CHINAHOY

29-September-2014

Le Potala : loin des yeux, près du cœur

 

Le Potala vu de la rivière Lhassa, qui a donné son nom à la ville.

 

Symbole de la richesse culturelle du Tibet, le palais du Potala compte un grand nombre d'admirateurs. Parmi eux, Lhapa Gyaltse, que nous avons rencontré.

*SHI WEIJING

Le jeune tibétain Lhapa Gyaltse raconte que lorsqu'il vivait dans le village de Xuecun, il pouvait admirer le magnifique palais du Potala ; maintenant qu'il habite près de la zone humide de Lalu, il peut encore en voir la splendeur. Mais à vrai dire, peu importe la distance : celle-ci ne saurait altérer son égard envers le Potala.

Le Potala demeurera toujours au plus profond de son cœur.

Enfance passée au pied du Potala

Il y a 23 ans, Gyaltse est né dans les combles d'un bâtiment de 3 étages, dans le village de Xuecun situé au pied du Potala. C'était la maison de ses grands-parents, et c'est dans ce foyer qu'il a grandi, car ses parents travaillaient ailleurs. Dans la langue tibétaine, xue (de Xuecun) signifie « en bas », ce qui explique le nom de ce village.

Le Potala est présent en toile de fond de tous les souvenirs d'enfance de Gyaltse : quand sa grand-mère lui indiquait le palais derrière la fenêtre et lui racontait que cet édifice avait été érigé à partir de tas de pierres ; quand à l'âge de 5 ans, assis dans sa maison, il avait vu la scène extraordinaire du déroulement de deux grands thangka au Potala, un évènement qui n'a lieu qu'une fois tous les 36 ans ; et quand il s'amusait avec ses camarades, au bas du Potala.

Gyaltse explique que l'école primaire qu'il fréquentait se trouvait derrière le Potala. Pour y aller, il devait le contourner. Donc, chaque matin, il effectuait un demi-cercle dans le sens des aiguilles d'une montre pour aller en cours ; puis chaque midi pour rentrer chez lui, un demi-cercle de l'autre côté. Idem l'après-midi. C'était devenu une sorte de jeu, un rituel immuable qu'il exécutait deux fois par jour.

En septembre 2011, suite à la publication d'un plan d'aménagement global du Potala, la famille de Gyaltse et ses voisins ont déménagé dans le nouveau village de Xuecun.

Nostalgie envers le lointain Potala

Autrefois face au Potala, maintenant derrière... Malgré la nette amélioration des conditions de vie, Gyaltse, comme la plupart des villageois, regrettait d'avoir ainsi dû se séparer du Potala. Toutefois, il s'estimait heureux de pouvoir encore le contempler.

En ouvrant sa fenêtre orientée sud, il peut en distinguer la figure familière maquillée de rouge et blanc. Bien que ce palais ne soit plus juste au-dessus de sa tête comme par le passé, sa considération pour ce bâtiment grandiose s'est affermie encore à mesure qu'il l'étudiait sous différentes perspectives, de sorte qu'il s'en est intérieurement rapproché. Parfois, il lui semble qu'il n'a qu'à étendre les bras pour l'atteindre...

À mesure qu'il grandissait, son éloignement d'avec le Potala aussi. Peu de temps plus tard, Gyaltse a quitté ses grands-parents pour aller habiter avec ses parents dans la zone humide de Lalu. Pendant cette période, il a souvent suivi son père qui entreprenait des patrouilles dans la zone humide, où tadornes casarca et grues à cou noir prenaient leur envol dans un battement d'ailes d'une beauté exceptionnelle. Derrière ces ailes aux couleurs éclatantes, se tenait au loin, paisible, le Potala.

En 2008, après avoir terminé son lycée, Gyaltsen a choisi de s'engager dans l'armée, comme le font beaucoup de garçons. Ses parents l'ont accompagné jusqu'au lieu de rassemblement fixé, soit l'hôtel Lhassa. Il se tenait là en tenue militaire, fleur rouge sur la poitrine. À l'aube d'une nouvelle vie, Gyaltse bouillonnait de joie et d'excitation. Dans les yeux de ses parents, il ne lisait que leur soutien et encouragement, sans y déceler leur tristesse et inquiétude.

