CHINAHOY

1-July-2014

Une maison de retraite pour revenus modestes

 

Yan Shuai aide toujours les nouveaux arrivants à s'adapter à leur nouvel environnement.

 

HOU RUILI, membre de la rédaction

Malgré sa jeunesse (26 ans), Yan Shuai est déjà le directeur de la maison de retraite Puleyuan, située dans l'arrondissement Fangshan, au sud-ouest de Beijing. Très occupé, il est chargé des affaires quotidiennes de Puleyuan, où vivent plus de 300 personnes âgées, dont 60 % en situation de dépendance. La doyenne parmi ces personnes a déjà 106 ans.

On compte actuellement près de 200 millions de personnes âgées de 60 ans ou plus en Chine. Dix ans auparavant, en Chine, les maisons de retraite se réduisaient à des établissements de secours social, qui acceptaient seulement des personnes âgées seules. Aujourd'hui, la situation a bien changé : davantage de personnes âgées choisissent de vivre dans une maison de retraite, pour ne pas devenir un fardeau pour leurs enfants.

Chaque maison a son histoire

Les parents de Yan Shuai ont créé la maison de retraite Puleyuan il y a huit ans. La construction a coûté plus de 5 millions de yuans. À ce moment-là, Yan Shuai, âgé de 18 ans, venait de trouver un emploi dans le secteur informatique, après avoir été diplômé d'une école d'enseignement technique. Il ne gagnait pas encore assez pour être indépendant, mais grâce à l'aide de ses parents, il vivait aisément. D'ailleurs, il ne prêtait aucune aucune attention à la maison de retraite. Il courait tous les jours après la mode et l'individualité, et rêvait de devenir une star... Malheureusement, un an plus tard, sa mère contracta un cancer et son père tomba gravement malade.

Confronté à une telle situation, la vie de Yan Shuai a été bouleversée du jour au lendemain. Il a démissionné pour remplacer son père et assumer la charge de directeur de la maison de retraite. Ce fut un passage très difficile. Le traitement médical de ses parents nécessitait beaucoup d'argent, tandis que les profits de Puleyuan étaient faibles. En plus des affaires de la maison de retraite, Yan Shuai faisait beaucoup de travail à temps partiel pour pouvoir subvenir à ses besoins, ce qui lui laissait très peu de temps pour se reposer.

Devenir responsable de Puleyuan a permis à Yan Shuai d'apprendre tous les métiers liés au fonctionnement d'un établissement de ce genre. Il a tenu à faire tous les postes : de cuisinier à agent d'achat, infirmier en passant par secouriste. Que ce soit aider les personnes âgées à se tourner dans leur lit pour la toilette, les nourrir, les masser, traiter un ulcère de décubitus, changer les couches ou habiller les décédés, ce furent beaucoup de premières fois pour Yan Shuai. En plus de ces activités, profitant de son expérience, il donnait des cours aux nouveaux diplômés souhaitant devenir directeur d'un établissement de ce type.

Vieillir sans se ruiner

La maîtrise parfaite de Yan Shuai sur tout ce qui a trait à la gestion de l'établissement lui a permis d'en réduire significativement le coût de revient. Une aubaine pour les résidents potentiels. Actuellement, une chambre pour personne âgée non dépendante coûte 1 800 yuans par mois. Le prix varie entre 2 800 et 3 600 yuans pour les personnes âgées qui sont dépendantes. Chaque pièce est équipée d'un téléviseur, d'un frigo, d'un climatiseur, d'une douche et de toilettes pour handicapés. « Mon rêve était de gérer une maison de retraite dont le prix serait acceptable pour les personnes à revenu modeste, déclare Yan Shuai. La fixation des prix actuelle à Puleyuan permet de maintenir dans l'ensemble un équilibre entre les dépenses et les revenus. »

En raison des tarifs attractifs, le nombre des pensionnaires à Puleyuan s'est multiplié très rapidement. Pour satisfaire à la demande du marché, la maison de retraite a été aggrandie. Au début, elle comprenait deux rangées de maisons basses d'une capacité de 50 lits ; aujourd'hui, l'établissement comprend trois rangées plus un bâtiment de deux étages, pour une capacité totale de 323 lits. Par ailleurs, la construction d'une nouvelle extension à l'intérieur de Puleyuan a déjà commencé. Elle permettra d'accueillir 125 lits et d'offrir des services pour la convalescence.

