CHINAHOY

30-September-2015

Carbonisons les émissions de CO2 !

 

Yan Luhui au Marathon de Beijing 2013.

GONG HAN, membre de la rédaction

« Émissions de CO2 » : voilà un terme à la fois familier et inconnu pour la plupart de Chinois.

Pourtant un logiciel appelé « Calculateur d'émissions de CO2 » permet au consommateur chinois de savoir que son repas, s'il comprend 200 grammes de bœuf, 400 grammes de riz et 100 grammes de brocoli équivaut à 6,68 kg d'émissions de CO2. L'App lui apprend aussi qu'il peut « neutraliser » ce taux en plantant 0,07 arbre.

C'est Yan Luhui qui a mis au point ce logiciel. Sa société a créé la première plate-forme chinoise de bilan carbone, à l'intention des entreprises. La société possède actuellement une centaine de clients chinois et étrangers.

Comme beaucoup de jeunes entre vingt et trente ans, Yan ne savait pas vraiment ce qu'il voulait faire. Il a donc abandonné son travail monotone de petit employé de banque et est allé se perfectionner à l'université d'Oxford. Sorti de l'école, il s'est trouvé un métier entièrement nouveau pour lui : « mesureur d'émissions de CO2 ». C'est ainsi qu'il est devenu l'initiateur et le témoin de la naissance de cette nouvelle tendance en Chine.

Un marché porteur, mais encore jeune

Quand la Conférence sur le changement climatique a eu lieu à Copenhague en 2009, Yan Luhui était en Grande-Bretagne. Il travaillait dans l'entreprise Best Foot Forward, une des premières société de conseil en matière d'empreinte carbone. Elle fournit des produits et des services aux entreprises et aux organismes gouvernementaux. C'est ainsi que Yan Luhui, ancien ingénieur en technologies informatiques, a commencé à travailler dans le domaine de l'empreinte carbone.

Lors de la Conférence de Copenhague, le premier ministre chinois d'alors, Wen Jiabao a promis au monde entier qu'en 2020, les émissions de CO2 par unité de PIB en Chine seraient réduites de 40 à 45 % par rapport à 2005. Cet engagement a poussé Yan Luhui à revenir en Chine créer son entreprise.

« C'était la première fois que la Chine faisait des promesses sur les réductions des émissions. Je me suis dit que ce serait un objectif à atteindre obligatoirement. » Selon lui, les entreprises sont le maillon essentiel d'une économie bas carbone. La réduction des émissions de CO2 consiste principalement à pousser les entreprises à contrôler, gérer et révéler leur empreinte carbone. Une économie bas carbone ne sera possible que si nous avons de parfaites connaissances de l'origine des émissions, si nous mettons en place un système de gestion raisonnée totalement ouvert et transparent. Alors seulement, l'objectif de réduction des émissions de CO2 que la Chine s'est engagée à atteindre lors de la conférence de Copenhague pourra être rempli.

« C'est à ce moment-là que j'ai trouvé la direction vers laquelle je voulais me projeter », nous raconte-t-il.

En 2011, il est revenu en Chine et a créé la société Tan Zu Ji signifiant « Barrer la route aux émissions de CO2 ». C'est la première société chinoise spécialisée dans la mise au point de logiciels de gestion de l'empreinte carbone.

« Empreinte carbone, késako ? Prenons pour exemple l'empreinte carbone d'un ordinateur : ce sont toutes les émissions de CO2 produites : depuis la matière première utilisée, la fabrication de l'ordinateur, son transport, son utilisation et son recyclage », nous explique Yan Luhui.

Fin 2011, lui et son équipe mettent au point le premier logiciel chinois de mesure des émissions de carbone (Carbon Accounting and Management Platform). À la différence de la méthode traditionnelle du calcul sur Excel, cette plate-forme permet aux entreprises de donner une analyse quantitative, de gérer et de fournir des données sur les émissions de CO2. Le logiciel est donc plus performant et normalisé. C'était l'unique représentant de la Chine au concours des applications sur le changement climatique, organisé par la Banque mondiale.

Mais Yan Luhui restait perplexe devant ce marché en Chine : « Bas carbone, écologie et protection de l'environnement étaient effectivement devenus des termes populaires en Chine. Un réel marché était né pour cette nouvelle vogue. Beijing, Shanghai, Tianjin, Chongqing, le Hubei, le Guangdong et Shenzhen avaient même entrepris des essais de bourses du carbone avec l'approbation de la Commission nationale du développement et de la réforme, Pourtant, les entreprises n'avaient aucun intérêt pour la régulation des émissions de CO2, car elles ne connaissaient rien sur le sujet. »

Objectif pour les entreprises chinoises : réduction des émissions

Une entreprise de Qingdao, dans la province du Shandong, a contacté Yan Luhui. Elle importe du saumon d'Alaska, qu'elle revend à la chaîne Wal-Mart après conditionnement. En 2010, le géant de la chaîne internationale de magasins a déclaré qu'il établirait une liste de fournisseurs « verts » et promis de réduire son empreinte carbone de 20 millions de tonnes d'ici fin 2015. Il a demandé à ses fournisseurs de lui communiquer annuellement leur bilan carbone. Cette entreprise de Qingdao n'a obtenu que 46 points sur 100 au questionnaire distribué par Wal-Mart. On lui a demandé de réduire ses émissions, sous peine de perdre le marché.

