) fut une grande déception. C'est une réalité : beaucoup d'étudiants diplômés à l'étranger se glorifient de leurs succès et espèrent entamer une splendide carrière professionnelle après leur retour en Chine. Mais une fois rentrés au pays, ils se rendent compte du grand écart entre leur salaire en Chine et leurs attentes, ce qui engendre une certaine frustration, car ils sentent que leur investissement n'a pas débouché sur le résultat escompté.

Face à ce problème, Ma Tao, vice-président de Nokia Siemens Networks Greater China, a conseillé aux étudiants chinois de bien évaluer leurs compétences fondamentales. Pendant leurs études à l'étranger, il leur faut commencer à accumuler des expériences professionnelles, augmenter leur valeur individuelle, puis après leur retour en Chine, ils peuvent montrer leur potentiel. Il est important d'apprendre à s'adapter aux conditions réelles de la Chine et à la culture des entreprises chinoises. « Les Chinois ont une mauvaise habitude : qu'importe ce qu'ils font, ils aiment le faire "en essaim". Pour faire des études à l'étranger, ils doivent prendre en compte la situation financière de leur famille, la spécialité à étudier, leur maturité et leur projet de travail. Pendant leurs études à l'étranger, ils doivent chercher à accumuler des expériences professionnelles. Pour revenir travailler en Chine dans les meilleures conditions après avoir été diplômé à l'étranger, il faut en général : avoir bien réussi ses études, pouvoir communiquer aisément dans une langue étrangère, avoir obtenu de bons résultats dans sa spécialité, avoir un master ou un doctorat d'une université réputée, pouvoir prouver que l'on a pu travailler efficacement à l'étranger et occuper un poste dans une grande entreprise. Si on peut satisfaire à ces normes avant de retourner en Chine, le salaire de départ sera certainement différent. »

Lianhe Zaobao, de Singapour, a signalé qu'en Chine, dans la pratique, grâce à une riche expérience professionnelle, une meilleure connaissance de la Chine et de meilleures relations sociales, les cadres supérieurs locaux ont une compétitivité professionnelle plus forte que les étudiants revenus de l'étranger.

Une enquête montre que la plus haute fonction obtenue par un Chinois dès son retour de l'étranger est vice-président global d'une entreprise multinationale. Prenons pour exemple l'industrie de haute technologie, où les cadres supérieurs natifs du pays et compétitifs ne manquent pas. Dans les industries des nouvelles technologies renommées dans le monde, les directeurs professionnels chinois représentent seulement moins de 0,5 %, malgré une forte croissance au cours des trois dernières années. Dans le futur, ce pourcentage devrait atteindre 10 %, ce qui signifie qu'il y a une marge de développement énorme pour les talents locaux.

Les entreprises d'État et d'autres entreprises chinoises accordent non seulement de l'importance à l'introduction de talents étrangers, mais aussi à la formation de personnes compétentes locales. Ces dernières sont envoyées à l'étranger pour parfaire leurs études ou participent directement aux différents projets internationaux.

Suite à l'évaluation systématique des talents étrangers de haut niveau recrutés, l'Administration des experts étrangers a dégagé les futures tendances de la demande en la matière. Premièrement, le passage de l'introduction des talents innovants à des talents entrepreneuriaux. Aujourd'hui, les talents introduits sont plutôt concentrés dans les établissements d'enseignement supérieur et les institutions de recherche scientifique. Il existe aussi une forte demande de talents internationaux de haut niveau dans les entreprises de haute technologie. Deuxièmement, plus d'attention sera prêtée au marché plutôt qu'à la technologie. Les équipes et les talents introduits en Chine ont réalisé beaucoup dans l'industrialisation et la transformation des acquis scientifiques et technologiques, et leur capacité à développer les technologies est forte, mais celle à exploiter au mieux le marché est insuffisante. Dans l'avenir, il faudra davantage mettre l'accent sur ce dernier domaine.

 

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