CHINAHOY

9-June-2014

Djibouti, un nouveau Samarkand sur la nouvelle Route maritime de la Soie

 

 

Le 25 avril dernier, l'ambassadeur de Djibouti, Adballah Miguil reçoit notre reporter. (YU JIE)

 

SéBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

C'est autour d'une tasse de café éthiopien que nous commençons la discussion avec son Excellence Abdallah Abdillahi Miguil. Après le 35e anniversaire des relations diplomatiques sino-djiboutiennes fêté en grande pompe en janvier dernier, nous revenons avec lui sur la coopération sino-djiboutienne.

Les relations diplomatiques entre la Chine et Djibouti ont débuté en 1979, deux ans après l'indépendance de ce dernier.

La République de Djibouti, d'environ 23 200 km², située en Afrique orientale, à la zone de connexion de la mer Rouge avec l'océan Indien, est connue pour sa stabilité politique et économique, mais également pour sa position géostratégique, son développement économique ainsi que le niveau de tertiarisation de son économie. La coopération avec la Chine est un moteur de développement et un soutien important pour les ambitions nationales.

C'est en qualité de ministre des Transports qu'Abdallah Abdillahi Miguil se rend en Chine pour la première fois. Il s'y rend ensuite en tant que ministre de l'Intérieur et en tant que ministre de la Santé.

Grâce à son expérience en tant que ministre et représentant dans les organismes internationaux, Abdallah Miguil avait tous les outils pour faire ses premières armes dans la diplomatie étatique. Au fur et à mesure de ses passages en Chine et à son arrivée au poste d'ambassadeur en 2011, il a trouvé un changement extraordinaire : « Je suis très heureux de pouvoir venir représenter mon pays dans un pays aussi important que la Chine. C'est tout de même la deuxième économie au monde, un acteur clé des relations internationales, voire même une condition de la paix dans le monde ! »

Un développement qui l'inspire

Monsieur Miguil, très admiratif du développement chinois, nous explique comment il le perçoit : « Je pense qu'il faut voir le développement chinois dans son contexte : c'est un grand pays, presque un continent à nos yeux de Djiboutiens dont la population et la superficie du pays fait seulement celle d'une ville chinoise. C'est un des pays les plus peuplés au monde. Gérer une telle population paraît tellement difficile ! Ce que j'ai vu depuis 1997, et vivant en Chine maintenant, de par mon expérience, je peux dire que la Chine s'en sort beaucoup mieux. »

« En tant qu'Africain, toute la dimension de la Chine et de l'Afrique est là : cela me permet d'apprendre, de faire une comparaison, de voir les forces et faiblesses de ce système, d'être un spectateur lucide de ses défis car comme on dit en chinois "Celui qui est spectateur voit mieux que celui qui est dans le jeu". J'apprends beaucoup de ce développement et de ces défis relevés par la Chine », remarque-t-il.

Des objectifs de coopération

La mission d'ambassadeur est évidemment avant tout diplomatique, mais selon Abdallah Miguil, elle possède aussi un rôle canaliseur et explorateur. Pour le cas de Djibouti, c'est tout d'abord entretenir les liens avec la Chine et attirer des capitaux chinois vers Djibouti pour en faire une plate-forme d'échanges : « Ma mission en Chine consiste premièrement à renforcer davantage les liens économiques et commerciaux entre la Chine et Djibouti, en rapprochant les hommes d'affaires des deux pays et en offrant aux investisseurs chinois la possibilité d'utiliser Djibouti comme plate-forme financière et commerciale. »

Il ajoute en expliquant que l'un des buts de la coopération Chine-Djibouti est « de créer une base logistique et un hub de réexportation pour leurs produits vers les pays du COMESA, d'Afrique et du monde arabe ». Il doit aussi préparer le terrain pour développer de nouveaux domaines d'échanges dans lesquels Djibouti peut offrir de grandes opportunités d'investissements tels que l'immobilier, l'énergie et l'eau, les télécommunications, le tourisme, les services bancaires et d'assurance, les infrastructures.

Enfin, sa mission est également humaniste, puisqu'elle consiste « à rapprocher encore davantage les peuples djiboutiens et chinois en augmentant les échanges académiques, humains, de la jeunesse, des associations et ONG ».

Les relations entre Djibouti et la Chine ont 35 ans

La Chine et Djibouti ont fêté récemment leurs 35 ans de relations diplomatiques. Le fait que la Chine et Djibouti ne possèdent pas de frontières communes et ne soient pas comparables par leur taille, ni par leur ressources ou domaines clés de développement, permet selon Abdallah Miguil de créer une atmosphère amicale et empreinte de respect mutuel entre les deux pays : « Je pense que la coopération sino-djiboutienne est celle d'une entraide et d'une recherche d'un bénéfice commun. C'est très simple en même temps que c'est très profitable. Nous essayons d'apporter notre maigre soutien à la Chine au plan international : à savoir la reconnaissance d'une seule Chine, et nous nous efforçons aussi de travailler en coordination tout en respectant nos intérêts et nos priorités nationales. »

Des échanges économiques très dynamiques

Comme dans plusieurs pays d'Afrique, la Chine aide à la construction d'infrastructures avec « un grand projet de train djibouto-éthiopien où nous rénovons une ancienne ligne de chemin de fer. Elle sera électrifiée. Cela pour permettre de mieux faire circuler les marchandises dans l'est de l'Afrique. »

Abdallah Miguil ajoute fièrement que « Djibouti a dépassé les 1 milliard de dollars pour la balance des échanges avec la Chine en 2013. La société China Merchant a également pris des parts en devenant actionnaire dans le port de Djibouti qui construit d'autres ports. »

Celui-ci ajoute que Djibouti tient à développer des partenariats avec la Chine dans le domaine du tourisme. Il nous décline ce qui est en route : « Avec le groupe Touchroad nous avons mis en place un partenariat stratégique avec la construction d'infrastructures hôtelières de classe mondiale. Notamment au nord du pays, vers les îles Sept-Frères et à Ras Syan qui une fois achevé, sera l'équivalent de Charm El Sheikh au sud de la mer Rouge. »

Toujours d'après l'ambassadeur de Djibouti, le groupe Touchroad a acquis une parcelle de terrain à Djibouti pour construire une importante zone économique et commercial dans qui contribuera à développer des échanges avec les pays limitrophes.