Contrairement aux petites et moyennes entreprises, les grandes entreprises chinoises tels Lenovo ou encore Huawei, doivent gérer leurs émissions de carbone, car cette exigence émane en partie des investisseurs étrangers, mais aussi de la nécessité de rehausser l'image de la marque et de s'acquitter de leur responsabilité sociale. Réduire et fournir des données transparentes sur les émissions de CO2 est un moyen efficace de gagner la confiance des investisseurs et des consommateurs.

La pression vient aussi du marché domestique. Dans sept villes et provinces expérimentales, deux milliers d'entreprises sont obligées de se lancer sur le marché du carbone.

En août 2015, la Commission nationale du développement et de la réforme a affirmé comme tâche principale l'accélération de l'établissement d'un marché national du carbone, la mise en œuvre du rapport général sur la macro-stratégie du développement bas carbone en Chine ainsi que l'élaboration d'une feuille de route à long terme. On prévoit que le marché national du carbone démarrera en 2016.

Le 30 juin, la Chine a remis au secrétariat de la Convention-cadre de l'ONU sur le changement climatique le document de ses contributions autonomes face au changement climatique. D'après ce rapport, les émissions de CO2 devraient atteindre les normes imposées en 2030, voire avant. Les émissions par unité du PIB seront réduites de 60 à 65 %. De l'avis des experts, pour atteindre cet objectif, la Chine devra investir 41 000 milliards de yuans.

« Tout le monde peut constater que la Chine consacre beaucoup de forces financières et humaines pour économiser l'énergie et protéger l'environnement, déclare Yan Luhui. C'est une opportunité pour nous. J'ai de la chance, car j'ai choisi cette voie-là. Si l'on n'est pas capable de s'adapter au mouvement, alors tous les efforts sont vains. »

Une vie sans émission de CO2 est-elle possible ?

Le 27 juin, une cérémonie de mariage a lieu dans un siheyuan (maison à cour carrée de Beijing). Un jeune Pékinois épouse une Finlandaise. Les nouveaux mariés ont choisi de ne pas distribuer des faire-part. C'est par voie électronique qu'ils ont envoyé leurs invitations.

Ils ont affrété un autocar pour les invités pour limiter le nombre de véhicules. Ils n'ont ni distribué de cigarettes ni fait péter de pétards. Ils n'ont pas non plus acheté de costume ou de robe de mariée pour l'occasion. Ils ont choisi de porter un simple trois pièces et une qipao (robe chinoise fendue jusqu'en haut de la cuisse) .

D'après les calculs de la société Tan Zu Ji, la cérémonie de mariage a produit au total 10 tonnes de CO2, dont neuf dues à l'autocar et à l'avion transportant les parents de la nouvelle mariée en Chine. Le nouveau couple a fait un don de 1 270 yuans au Fonds carbone vert de Chine, pour planter des sapins dans la banlieue de Beijing à Yanqing et compenser ainsi les émissions générées par leur cérémonie de mariage. D'ici vingt ans, ces plantes pourront neutraliser les 10 tonnes de carbone émises.

En juin 2014, Tan Zu Ji et le Programme des Nations unies pour l'environnement ont copublié Guide d'action pour des conférences vertes. Selon Yan Luhui, une conférence « verte » doit d'abord se tenir dans un lieu proche des arrêts des transports en commun, publier ses rejets de CO2 et procéder aux inscriptions de manière électronique.

Ensuite, le transport, l'hébergement, la consommation énergétique des salles et le recyclage des déchets doivent être conçus de telle manière que tout gaspillage soit évité. Par exemple, l'organisateur doit éviter tout gaspillage d'eau et de bouteilles plastiques, utiliser des cahiers en papier recyclé, des projecteurs et des lampes à économie d'énergie, etc. Enfin, en se basant sur les données relatives aux itinéraires de vol et aux hébergements, on peut calculer les émissions de CO2 totales de la conférence et de ses participants. En encourageant les dons au Fond carbone vert, on pourra neutraliser les émissions de CO2.

Dans la vie quotidienne, Yan Luhui est un amateur de marathon. Il va au travail à bicyclette et aime calculer ses émissions de CO2. Mais, il dit en riant qu'il n'est pas non plus un franciscain. Une vie à basse consommation de CO2 ne signifie pas une vie moins confortable. Tout le monde peut réduire ses émissions dans la mesure du possible. Il ne faut pas non plus mettre trop de pression au public, sinon les gens ne suivront pas le mouvement.

 

 

Source: Xinhua

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