Diversifier les services aux personnes âgées

En plus des prix raisonnables, Yan Shuai fait tout son possible pour améliorer les services et le niveau de gestion de Puleyuan. Tout cela pour que les pensionnaires se sentent comme chez eux. En effet, contrairement aux jeunes, les personnes âgées s'adaptent moins bien à un environnement étranger. Ainsi, quand une personne arrive à Puleyuan, Yan Shuai se renseigne sur ses passe-temps favoris pour lui présenter des amis ayant les même intérêts. « Les personnes âgées gardent souvent une grande distance avec les autres. Il faut les pousser à participer à plus d'activités », explique Yan Shuai.

« Je fais souvent moi-même ces petites choses humbles, pour donner l'exemple aux employés de Puleyuan. Les services doivent être optimaux dans une maison de retraite », ajoute-t-il. S'occuper de personnes gravement malades est pour lui une lourde responsabilité. Son portable reste allumé 24 heures sur 24. Les maladies des personnes âgées se déclarent en général au cours de la nuit. « J'ai peur d'entendre la sonnerie du téléphone, parce que ça peut vouloir dire qu'il est arrivé quelque chose de grave, en général, un infarctus. Je dors souvent tout habillé et vis constamment dans le stress », exprime Yan Shuai.

Pour faciliter le traitement médical des personnes âgées, Yan Shuai a décidé de créer une petite clinique à l'intérieur de la maison de retraite. Il déploie des efforts pour créer des coopérations avec les hôpitaux alentours, et essaie d'introduire l'assurance maladie et les services médicaux à Puleyuan.

À la suite de la troisième session plénière du XVIIIe Comité central du PCC (Parti communiste chinois), le gouvernement central a commencé a encourager une nouvelle politique, qui consiste à financer des organisations sociales et qualifiées fournissant certains services sociaux publics. Pour combiner les programmes du gouvernement et les demandes réelles, l'Association de l'hypertension de Beijing a par exemple fourni à Puleyuan des équipements médicaux, tels qu'un électrocardiographe et un échographe. « Bien que ces équipements soient de seconde main des grands hôpitaux, ils constituent une aide qui arrive en temps opportun pour nous », fait remarquer Yan Shuai.

Une contribution à la société

On estime que le vieillissement de la population en Chine entrera dans une phase d'augmentation rapide d'ici 20 ans, et que les personnes âgées représenteront un tiers de la population totale du pays en 2050. Il est évident que le marché des services aux personnes âgées sera considérablement étendu. L'ambition de Yan Shuai est de faire de la maison de retraite un lieu destiné à enrichir la vie spirituelle des personnes âgées, un lieu où l'on peut organiser des activités culturelles.

« Je vais m'efforcer d'améliorer le niveau de services dans la maison de retraite, tout en maintenant un prix raisonnable », dit Yan Shuai. Il a enregistré la marque de Puleyuan il y a deux ans. « On peut utiliser cette marque sur divers produits : les couches jetables ou les ambulances par exemple. Si la situation économique le permet, j'espère pouvoir créer des succursales et développer des produits pour les consommateurs », ajoute-t-il.

Bien que le chemin à parcourir soit encore long, Yan Shuai ne perd pas confiance. Certains voudraient lui acheter la maison de retraite Puleyuan, parfois à des prix très alléchants. Ces investisseurs voudraient la transformer en une maison de retraite de luxe, mais Yan Shuai exprime chaque fois son refus. Il explique : « C'est sûr que je pourrais mener une vie bien plus aisée en faisant cela, mais j'aurais mauvaise réputation. où iront ces personnes âgées qui ne sont pas assez riches pour payer une maison de retraite de luxe ? C'est ce qui m'importe le plus. »

« Pour moi, le sens de la vie réside dans la protection des valeurs. Si l'on ne pense qu'à ses propres jours, ne contribuant pas à la société, alors notre vie est insignifiante. Certaines richesses ne peuvent être mesurées par l'argent », conclut-il.

 

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