CHINAHOY

30-September-2015

Le jardin communautaire de Sanyuanli

 

Les bénévoles du jardin de Sanyuanli. Au centre, en noir, Hélène Bernard, instigatrice du projet.

 

Partons à la rencontre de fondus de jardinage et de nature en pleine ville : les jardiniers et « jardinières » du jardin partagé de Sanyuanli.

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

Samedi matin dans un quartier résidentiel de Beijing. Une dizaine de personnes sont regroupées dans l'arrière-cour d'un immeuble typique des années 80. Sous la façade couverte de vérandas et balcons improvisés, à l'ombre des peupliers, une table a été dressée, des chaises installées. Quelque chose se prépare…

Un jardin partagé

Que se trame-t-il ce samedi matin, à la fraîche, dans une cour d'immeuble ? Et qui sont ces Chinois et ces étrangers qui tiennent conciliabule si tôt ?

Ce sont les jardiniers de Sanyuanli ! Car qui dit « jardinage » dit « lève-tôt ». Aujourd'hui est un grand jour pour eux, car c'est le moment pour la Française qui a mis le projet en place de laisser les Chinois qui se sont investis dans l'aventure avec elle prendre leur envol.

Quelques mètres carrés de verdure, dans cette arrière-cour désaffectée. Chacun sa petite parcelle, sponsorisée par des entreprises françaises et chinoises spécialisées dans la jardinerie : Limagrain, la Florentaise et Shangdao Biological Technology Co., LTD.

Du 18 avril au 15 août, le temps de faire pousser quelques tomates, des concombres, des herbes et d'autres plantes faciles d'entretien pour démarrer, une dizaine de familles chinoises se sont mobilisées pour aider Hélène Bernard et ses acolytes, tous membres de la commission verte de la Jeune chambre économique française (JCEF), à réaliser leur projet d'agriculture urbaine. Le but étant de laisser le jardin à la charge des jardiniers chinois à la fin de la formation pour qu'ils continuent à le rendre fertile et que de plus en plus de monde participent à la récolte.

En mars dernier, une petite dizaine de personnes ont déjà répondu à l'appel. Le printemps arrive, il est temps de démarrer le projet. Une petite réunion pour expliquer comment cela va se passer et c'est parti !

Chaque participant du jardin se voit remettre un kit de jardinier comprenant une jardinière d'un mètre carré, du terreau, de l'engrais, des graines, un arrosoir et des outils de jardinage. Ce sont donc 10 m² qui sont installés. Une formation pour les semis est également organisée.

Puis au cours des mois suivants, une série de formations gratuites portant sur le transplant, l'éclaircissage, les soins journaliers, le jardinage en carrés, le traitement contre les insectes nuisibles, l'agriculture verticale et le compost ont été organisées pour fournir aux novices, ou moins novices, des conseils professionnels en jardinage.

 

Le jardin reste assez sobre : un mètre carré de potager par personne.  (PHOTOS FOURNIES PAR SÉBASTIEN ROUSSILLAT)

 

Se faire des amis et côtoyer la nature

« Au départ, j'ai posé des affiches dans la résidence pour proposer aux gens de participer à ce projet, car ce doit être porté par des résidents et des gens de l'extérieur, puis on a attendu », se remémore Hélène. Le premier à répondre à l'appel, c'est monsieur Wu, retraité, résident et qui aime beaucoup le jardinage et Hélène. « Quand j'ai vu ce projet, j'ai trouvé cela intéressant et surtout j'ai vu la motivation des filles. Je me suis dit que c'était bien et que j'avais envie de les aider. J'aime bien planter des trucs chez moi, alors tout de suite, ça m'a plu. En plus, ça permet d'embellir un peu la résidence et de sensibiliser les gens des villes à la protection de la nature », nous explique M. Wu.

Pour Mme Zhang, c'est le fait que le projet soit porté par de jeunes Françaises qui l'a attiré : « Mon fils faisant ses études au Canada, je sais ce que c'est que de vivre et de mener des projets dans un pays étranger. J'ai été impressionnée par leur volonté. Et puis j'aime bien les plantes, j'ai appris des choses. Toute seule, je ne me serais pas lancée dans un tel projet. Mais là, on a une organisation coopérative, on est formé. Cela m'a aussi permis de prendre conscience des enjeux écologiques. Nos jeunes ont besoin d'avoir une conscience écologique et un esprit d'entreprise. »

Une jeune professeur du jardin d'enfants de la résidence a également pris part au projet : « J'ai décidé de participer pour rencontrer des gens, me faire des amis. J'habite près d'ici, je travaille à côté, mais je ne connaissais pas grand monde. Là, j'ai pu rencontrer M. Wu, Mme Zhang, Hélène et ses amis, ça me plaît. J'ai aussi choisi de prendre part au projet parce que j'aimerais bien qu'on puisse faire un petit jardin dans notre école, pour permettre aux enfants de rentrer en contact avec la nature. En général, les enfants aiment bien jouer avec la terre, gratouiller, planter des petits trucs. ça les amuse, et voir les graines pousser, c'est un peu magique pour eux. »

Dans les villes chinoises, où les espaces verts sont nombreux, mais qui restent tout de même très minérales, ces petits jardins communautaires permettraient d'embellir certaines résidences un peu délabrées dont les espaces verts sont souvent délaissés et sauvagement occupés par des étend-linge bricolés n'importe comment, des monceaux de débris et de vieux meubles, ou des potagers sauvages bien moins esthétiques que ceux mis en place à Sanyuanli.

Beaucoup d'habitants des grandes villes chinoises sont en réalité originaires des campagnes, et la verdure leur manque. Seuls, ils n'osent pas se lancer dans un projet de potager, de peur que l'on ne les en empêche ou que leurs récoltes soient volées par des personnes mal intentionnées. Certains Pékinois, habitués à vivre dans les hutong et les maisons traditionnelles à cour carrée, ont aussi la nostalgie de ces patios agrémentés de plantes et de fleurs.

Le problème de la pollution de l'air dans les grandes villes vient également en partie du fait que certains espaces verts ne sont pas bien entretenus et produisent des poussières avec les bourrasques de vent. Reverdir ces espaces abandonnés permettrait d'éviter ce problème. Un autre argument est que 100 m² de jardin peut absorber 1,8 à 5,8 kg de PM2,5 par an. Enfin, l'argument qui souvent joue le plus, c'est que le jardinage est un bon moyen de lutter contre le stress et possèderait des qualités régénératrices. En résumé, c'est une bonne cure de jouvence.

Un projet qui porte ses fruits

Le 15 août dernier, le projet piloté par Hélène prend fin. Une petite réunion est organisée pour discuter avec les participants de la suite du jardin communautaire. Chaque participant est invité à prendre la parole pour donner ses idées. L'emplacement du jardin n'étant pas idéal pour les plantations (trop à l'ombre, pas d'arrivée d'eau directe), certains proposent de chercher un autre endroit. D'autres participants proposent de continuer à venir pour s'occuper du jardin et organiser des sessions de jardinage le week-end via le groupe de discussion WeChat créé spécialement pour la communauté.

Quant à Hélène, elle doit rédiger un rapport sur le projet pour chercher d'autres endroits où développer ses jardins communautaires. Pour l'heure, le Sanyuanli Kindergarden est intéressé pour créer un petit potager pour les enfants, et une autre résidence à proximité l'a déjà contactée.

La matinée s'est terminée par une collation autour de plats préparés par les participants, dans une ambiance joviale, parce que le jardinage, c'est avant tout de la rigolade, de l'optimisme et surtout la passion des bonnes choses faites avec amour.

 

 

La Chine au présent

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