CHINAHOY

1-December-2015

Internationalisation du RMB : volume et qualité

XIANG ANBO*

La stratégie chinoise de l’internationalisation du RMB est largement entamée, mais elle s’inscrit dans le long terme, explique l’auteur. Un panier de monnaies de réserve plus diversifié ne pourra qu’accroître la stabilité monétaire mondiale.

Depuis le début de la crise financière internationale, le manque de confiance dans le système monétaire international et la panique sur les marchés ont inspiré des voix qui demandent de plus en plus haut une réforme et une refonte du système monétaire international. Pendant ce temps, malgré quelques progrès enregistrés par la Chine dans la régionalisation du RMB, l’emploi de sa monnaie n’est toujours pas conforme à son statut de seconde puissance économique possédant les réserves de change les plus importantes du monde. L’internationalisation du RMB est le moyen incontournable pour que la Chine s’intègre réellement dans l’économie globale et s’adapte aux réalités politiques et économiques actuelles.

Feuille de route vers l’internationalisation du RMB

La leçon que retient le gouvernement chinois de la crise financière de 2008 est qu’il allait se trouver confronté à des risques économiques et à des dilemmes politiques s’il acceptait de rester dépendant du dollar dans ses activités économiques internationales. C’est en partant de ce constat que le gouvernement a officiellement lancé l’internationalisation du RMB, laquelle présente les caractéristiques suivantes : approche en trois étapes, depuis la « périphérisation » à la régionalisation, suivie de l’internationalisation ; un processus de mise en place qui soit compatible à la fois avec l’ouverture aux capitaux et avec un taux de change flexible ; conférer au RMB le statut de monnaie mondiale de règlement, de monnaie mondiale d’investissement et de réserve de change globale. Mais la Chine a choisi de mener ce processus d’internationalisation du RMB à un rythme mesuré, réduisant ainsi les coûts de ce changement de système.

C’est dans les domaines suivants que la Chine a le plus avancé dans sa politique d’internationalisation du RMB : paiements en RMB dans les échanges commerciaux frontaliers ; accords d’échange de monnaie avec les banques centrales d’autres pays et régions ; réformes du système de fixation du taux de change du RMB ; développement du marché du RMB offshore à Hong Kong ; promotion des paiements en RMB sur les marchés étrangers ; enfin, promotion du règlement en RMB pour les investissements directs étrangers. Les progrès déjà accomplis en termes d’échanges courants, d’investissements et d’échanges de capital renforcent la position du RMB en tant que moyen d’échange international. En plus du développement des paiements transfrontaliers en RMB, des centres de RMB offshore ont été mis en place progressivement. Un réseau sur trois niveaux a été formé, grâce auquel le RMB est employé dans les échanges internationaux, les trois niveaux faisant référence au marché national du RMB à Shanghai, au centre de RMB offshore à Hong Kong et à d’autres centres de RMB offshore dans d’autres régions du monde. À l’heure actuelle, le RMB circule dans certains pays limitrophes de la Chine et il est désormais une des monnaies d’échange employées au Vietnam, en Thaïlande et au Pakistan. Plus généralement, le RMB remplit trois fonctions : celle de moyen d’échange, celle d’unité de compte, et enfin celle de monnaie de réserve pour les activités économiques de la Chine avec ou dans les pays voisins. Selon des données fournies par la société SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), le RMB a maintenu au second trimestre 2015 son rang de seconde monnaie la plus employée dans le commerce et la finance, ainsi que celui de cinquième en termes de paiements, de sixième parmi les principales monnaies d’échange international et de sixième monnaie la plus employée pour les prêts interbancaires. Sur le premier semestre 2015, les parts du RMB dans le financement du commerce mondial, les paiements, les échanges internationaux et les prêts interbancaires ont été respectivement de 7,9 %, 2 %, 2,8 %, and 2,7 %. Sa part dans les prêts interbancaires dépasse déjà celle du yen japonais. Cependant, la Chine doit bien se rendre compte que l’internationalisation du RMB se trouve pour l’instant au stade de sa régionalisation.

Améliorer la stabilité du système monétaire international

L’internationalisation du RMB n’a pas seulement sorti la Chine de la situation embarrassante dans laquelle un grand pays en termes d’échanges internationaux s’appuyait sur une monnaie faible et aidait à réduire les risques de change dans son commerce international : elle a aussi permis de promouvoir le développement du commerce international et donc de l’économie mondiale, et elle a permis d’accélérer la globalisation de l’économie mondiale tout en encourageant une amélioration du système monétaire mondial.

