CHINAHOY

29-October-2014

Zhou Tiehai : La création artistique n’est pas difficile

 

 

Zhou Tiehai est un facilitateur extraordinaire et un artiste conceptuel doté d'une grande intelligence. Ces deux traits ont fait de lui une célébrité contradictoire dans le monde de l'art contemporain chinois au cours des douze dernières années, et il a amené toute une génération de jeunes artistes à réfléchir à de nouvelles approches originales pour se différencier des autres.

Diplômé du Collège des beaux-Arts de Shanghai en peinture et design, Tiehai a commencé sa carrière dans la publicité, un domaine qui ne l'a jamais vraiment attiré, mais qui lui semblait être un bon choix lorsqu'il ne parvenait pas à trouver une direction artistique, au début des années 1990. Même s'il est parfois associé au mouvement de la nouvelle vague des années 1980, il affirme : « Je n'avais aucun intérêt pour le pop art politique ou pour le réalisme cynique, ni pour quoi que ce soit d'autre que les artistes chinois créaient à ce moment-là. Je n'avais rien à dire quand tout le monde faisait des déclarations. » Toutefois, il préférait encore les beaux-arts à l'art commercial.

Lorsque l'écrivain Andrew Solomon est venu en Chine en 1993 pour effectuer un reportage sur l'art contemporain chinois pour le magazine du New York Times, il a rencontré Tiehai, mais a finalement décidé de ne pas le mentionner dans son article. Cela a eu un impact profond sur Tiehai, qui a décidé qu'il était temps de « se remettre à l'art ».

Il explique qu'il a mené une étude et a conclu que ce qui semblait être le plus important dans le monde de l'art en général était de convaincre les gens que vous étiez célèbre, peu importe les moyens employés. Pour s'insurger contre les médias qu'il ne respecte pas et le marché de l'art conditionnel qu'il n'apprécie pas, il a créé une série de peintures parodiques imitant les couvertures de magazine, avec lui à la une. Sur ces couvertures, Art in America, Flash Art, et Newsweek le célébraient. Ce calcul conceptuel lui a fait gagner de l'attention et il a décidé de poursuivre dans cette veine.

 

Louis XVIII , 2009

 

Pour sa première longue collection intitulée Placebo, entamée en 1997, il a repris l'image de Joe Camel des publicités de la marque américaine de cigarettes, apposant la tête du chameau sur les corps des aristocrates des grands tableaux de la Renaissance ou sur l'Odalisque de David. Il a réalisé ces images à l'aérographe en acrylique, une technique empruntée à son passage dans la publicité. Tiehai ne produisait même pas ses tableaux de sa propre main. Il embauchait des assistants pour appliquer le processus de création artistique qu'il avait conçu.

Assis dans son petit studio situé dans un immeuble de coopérative dans le centre du quartier artistique M-50 de Shang-hai, Tiehai m'a dit récemment : « Je ne voyais pas la nécessité à ce moment-là, ni maintenant, de peindre moi-même. La partie créative réside dans le concept, et d'ailleurs, la plupart des artistes que je connais ne sont pas particulièrement de bons peintres, ils sont juste célèbres. »

Les critiques s'accordent à dire que son utilisation de Joe Camel fonctionne à plusieurs niveaux, mais que le meilleur d'entre eux est en alter ego de Tiehai, qui lui permet de critiquer ce qu'il voit comme surexposé et trop promu. Dans une série plus tardive intitulée Ego, il s'est approprié l'imagerie d'artistes contemporains comme Jeff Koons et Cindy Sherman, les imaginant reprendre à leur tour la tête de Joe Camel. Bien que cela soit ce qui l'a rendu célèbre auprès des collectionneurs du monde entier, le classant dans une catégorie qu'il avait commencé par tourner en ridicule, à l'instar de la plupart des artistes contemporains chinois que j'ai rencontrés, il fait à présent référence à l'art chinois classique pour se relier à son héritage culturel. Sa série Tonic est composée de copies de chefs-d'œuvre au pinceau. Repris à l'aérographe en acrylique, ils conservent la douceur du pinceau et de l'encre, mais les images sont recadrées et agrandies à tel point qu'elles deviennent abstraites.

L'ironie de la situation actuelle de Tiehai est que l'attaque qu'il dirigeait contre les artistes chinois célèbres il y a douze ans l'a rendu tout aussi reconnu et respecté qu'eux, tant et si bien qu'il a récemment été nommé conservateur adjoint du Musée d'art Minsheng, propriété de la Banque Minsheng de Chine. Curieusement, la première exposition qu'il a conçue au musée était « Trente ans d'histoire de l'art contemporain chinois » !

 

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