CHINAHOY

1-July-2014

Wang Tiantian : une autre histoire à raconter

 

 

JON BURRIS*

« Les nouveaux médias ont pénétré la vie de tout le monde. Tout ce qui est numérique influence fortement les jeunes artistes, qui ont pour ainsi dire abandonné le réalisme et les supports traditionnels. »

«étant donné mon pedigree familial, je n'avais d'autre choix que de devenir artiste », me confie Wang Tiantian, debout dans son atelier, entourée par des toiles qui ne présentent que peu de ressemblances avec les travaux de son père, l'artiste Wang Huaiqing.

Le talent coule dans le sang familial – ses grands-parents étaient artistes – mais Wang Tiantian met l'accent sur les différences entre les générations. « 25 ans ont passé depuis le moment où mon père a été diplômé et a commencé à travailler, et le moment où j'ai été diplômée en 1997. Durant cette période, beaucoup de nouveautés sont arrivées en Chine. Je n'ai jamais cherché à éviter l'influence de mon père, j'ai juste une autre histoire à raconter. »

Pour juger à quel point les travaux de Wang Tiantian diffèrent de ceux de son père et de la direction artistique qu'elle a prise ces 15 dernières années, je dois me remémorer notre première rencontre en 1995.

étant conservateur indépendant, j'avais organisé une entrevue avec son père, afin de l'interviewer à propos de peintures appartenant à un collectionneur indépendant que je représentais. Tiantian, sa mère Qinghui et Huaiqing vivaient dans un petit 4 pièces dans le centre de Beijing. Une des pièces était clairement dédiée aux œuvres produites par les trois membres de la famille. Je me rappelle avoir vu des dessins de Tiantian, principalement des études de personnages. Elles étaient de bonne qualité, plutôt traditionnelles, et sensiblement différentes de celles de son père, majoritairement des nus flirtant avec l'abstrait, dans un style caractéristique.

 

To Van Gogh, Série 6, 2006.

 

Tiantian commente que cette différence s'expliquait par les devoirs qu'elle devait rendre à l'Académie centrale des beaux-arts, où les professeurs attendent de leurs élèves qu'ils soient capables de dessiner de manière réaliste, peu importe le genre qu'ils choisiront dans le futur. « J'ai toujours pensé que c'était là l'une des principales différences entre nos systèmes éducatifs, Est contre Ouest. En Occident, les étudiants sont poussés à être ''originaux'', au détriment de l'apprentissage des règles basiques de l'art et de l'expérimentation de techniques différentes. Quiconque a étudié les premières œuvres de Picasso ne peut que reconnaître que c'était un dessinateur extraordinaire. Selon moi, aucun jeune artiste ne devrait pouvoir finir ses études sans avoir eu à étudier les travaux de maîtres dans son genre. »

Tiantian utilise ce qu'elle a étudié dans sa réinterprétation de l'art, des œuvres « Fin de siècle » de peintres comme Van Gogh ou Monet, aux œuvres classiques de la dynastie Song. Alors que nous parlions de ses peintures les plus récentes et notamment d'un grand triptyque, version multimédia, d'un des nénuphars de Monet, je lui ai demandé comment elle en était arrivée à ce thème.

« Lorsque j'ai commencé mes études supérieures, d'abord à Beijing puis à New York, j'avais un grand intérêt pour la littérature, mais j'ai réalisé que j'étais plus douée pour l'art. Il était facile pour moi de faire des dessins ou peintures figuratives. Mais comme je pense que les artistes doivent toujours se remettre en question, j'ai commencé à faire référence à l'histoire de l'art quand j'ai décidé de ce que je voudrais faire dans le futur. Par ailleurs, les nouveaux médias ont pénétré la vie de tout le monde. Tout ce qui est numérique influence fortement les jeunes artistes qui ont pour ainsi dire abandonné le réalisme et les supports traditionnels. On peut dire que ma génération emploie un langage différent par rapport à l'art traditionnel, donc nous y incorporons les éléments que nous connaissons. En regardant l'une de mes dernières peintures issue de la série To Monet, vous pouvez immédiatement identifier Monet. Mais si vous y regardez de plus près, vous verrez que le nénuphar est en fait composé d'un groupe de figures en trois dimensions, un peu dans le style d'un dessin animé. Mais avec ses bords pixélisés, vous pourrez aussi y voir une image projetée sur un écran d'ordinateur. Dans ma série To the Song Master Life Drawing Treasure Birds, j'ai créé plusieurs oiseaux stylisés en utilisant un pinceau classique et j'ai attaché des objets physiques – des feuilles d'or – à la toile. C'est une fusion. Je pense que la fusion est quelque chose de positif, un peu à l'image de la cuisine. Un mélange de cuisine traditionnelle chinoise et de cuisine internationale rend les choses plus intéressantes et nous rappelle que nous pouvons nous lasser d'éléments trop invariables. »

 

*JON BURRIS est photographe et auteur de renom. Il a écrit sept livres à propos de la photographie et de l'art contemporain. Ses propres photographies font partie de collections privées et institutionnelles dans le monde entier.

 

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