CHINAHOY

29-August-2014

Un hôtel sur le toit du monde

 

L'hôtel du toit du monde.

 

ZAN JIFANG*

Un petit hôtel au pied de l'Himalaya a conquis le cœur des voyageurs par son caractère unique.

Alors que le jour commence à décliner, Yang Congbing et ses amis parcourent les derniers kilomètres dans le district de Lhazê, au sud-ouest de la région autonome du Tibet, là où coule la rivière Yarlung Zangbo. Après avoir comparé quelques hôtels, ils en choisissent un sans prétention pour passer la nuit.

« Nous voulons explorer le plateau tibétain dans ce qu'il a de plus authentique, et découvrir la vraie culture et la vraie vie des Tibétains », dit Yang, 38 ans, qui vient de la province orientale de l'Anhui. Il est parti, avec ses camarades d'aventure, de Lhassa, la capitale du Tibet, et compte aller jusqu'à Katmandou, au Népal, en vélo.

« Le décor de style tibétain de ce petit hôtel nous a tout de suite attirés, dit Yang. C'est très différent de ce que l'on trouve dans les hôtels modernes et nous voulions quelque chose d'authentique. »

Les peintures sur les murs autour de la porte de la petite auberge représentent des légendes folkloriques et plongent les visiteurs dans le monde tibétain. Une fois entrés, nous pénétrons dans une petite cour entourée par des chambres d'hôtes sur deux étages. Une boîte colorée en bois se trouve au centre de la cour. Ce récipient, appelé chemar, contenant une mixture composée de beurre et de farine d'orge grillée, est un objet de bon augure pour les Tibétains et est traditionnellement utilisé pendant le Nouvel An tibétain. Le propriétaire invite les visiteurs à s'en approcher et à prier pour le paradis et la terre. Du vin fait avec de l'orge des hauts plateaux est aussi servi aux visiteurs dans de grosses tasses en cuivre, près du chemar. Les visiteurs peuvent alors bénir leurs proches en trempant leurs doigts dans le vin et en lançant des éclaboussures en l'air. Les locaux disent que c'est ainsi que se font les prières traditionnelles lors du Nouvel An tibétain. Cette « cérémonie de bienvenue » donne aux visiteurs une bonne idée de la culture locale.

Plusieurs tables et chaises sont disposées d'un côté de la cour, juste devant la cuisine. Ici, on sert du thé au beurre et du thé au lait sucré tibétains avec des gâteaux et des encas traditionnels. C'est un endroit idéal pour se relaxer, après une longue journée de voyage. On goûte ces spécialités tibétaines authentiques tout en appréciant les chansons et les danses qu'effectuent des résidents locaux. Le propriétaire, un homme accueillant de 54 ans nommé Lodre, joue à l'occasion du dranyan, un instrument à six cordes pincées, pour divertir les visiteurs.

Assis dans la cour en écoutant la musique et en discutant avec d'autres touristes, Yang dit qu'il est heureux d'avoir trouvé un lieu si particulier où dormir. « Peu de gens viennent ici car ils ont peur de la haute altitude, plus de 3 000 m. Je recommanderai clairement cet hôtel à des amis qui, comme moi, rêvent d'aventure au Tibet. »

Esprit d'entreprise

Lodre, qui fut le premier paysan au Tibet à ouvrir une auberge familiale en 1999, nous dit que c'est par le bouche-à-oreille que la plupart des gens entendent parler de son petit hôtel.

L'idée d'ouvrir un hôtel lui est venue grâce à son expérience familiale dans le transport de marchandises et de touristes, une quinzaine d'années auparavant. À force de rencontrer des touristes venant d'ailleurs, Lodre et ses frères se sont rendu compte qu'il y avait une demande en termes d'hébergement à Lhazê. Ils ont donc vendu leur camion pour 100 000 yuans (16 150 dollars) afin d'avoir l'argent d'ouvrir un hôtel. Cette initiative fut énergiquement soutenue par le gouvernement local. L'idée de la fratrie a non seulement été approuvée, mais une subvention de 20 000 yuans (3 230 dollars) leur a aussi été accordée. Une fois les travaux finis, le bâtiment était plus petit qu'il ne l'est aujourd'hui et ils ont décidé de le qualifier d'« gîte rural ».

Ouvrir cet hôtel s'est révélé être un bon choix dès le début. Il a été très bien accueilli par les touristes. « En plus des touristes chinois, nous avons beaucoup de visiteurs étrangers, surtout des Australiens. Les étrangers comptent pour environ 60 % de notre clientèle », dit Lodre.