La crise financière mondiale de 2008 a causé une série de problèmes, dont une récession mondiale et des déséquilibres économiques, des bulles des prix des actifs et des fluctuations financières, révélant les lacunes du système monétaire international tel que nous le connaissons. Nous sommes désormais face au choix crucial qui consiste à promouvoir un processus de « multipolarisation » du système financier international et à réduire sa dépendance vis à vis du dollar par une concurrence monétaire internationale qui permettra de renforcer la stabilité économique et financière mondiale et de réduire les coûts de transaction. La clé de ce processus de multipolarisation réside dans un plus large choix de monnaies de réserve.

De par son pouvoir économique et l’échelle de l’économie sur laquelle il est adossé, le RMB chinois est pratiquement qualifié pour devenir une monnaie de réserve mondiale. Permettre au RMB de devenir l’une des principales monnaies de réserve, en concurrence avec le dollar et l’euro, conduira à un rééquilibrage mécanique de l’économie mondiale et à l’accélération de son développement. L’internationalisation du RMB bénéficiera à la multipolarisation du système monétaire mondial et remédiera aux défauts actuels de ce système en permettant un développement inclusif de l’économie mondiale. En un mot, promouvoir le progrès de l’internationalisation du RMB apporte des avantages au développement économique de la Chine, à la stabilité du système monétaire mondial, ainsi qu’à la prospérité de l’économie mondiale.

Pour un développement stable

Quelques problèmes restent à résoudre dans le processus d’internationalisation du RMB. Premièrement, plusieurs questions intérieures demeurent : comment établir un marché financier ouvert qui soit efficacement régulé et contrôlé ? Comment améliorer la gestion des entreprises chinoises, et particulièrement des institutions financières, pour les rendre plus compétitives sur la scène mondiale ? Comment améliorer l’indépendance et le professionnalisme des institutions chargées de la politique monétaire ? Comment ajuster le système de la politique financière pour parvenir à un équilibre interne et externe ? Comment faire en sorte que la politique étrangère de la Chine serve mieux son ouverture économique ? Il reste du pain sur la planche, et il faudra s’armer de patience avant de voir émerger une réforme systématique. Sur le plan des facteurs externes, la réaction des principaux pays du système monétaire actuel, comme les États-Unis et le Japon, aura un impact extrêmement important sur le processus d’internationalisation du RMB.

Deuxièmement, le processus d’internationalisation d’une monnaie est avant tout le fait des forces du marché. En termes de demande, la Chine a pratiquement réalisé les conditions d’internationalisation de sa monnaie ; cependant c’est en termes d’approvisionnement du marché qu’il reste à la Chine quelques étapes à franchir. Le RMB n’est pas encore totalement convertible et le développement et l’ouverture du marché financier chinois doivent encore être améliorés.

Troisièmement, en dépit de l’échelle de l’économie chinoise, qui est suffisante pour faire du RMB une monnaie mondiale, la Chine n’est pas encore une puissance économique et financière, et il lui reste un long chemin à parcourir pour ajuster sa structure économique et transformer son modèle de développement, mais aussi pour augmenter son influence internationale dans les domaines culturel, politique et militaire. Cela alors que l’inertie de la structure monétaire actuelle allonge le processus d’internationalisation d’une monnaie et rend impossible sa réussite en une étape unique. L’internationalisation d’autres monnaies montre bien combien l’internationalisation du RMB sera un processus de longue haleine.

C’est pourquoi, dans le contexte d’une économie mondiale en mutation et un environnement monétaire et financier international instable, l’internationalisation du RMB adopte une stratégie graduelle de création de la demande, prudemment dans une première phase, pour fournir un volume monétaire plus large dans une étape ultérieure. Un autre élément pratique de cette politique sera de construire l’image du RMB en tant que monnaie crédible pouvant être employée facilement pour l’évaluation et le paiement entre acteurs du commerce international. La Chine prévoit de poursuivre sa politique favorisant l’emploi du RMB dans le commerce international.

Si l’on examine l’avenir, on constate que l’environnement international en général est plutôt favorable à une internationalisation du RMB. La mise en pratique de stratégies nationales telles que la Nouvelle Route de la Soie va stimuler la demande et créer des opportunités d’investissement et de financement, entraînant à leur tour des conditions de marché favorables à l’internationalisation du RMB. Des institutions financières comme la Banque de développement des BRICS, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), le Fonds de la Route de la Soie, établis à l’initiative de la Chine, jouent eux aussi un rôle actif pour promouvoir l’internationalisation du RMB. La zone de libre-échange pilote de Chine établie à Shanghai et qui a servi de terrain expérimental à diverses réformes financières a, elle aussi, apporté sa contribution à l’internationalisation du RMB. Il est donc facile de prévoir que l’internationalisation du RMB va poursuivre son développement, tant en volume qu’en qualité.

*XIANG ANBO est chercheur associé au sein de l’Institut de recherches sur les entreprises dépendant du Centre de recherches sur le développement du Conseil des affaires d’État.

 

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