CHINAHOY

28-April-2014

Chine et Unesco : même combat !

 

Abhimanyu Singh, directeur et représentant du bureau de l'Unesco à Beijing.

 

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

Le 27 mars dernier, dans le cadre de sa tournée en Europe, le président chinois Xi Jinping, en compagnie de son épouse, s'est rendu au siège de l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) à Paris. Irina Bokova, la directrice générale de l'organisation, qui les a reçus, a qualifié cette visite d'« historique », puisque c'était la première fois qu'un chef d'État chinois prenait cette initiative.

Des liens de plus en plus étroits

Par cette démarche, Xi Jinping a voulu exprimer son soutien à l'Unesco pour le rôle irremplaçable qu'elle joue en matière de compréhension interculturelle et de coopération internationale. C'est d'ailleurs ainsi qu'il a commencé son discours : « Je voudrais rendre un vibrant hommage à l'Unesco pour son éminente contribution à la promotion des échanges et de l'inspiration mutuelle entre les civilisations. »

L'Unesco a été créée en 1945, après que le monde a été ébranlé par deux guerres mondiales. Constatant qu'accords économiques et politiques ne suffisaient pas à préserver la paix sur Terre, un groupe de nations a décidé de s'allier pour faire émerger une solidarité durable entre les pays et les peuples. Aujourd'hui, l'Unesco agit pour que chaque enfant, sans distinction de race, de sexe ni de rang, ait accès à l'éducation, prérequis au développement. Elle favorise le dialogue et la compréhension interculturels, ce qui passe notamment par la mise en valeur du patrimoine national de chacun, invitant à la tolérance et au respect de l'autre. Enfin, elle appuie la coopération scientifique conjointe, moteur du développement et ciment des relations interétatiques.

Membre fondateur de l'Unesco, la Chine a toujours partagé ces points de vue et valeurs. Mais elle y a pris une place de plus en plus importante. Comme nous l'a indiqué M. Abhimanyu Singh, directeur et représentant du bureau de l'Unesco à Beijing, qui a accepté de répondre aux questions de La Chine au présent : « La Chine, qui a émergé comme seconde économie du monde et qui a accompli des progrès impressionnants envers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement d'ici 2015, joue un rôle de plus en plus important, promouvant le multilatéralisme et aidant l'Unesco à remplir ses missions dans les domaines de l'éducation, de la science et de la culture. »

Ces dernières années, il semblerait que la Chine ait été mise à l'honneur au sein de l'Unesco. En novembre 2013, le vice-ministre chinois de l'Éducation a été élu président de la 37e Conférence générale de l'Unesco pour un mandat de deux ans, tandis que la Chine a de nouveau été désignée membre au Conseil exécutif de l'organisation. Et à l'occasion de la récente visite présidentielle, la première dame de Chine, Peng Liyuan, a été nommée Envoyée spéciale de l'Unesco pour la promotion de l'éducation des filles et des femmes. « Sa vive compréhension des liens entre santé et éducation permettra de sensibiliser davantage à l'impact de l'apprentissage sur le bien-être des filles et des femmes », a commenté M. Singh. Il faut dire que Peng Liyuan s'était déjà investie dans de nombreuses causes sociales, notamment celles de la lutte contre le sida et la tuberculose.

Un rêve chinois similaire aux visées de l'Unesco

M. Singh a ajouté : « Cette visite est tombée à pic, au moment où la nouvelle direction chinoise poursuit un solide programme qui ne se concentre pas exclusivement sur la croissance économique, mais qui prête aussi attention aux questions sociales comme la tolérance, la qualité de l'éducation, l'accès aux biens culturels et l'encouragement à la créativité parmi les jeunes. »

Depuis sa politique de réforme et d'ouverture mise en place par Deng Xiaoping, la Chine a connu un essor fulgurant, accomplissant en une trentaine d'années ce que l'Occident avait mis deux siècles à réaliser. Aujourd'hui, elle a définitivement rattrapé son retard économique et social, puisqu'elle est devenue la deuxième puissance économique du monde.

Toutefois, aussi grandiose soit-elle, cette transformation de la Chine a soulevé une myriade de défis : fortes disparités régionales, failles dans la garantie des droits de tous les citoyens, lacunes dans la protection sociale de la population, problèmes environnementaux, trop faible préservation du patrimoine historique, culturel et naturel… Des revers de cette croissance effrénée dont est aujourd'hui conscient le gouvernement chinois, qui se déclare prêt à abaisser le taux de progression de son PIB en contrepartie d'un développement plus juste et équitable.