« Nous proposons de la nourriture tibétaine typique, traitons tout le monde gentiment et faisons tout pour que nos visiteurs soient entourés de vraie culture tibétaine. Tous nos efforts ont été récompensés. Les touristes aiment notre hôtel et il est devenu réputé auprès d'un nombre grandissant de personnes », dit-il.

Lodre mentionne avec fierté qu'il a même été interviewé par la Télévision centrale de Chine (CCTV). Il a aussi été invité à assister à la très populaire émission de gala de la fête du Printemps sur CCTV, un programme en direct qui est diffusé la veille au soir du Nouvel An chinois et qui est regardé par des centaines de millions de téléspectateurs.

Bien que Lodre n'ait reçu que trois ans d'éducation à l'école primaire, il est vu comme quelqu'un de très compétent et savant par les habitants du cru. Il parle le mandarin et même un peu d'anglais, ce qui est très utile lorsque l'on gère un hôtel. Mais c'est peut-être sa nature ouverte et amicale qui l'aide à se faire des amis si facilement parmi ses clients.

« Dans notre préfecture, les gens ont vécu de l'agriculture et de l'élevage génération après génération. Ceux qui avaient un esprit d'entreprise et commercial, comme Lodre, étaient peu nombreux. Le fait d'avoir travaillé dans le secteur des transports a fait que lui et sa famille ont pu quitter les montagnes et ont acquis une expérience dans le monde extérieur », dit Sangye, sous-directeur du bureau du gouvernement du district de Lhazê. « Celui-ci espère que l'hôtel de Lodre marchera bien et qu'il pourra apporter la prospérité à d'autres ».

Les employés de l'hôtel et les serveurs sont tous des locaux. Ils sont encouragés à communiquer avec les clients, en apprenant le mandarin et l'anglais, ce qui leur donne la possibilité d'avoir de petites discussions avec les touristes étrangers. En travaillant ici, les employés ont pu améliorer leurs conditions de vie et acquérir d'importantes compétences en langues qui seront des atouts pour leur futur.

L'hôtel s'est développé aussi rapidement qu'espéré. Il y a quatre ans, le bâtiment a été agrandi. Une arrière-cour avec de nouvelles chambres mieux équipées a été construite. « Nous avons gardé le style tibétain à la demande de nos clients », précise Lodre.

L'hôtel compte aujourd'hui plus de 50 chambres, dont certaines comportant six lits, et d'autres, deux, afin de s'adapter aux différentes demandes. Le tarif le plus bas est seulement de 15 yuans (2,42 dollars) la nuit ; les chambres plus intimes, avec deux lits, sont à 200 yuans (32 dollars). Lodre a remarqué que les cyclistes comme Yang préféraient de grandes chambres avec plusieurs lits, car ces dernières sont meilleur marché et permettent aux groupes de rester ensemble.

Encouragé par le succès de son auberge à Lhazê, Lodre en a ouvert une deuxième il y a huit ans à Xigazê, la deuxième plus grande ville du Tibet. Elle comporte 62 chambres. Il projette maintenant d'ouvrir un nouvel hôtel de trois étages ici dont la capacité sera de 64 chambres. « Nous allons aussi bientôt agrandir notre hôtel de Lhazê qui proposera plus de divertissements et de services à nos clients », indique Lodre.

Un homme aux talents multiples

Lodre est admiré par ses concitoyens qui le voient comme un entrepreneur. Son histoire est presque légendaire pour ses amis : avant de se lancer dans le transport, il était un excellent tisseur de tapis tibétains.

Né dans une famille de paysans, Lodre a appris de ses parents à faire des tapis de laine à l'âge de 13 ans. Son talent s'est fait connaître dans la région quand il avait une quarantaine d'années. Il apprend cet artisanat traditionnel à ses enfants et a également 60 élèves. Il dirige aussi une fabrique de tapis qui compte sept employés.

Même si Lodre est satisfait de sa vie actuelle, il a quand même des regrets. « Je n'ai reçu que très peu d'éducation», admet-il. Ainsi, son souhait le plus cher est que sa plus jeune fille, qui étudie dans un lycée de Xigazê, puisse aller à l'université. « Le savoir est très important et j'espère que mes enfants pourront l'utiliser pour accomplir plus de choses que les gens de ma génération. »

Alors que d'autres clients entrent dans la cour de l'hôtel pour y passer la soirée, Lodre les accueille chaleureusement en jouant du dranyan et en chantant une joyeuse chanson traditionnelle. Cette chanson, explique-t-il à l'audience, décrit la vie des Tibétains.

 

*ZAN JIFANG est journaliste de Beijing Review.

 

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