CHINAHOY

1-July-2014

Le Père Émile Licent, ses fossiles et Tianjin

 

Beaucoup de spécimens découverts par Émile Licent sont aujourd'hui exposés au Musée d'histoire naturelle de Tianjin. (PHOTO PAR YU JIE)

 

WANG WENJIE, membre de la rédaction

Cité chinoise comptant anciennement neuf concessions étrangères, Tianjin occupe une place importante dans l'histoire moderne de la Chine. D'innombrables personnes du siècle passé, Chinois ou étrangers, y ont laissé leurs traces. Dont le Père Émile Licet, érudit français fondateur du premier musée d'histoire naturelle au Nord de la Chine.

Il y a bien longtemps, un prêtre jésuite français est venu tout seul en Chine, pour y satisfaire sa curiosité envers cette civilisation orientale mystérieuse et pour y effectuer des recherches archéologiques. Il a choisi Tianjin comme pied-à-terre et y entreposa les différents spécimens rapportés de ses expéditions à travers le pays.

Ce prêtre jésuite, c'est Émile Licent (1876-1952). En plus d'être religieux, il était géologue, paléontologue et archéologue. Son séjour en Chine commença en 1914 et se termina en 1938.

À l'intérieur de l'Institut des langues étrangères de Tianjin se trouve un bâtiment de deux étages, sur le fronton duquel est gravé « MUSÉE HOANGHO PAIHO » (qui signifie le Musée du fleuve Jaune et du fleuve Haihe). Fondé par Émile Licent dans les années 20, il s'agit du premier musée à avoir été bâti dans le Nord de la Chine.

Émile Licent s'intéressait aux sciences naturelles depuis son enfance et commença ses recherches géologiques après ses études universitaires. D'après les descriptions de certains missionnaires français qui avaient visité la Chine à son époque, il était profondément attiré par cette civilisation ancienne. En 1868, le missionnaire français Pierre Marie Heude (1836-1902) avait établi un musée dans l'église de Xujiahui à Shanghai. Celui-ci est considéré comme le premier musée d'histoire naturelle de Chine. À la suite de son doctorat en zoologie en 1912, Émile Licent souhaitait en établir un au Nord de la Chine. Suivant l'exemple du Père italien Matteo Ricci, il partit pour la Chine au mois de mars 1914, grâce au soutien du gouvernement français et du président de la Compagnie de Jésus.

Au cours de ses 25 ans en Chine, Émile Licent réalisa beaucoup de découvertes archéologiques importantes, qui étonnèrent le milieu des sciences occidentales. On retrouve ses empreintes partout au Nord et au Nord-Ouest de la Chine. Ses expéditions les plus éloignées s'étendirent jusqu'aux régions proches du Tibet. Au début de son séjour en Chine, il rangeait les spécimens et les fossiles qu'il avait accumulés dans le bâtiment de la Compagnie de Jésus localisé à Tianjin. Mais le bâtiment devint vite trop petit pour tout entreposer. Il proposa alors de créer un musée. Après avoir découvert des os empilés auprès du fleuve Sjara-osso-gol (ou Salawusu) en 1922, il invita le Père français Pierre Teilhard de Chardin à participer à ses recherches. Le 23 mai 1923, ce dernier arriva de Paris à Tianjin, pour assister Émile Licent dans son travail archéologique et la conception du musée Hoangho Paiho.

Cependant, le musée n'ouvrit pas tout de suite après sa construction. Après y avoir déplacé sa collection, Émile Licent continua de faire des recherches dans plusieurs régions. En 1925, le musée fut agrandi. Il ouvrit au public en mai 1928, et un an plus tard, il fut encore agrandi. Le musée comprenait une salle d'exposition, une salle de stockage des spécimens, un atelier de préparation des fossiles et un bureau. En plus des expositions, le musée organisait souvent des conférences, enrichissant la vie des habitants locaux et permettant la vulgarisation des sciences naturelles. À cette époque, le musée Hoangho Paiho était considéré comme un musée de premier rang mondial. Pour son travail, le Père Émile Licent fut même honoré par le gouvernement français du titre de la Croix de Chevalier de la Croix de fer.

Les recherches d'Émile Licent et son travail de collection furent forcés de s'arrêter en 1937, année durant laquelle commença l'invasion japonaise. Le musée Hoangho Paiho ferma ses portes. Peu après, Tianjin fut occupée par les envahisseurs japonais. Émile Licent regagna la France en 1938 et y mourut en 1952.

En 1939, le Nord de la Chine connut des pluies torrentielles, et la ville de Tianjin fut inondée. Pour protéger la collection, une partie des spécimens du musée Hoangho Paiho fut transférée à Beijing, dans un musée construit près de l'ambassade de France en Chine. Au mois de novembre 1939, la salle d'exposition du musée Hoangho Paiho fut rouverte au public. Puis en 1957, celui-ci fut rebaptisé Musée d'histoire naturelle de Tianjin. Un an plus tard, la collection et le bureau furent transférés au Tientsin County Club. Le musée Hoangho Paiho devint par la suite un entrepôt pour des spécimens précieux.

En 2004, à l'occasion du 90e anniversaire de sa fondation, pour permettre à plus de personnes de connaître ce grand scientifique français, le Musée d'histoire de Tianjin organisa une exposition spéciale ayant pour thème « Émile Licent et le musée Hoangho Paiho ». Aujourd'hui, ce musée, à l'histoire et à la culture séculaires et riches, manifeste davantage sa valeur. De nombreux experts et savants, chinois et étrangers, s'y rendent régulièrement pour observer et étudier les résultats des recherches du Père Émile Licent. C'est aussi une sorte d'hommage à sa contribution aux sciences naturelles.

Le 7 novembre 2013 à Paris, la municipalité de Tianjin et la mairie d'Albert ont organisé conjointement une exposition photo baptisée « La France et Tianjin ». Cette exposition faisait partie des commémorations pour le 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Sur les trois parties qui divisaient les 150 clichés exposés, figure l'histoire entre Émile Licent et la ville de Tianjin.

Le site d'origine du musée Hoangho Paiho se dresse toujours tranquillement dans un coin de l'Institut des langues étrangères de Tianjin. Mais son nom est voué à être plus fameux, tout comme celui de son fondateur. Récemment, nous avons appris une nouvelle exaltante : on projette de le rouvrir après restauration. Mais alors, quel charme affichera ce bâtiment bientôt centenaire ayant connu toutes ces vicissitudes ! Attendons que les portes de cet auguste édifice s'ouvrent une nouvelle fois !

 

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