Ce contexte explique quelque peu pourquoi la Chine se rapproche toujours plus de l'Unesco, qui « est convaincue qu'aucune forme de développement n'est soutenable sans qu'un fort accent soit placé sur la culture », selon les termes de M. Singh. Leurs objectifs sont plus que jamais convergents. D'ailleurs, lors de son discours au siège de l'Unesco, le président chinois a démontré que le rêve chinois recoupait les desseins de l'Unesco : « La réalisation du rêve chinois implique le développement équilibré et le renforcement mutuel des civilisations matérielle et spirituelle. Sans la continuation et le développement de la civilisation, sans le rayonnement et la prospérité de la culture, il ne serait pas question de réaliser le rêve chinois. »

Le 27 mars 2014, le président chinois Xi Jinping rencontre la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, au siège de l'organisation à Paris. (Xinhua)

La priorité donnée à l'éducation en Afrique

Mais l'engagement de la Chine à l'égard de ces valeurs dépasse les frontières du pays. En témoignage de son soutien envers l'Unesco, Xi Jinping a annoncé dans son discours que la Chine porterait, de 25 à 75, le nombre annuel de bourses mises à la disposition de l'Unesco dans le cadre du programme de bourses « La Grande Muraille », qui permet de financer les études supérieures d'étudiants talentueux originaires de pays en développement, pour la plupart africains. Quelques jours plus tôt, le Bureau de l'information du Conseil des affaires d'État avait fait don à l'Unesco de 2 000 publications numériques en diverses langues, couvrant une variété de domaines tels que l'éducation, les sciences, les arts, l'histoire ou encore l'économie en Chine. Cette action visait à mieux faire connaître la Chine et sa culture à travers le monde, ainsi qu'à promouvoir la lecture, voie d'accès à la connaissance.

Ainsi, la Chine participe activement à la compréhension mutuelle entre les peuples et à l'éducation pour tous dans le monde, notamment en Afrique, élevée au rang des priorités de l'Unesco. En 2012, le Secrétaire général des Nations unis, M. Ban Ki-moon, a lancé l'Initiative mondiale pour l'éducation avant tout, qui s'articule autour de trois volets : scolariser tous les enfants, améliorer la qualité de l'apprentissage et favoriser la citoyenneté mondiale. Un programme que la Chine a soutenu en « pays champion ».

Également en 2012, l'Unesco et la Chine ont signé un projet de coopération Sud-Sud, intitulé « UNESCO-Fonds en dépôt chinois », pour élever la qualité de l'enseignement en Afrique. À travers une aide financière de 8 millions de dollars, ils espèrent notamment renforcer les capacités des principaux instituts de formation des enseignants dans les huit pays bénéficiaires, à savoir l'Éthiopie, la Namibie, la Côte d'Ivoire, le Congo-Kinshasa, le Congo-Brazzaville, le Libéria, l'Ouganda et la Tanzanie.

Au-delà des efforts déployés par le gouvernement, dont les exemples ci-dessus ne sont qu'un échantillon, « un nombre croissant d'entreprises chinoises du secteur privé soutiennent désormais les programmes de l'Unesco, notamment dans l'éducation », précise M. Singh. Il cite l'exemple récent de Hainan Airlines, qui a contribué à hauteur de 5 millions de dollars à des activités de l'Unesco promouvant l'égalité des sexes au sein du système scolaire, en Afrique et en Asie.

La protection du patrimoine pour défendre la diversité culturelle

Outre l'éducation, la Chine accorde une importance particulière à la sauvegarde de son patrimoine. À partir de 1987, la Chine a commencé à soumettre des sites à la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. De nos jours, 45 sites chinois y sont inscrits (31 culturels, 10 naturels, 4 biens mixtes), un nombre qui place la Chine au deuxième rang mondial en la matière. Par ailleurs, la Chine est en première position sur la Liste du patrimoine culturel immatériel, avec 38 éléments tels que l'opéra de Pékin, l'opéra kunqu, le papier découpé, ou encore l'acupuncture et la moxibustion. Pour toutes ces merveilles et tous ces arts, la Chine, en collaboration avec l'Unesco, investit des ressources considérables à leur préservation et à leur adéquate administration.

Dans son message d'accueil destiné au président chinois, Irina Bokova, après avoir souligné le caractère symbolique de cette visite et rappelé les avancées dans la relation Chine-Unesco, a affirmé : « Nous partageons le même engagement pour la sauvegarde du patrimoine culturel. La Chine est la terre où dialoguent tradition et modernité, et l'une des plus anciennes civilisations du monde, qui s'appuie sur toute la richesse d'une sagesse de plusieurs millénaires pour façonner l'avenir. » Xi Jinping a, quant à lui, déclaré : « Nous devons promouvoir avec énergie le secteur culturel, pour rapprocher les cœurs, élargir les horizons et accroître le consensus à travers les échanges. »

La notion de patrimoine renferme également l'idée de gestion de l'environnement. La Chine possède un réseau de réserves de biosphère, qui réunit plus de 150 sites régies par les directives de l'Unesco en matière de développement durable. Elle abrite aussi 29 sites membres du réseau mondial de géoparcs soutenu par l'Unesco. Ces données témoignent de la volonté de la Chine à s'engager sur une voie de développement plus vert.

 

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