Par la suite, pour la première fois il a atterri dans un endroit d'où le Potala n'était pas visible. En effet, il a pris l'avion pour Chengdu, puis le train jusqu'à Dali, dans la province du Yunnan. Il a résidé dans cette ville pendant deux ans et s'y est plutôt bien acclimaté : « Je me sentais presque comme à la maison. On y trouve un plateau, des bâtiments à un étage, même une pagode blanche ! Mais pas de Potala... »

À sa grande surprise, ses compagnons d'armes l'enviaient beaucoup pour la chance qu'il avait eue de vivre au pied du Potala. Curieux de ce somptueux palais dressé sur un plateau neigeux, ils lui posaient sans arrêt des questions à son propos, car « le Potala, ils ne le voyaient qu'à la télévision ! ». Gyaltsen était vraiment fier dans ces moments-là et se sentait alors nostalgique.

Après deux années de bons et loyaux services dans l'armée, Gyaltse est devenu un jeune homme fort et mûr. Ayant un jour excellé lors d'un entraînement militaire, Gyaltse a obtenu l'opportunité d'intégrer définitivement les rangs. Cependant, il a pris une décision surprenante : rentrer. « Je n'avais pas eu la possibilité de revenir à la maison durant ces deux ans. J'avais le mal du pays ; le Potala me manquait énormément ! » a expliqué Gyaltsen en affichant un sourire gêné.

L'avenir, avec le Potala en arrière-plan

Fin 2010, après une longue absence, Gyaltse est rentré chez ses parents, d'où il peut voir le dos du Potala en se postant sur son toit. D'ailleurs, lorsqu'il est déprimé, il fixe le Potala pour retrouver le moral. Mais Gyaltse garde un souvenir vivace de la vue qu'il avait sur le Potala quand il habitait dans l'ancien village de Xiacun. « C'est sur les coups de midi que le panorama était le plus ravissant, car à ce moment-là, l'éclat du Potala éclipsait le soleil. Maintenant, je suis trop loin pour voir ce spectacle », regrette Gyaltse, mélancolique.

Dans la cour, à un arbre est suspendu un sac de sable : la boxe est en effet l'une des passions favorites de Gyaltse. « Ne vous fiez pas à ma petite corpulence ! Je suis tout aussi doué que les autres en boxe. » Quand il se met à parler de son expérience à l'armée, ses yeux brillent d'enthousiasme. Ses compagnons là-bas avaient non seulement rendu sa vie douce à l'extérieur de son village natal, tout en lui ouvrant une fenêtre sur le quotidien des gens qui varie suivant les régions. Parallèlement, il avait appris à mieux connaître son propre lieu de naissance. Son service militaire accompli, Gyaltse, qui n'avait jamais sangloté des suites de blessures lors des entraînements, avait néanmoins pleuré à chaudes larmes à l'heure de quitter ses frères.

Je demande alors à Gyaltse s'il regrette d'avoir renoncé à l'armée. Sans la moindre hésitation, il répond : « Comment pourrais-je regretter d'être revenu ici, dans ma maison ? Tout le monde rentre chez lui à un moment donné. » Pourquoi être parti dans ce cas ? Il dit avec un sourire narquois : « Je savais que vous me poseriez cette question. En fait, j'avais toujours vécu ici, au contact de gens quelque peu comme moi. À l'époque, j'avais envie de découvrir ce qu'il y avait ailleurs. »

Au printemps dernier, Gyaltsen a appris à conduire dans une auto-école. Aujourd'hui, il peut prendre sa voiture pour aller aider sa mère à entretenir leur serre. Entre-temps, il a passé le concours de la fonction publique et a été admis, mais a renoncé au poste qu'on lui proposait, car celui-ci ne le satisfaisait pas. En attendant, Gyaltsen, couché sur le toit les mains jointes derrière la tête, regarde le Potala, son ami de longue date qui semble lui dire : « Ne t'inquiète pas, tout ira pour le mieux. »

 

*SHI WEIJING est journaliste pour le Quotidien commercial du Tibet.

 

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