Enfin, Djibouti souhaite aussi « développer des coopérations sur le thème du développement durable. « Nous avons de grandes capacités en énergie géothermique. Nous travaillons sur ce projet avec la Chine, l'Islande, l'Amérique et la Banque mondiale », ajoute Abdallah Miguil.

Échanges culturels et jeunesse

Préserver l'avenir de la jeunesse est également un souci de Djibouti et de la Chine où l'on dit que « l'avenir, c'est la jeunesse ». Les étudiants djiboutiens en Chine sont nombreux, 400 à peu près qui font des études dans tous les domaines et participent au développement des relations de Djibouti avec la Chine. « Nous apprécions la qualité de l'enseignement chinois. C'est un des secteurs que nous allons développer prochainement. Pour ce qui est des partenariats universitaires, nous sommes en train de monter un projet avec la Shanghai Maritime University. Notre partenaire chinois He Liehui, président de Touchroad va nous aider à mettre en œuvre ce programme en finançant nos étudiants qui seront inscrits dans cette université dans les cinq ans à venir », nous explique Abdallah Miguil.

De plus, un Institut Confucius à Djibouti pour toute la région est en projet. Une coopération avec l'Université des Affaires étrangères de Chine est en route également. « Nous espérons que les Chinois viendront pour apprendre aussi la culture africaine et djiboutienne, dans un esprit d'échange, que ceux-ci ne soient pas à sens unique. »

Le concept de croissance partagée

Pour éviter les échanges à sens unique : l'ambassadeur de Djibouti travaille également à la création de nouveaux concepts pour le développement régional et international, il nous présente le concept de la croissance partagée : « La croissance partagée Afrique-Chine-Europe, est une notion novatrice dans notre monde actuel basé sur la mondialisation. Elle nous permettra de bénéficier d'une croissance partagée et durable entre tous les protagonistes de l'économie et du commerce international. »

Il explique : « Ce nouveau concept de partenariat revêt une importance exceptionnelle pour nos continents et devra s'attacher à changer la nature de nos relations en se fondant sur le respect mutuel et la promotion de l'intérêt commun. L'idée motrice consiste en la combinaison des complémentarités de l'Afrique, de la Chine et de l'Europe dans un esprit gagnant-gagnant et produisant une plus-value pour le grand bénéfice de tous. »

Un nouveau Samarkand

Abdallah Miguil nous explique également que l'une des ambitions de Djibouti est de devenir une nouvelle plate-forme d'échanges internationaux. De par ses atouts géographiques, mais aussi ses atouts économiques, Djibouti possède toutes les capacités pour devenir ce nouveau Samarkand de la Route maritime de la Soie. « L'un de nos axes de travail avec la Chine est de développer notre coopération sur un plan commercial et financier. La situation géographique de Djibouti en fait le cordon ombilical entre le monde arabe et le monde africain, mais aussi entre l'Afrique et l'Asie. C'est aussi pour cela que les Chinois cherchent à faire des projets avec nous et qu'ils accordent autant d'importance à nos relations. »

En effet, Djibouti souhaite devenir un hub maritime où les marchandises qui viennent de l'Asie vers l'Europe et l'Afrique puissent transiter. En juin 2012 lors de la visite du président djiboutien Ismail Omar Guelleh en Chine, les chefs d'État des deux pays ont convenu de travailler sur un partenariat stratégique bilatéral pour faire de Djibouti une base stratégique de distribution des produits chinois. D'après Abdallah Miguil, la monnaie forte de Djibouti permet également d'en faire une place commerciale, financière et bancaire internationale.

L'un des avantages de Djibouti est d'avoir un hinterland : « C'est un avantage car nous avons des grands pays limitrophes dont certains sont enclavés, et de l'autre côté de la mer Rouge, des pays arabes. Pour résumer, notre ambition est de faire de Djibouti la Suisse de l'Afrique en ce qui concerne la stabilité, un Singapour de l'Afrique pour tout ce qui concerne les activités maritimes, un Hong Kong de l'Afrique sur le plan commercial. Faire de Djibouti un pays franc pour attirer des investissements étrangers. Je pense que c'est aussi cela qui attire les Chinois.

Les visites des officiels chinois à Djibouti sont assez fréquentes et montrent bien la dynamique de coopération entre les deux pays : « En janvier dernier, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi s'est déplacé spécialement pour le 35e anniversaire. Il a été suivi le mois suivant par le ministre chinois de la Défense.

Enfin, le fait que le président chinois donne de l'importance aux relations entre la Chine et l'Afrique fait également très plaisir à l'ambassadeur de Djibouti : « Cela crée une dynamique sino-africaine très puissante. C'est un levier qui va tirer vers le haut l'économie mondiale. Nous serons très fiers que Djibouti puisse faire partie de cette nouvelle Route de la Soie. »

 

La Chine au présent

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