CHINAHOY

1-December-2015

Le Partenariat transpacifique (TPP) : un « Club Pacifique » à faible croissance

JOHN ROSS*

Pourquoi les États-Unis ont-ils regroupé au sein du TPP des pays dont la croissance est faible et dont le rôle dans le commerce mondial est en train de décliner ?

Le caractère du Partenariat transpacifique (TPP) devient immédiatement clair à la lecture des données économiques fondamentales des 12 potentiels pays signataires de l’accord. Ceux-ci sont dominés par les pays du G7, dont les États-Unis, le Japon, le Canada etc. Avec l’Australie, ils constituent 90 % du PIB des signataires potentiels. Les pays en développement participants, le Mexique, le Chili, le Vietnam et le Pérou, ne représentent que 8 %.

Le tableau 1 montre qu’en 1985 les pays proposés du TPP d’aujourd’hui, représentaient 54 % du PIB mondial alors que ce chiffre est descendu à 36 % en 2014. C’est pour cela que le TPP est en réalité constitué d’économies avancées avec un « soupçon » de pays en développement dont la part dans le PIB mondial a décliné significativement.

Le pourcentage du commerce mondial regroupé par les pays faisant partie du TPP est substantiellement moindre que leur poids combiné dans le PIB mondial. De plus, il est aussi en train de tomber. Il est passé de 33 % du commerce mondiale des marchandises à 25 % en 2014.

Ce fait montre que c’est en fait un groupement de pays à l’économie relativement fermée dans lesquelles le commerce joue un rôle « plus que pas important ». Le TPP est pour cette raison fondamentalement différent de l’OMC qui représente la majorité écrasante du commerce mondial.

Ces tendances contrastent avec le rôle que tient la Chine dans le PIB mondial et dont le commerce a augmenté significativement mais sans que les États-Unis ne l’incluent dans les négociations du TPP. Quelle est donc la raison qui pousse les États-Unis à créer un TPP composé de pays à l’économie relativement fermée et avec un poids déclinant dans le PIB et le commerce mondial ?

La réponse repose dans les tendances de l’économie américaine. Elle domine le TPP pour 62 % de son PIB. Les États-Unis font la promotion d’une mythologie selon laquelle l’économie américaine serait dynamique, alors qu’en réalité, celle-ci a connu un ralentissement évident et son poids dans l’économie mondiale est en train de décliner.

De 1984 à 2014, la part des États-Unis dans le PIB mondial est tombée de 34 % à 23 %, à des taux de change courants. Dans le même temps, la part américaine dans le commerce mondial des marchandises est passée de 15 % à 11 %.

De façon encore plus significative, l’économie américaine a amorcé une décélération depuis un demi-siècle. En se basant sur une moyenne glissante de 20 ans pour éliminer les effets des fluctuations cycliques du business sur le court terme, le tableau 2 montre que la croissance moyenne annuelle du PIB américain est tombée de 4,4 % à la fin des années 1960 à 3,5 % autour des années 2000 et à 2,4 % en 2015. Une analyse détaillée montre que cela avait pris racine dans le pourcentage des investissements fixes dans le PIB américain, mais pour notre démonstration, cela suffit à faire ressortir l’impossibilité de renverser rapidement la vapeur de cette décélération qui dure déjà depuis un demi-siècle.

Étant donné l’impossibilité d’une accélération sur le court terme de la croissance américaine, le seul moyen de maintenir la suprématie économique et géopolitique américaine est donc de ralentir la croissance économique de ses concurrents. Une fois que l’on a compris cela, l’apparente absence de logique dans le fait de regrouper un nombre de d’économies relativement fermées et moyennement rapides dans le TPP devient finalement logique.

Dans son essence, le TPP étend les mécanismes responsables du ralentissement de la croissance américaine à ses compétiteurs. Pour s’assurer de l’efficacité de ce mécanisme, le TPP inscrit dans ses principes que les droits légaux des entreprises privées des économies participantes sont supérieurs à ceux des membres gouvernementaux. C’est pourquoi, celles-ci, et principalement les entreprises américaines, ont le droit de poursuivre les gouvernements en justice dans le cadre du TPP dans des tribunaux qui sont dominés par les États-Unis mais dont les décisions sont contraignantes pour les gouvernements des autres pays. Comme le fameux économiste américain Jeffrey Sachs l’a remarqué dans les dispositions du TPP : « Leur dénominateur commun est l’inscription du pouvoir du capital des groupes au-dessus des parts de la société, y compris celles publiques. Le système proposé par le TPP est une menace pour les systèmes juridiques de tous les pays signataires. »

Certains points du TPP sont étonnants. Par exemple, l’article 14.17 donne de facto la protection légale aux entreprises de programmation informatique, qui sont dans l’écrasante majorité américaines, d’espionner sur les autres États membres : « Aucune partie n’a le droit d’exiger le transfert ou l’accès à un code source de programme appartenant à une autre partie ou une personne comme condition à la vente ou à l’utilisation de ce programme sur son territoire. » Il est également établi que cela ne s’applique pas aux infrastructures capitales, et n’exclut pas les banques, ni les compagnies commerciales, etc.

Les dynamiques du TPP et la réponse exigée par la Chine et d’autres pays à celles-ci découlent de la nature même de l’accord. Comme le TPP inscrit légalement des critères qui ont mené au ralentissement de la croissance américaine, créant des conséquences négatives directes et indirectes pour les Américains, le TPP est devenu un sujet majeur au sein de l’opposition américaine. Les deux candidats tête de pont du parti démocrate, Hillary Clinton et Bernie Sanders, s’opposent au TPP, tout comme le leader populiste du parti républicain Donald Trump. Il reste à voir si les États-Unis vont ratifier le traité ou non.

Deuxièmement, les institutions que le TPP impose aux pays signataires de l’accord et le droit des États-Unis et des entreprises américaines d’outrepasser les gouvernements des pays participants au TPP créeront inévitablement une opposition au sein de ces derniers tout en les bloquant dans une croissance ralentie. Cela poussera forcément les pays participants à chercher à faire du libre-échange et à créer d’autres accords avec des pays non membres du TPP, comme la Chine ou d’autres pays dont l’économie connaît une croissance plus rapide.

Troisièmement, le but stratégique des États-Unis n’est pas d’exclure la Chine du TPP. Cela serait un échec pour la stratégie qui consiste à rendre la Chine sujette aux contraintes du TPP pour ralentir l’économie des pays participants. Si la Chine reste parmi les pays à la croissance économique la plus rapide hors du TPP, cela entraînera inévitablement les autres pays à chercher à faire des accords avec elle. Le but américain est donc de négocier avec la Chine à une date plus tardive.

À supposer que le TPP soit ratifié, l’intérêt de la Chine et des autres pays serait de le laisser marcher sur une certaine période pour montrer clairement que l’accord ne peut pas parvenir à faire augmenter la croissance.

Cela donnera le choix à la Chine, suivant les circonstances, de soit négocier les accords individuellement avec les membres du TPP dans le cadre de sa stratégie de partenariat économique global régional ou bien de négocier une révision plus générale pour enlever les critères les plus dommageables du TPP et lui permettre de participer à un accord plus large, ciblé sur un développement économique plus rapide.

﹡JOHN ROSS est chercheur à l’Institut d’études financières Chongyang relevant de l’université Renmin à Beijing. De 2000 à 2008, il a été responsable de la politique économique et commerciale au sein de l’Administration du maire Ken Livingstone à Londres. Auparavant, il avait encore été conseiller pour plusieurs entreprises internationales opérant dans les secteurs minier, financier et manufacturier.

 

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