CHINAHOY

30-October-2015

Le permis de conduire à la chinoise

 

L'examen de pratique sur le circuit de formation. (WEI YAO)

 

Il y a quelques mois, j'ai obtenu mon permis de conduire chinois. Et croyez-moi, je ne l'ai pas trouvé dans une pochette-surprise !

HU YUE, membre de la rédaction

Malgré la congestion du trafic dans les grandes villes, les Chinois qui en ont les moyens préfèrent prendre leur voiture particulière plutôt que les transports en commun.

Il y a 20 ans, être conducteur était un métier en Chine et avoir un permis de conduire était un sésame qui suffisait à nourrir sa famille. De nos jours, avoir un permis de conduire est devenu courant. En 2012, le nombre d'automobiles en Chine a dépassé les 154 millions, et le nombre de permis 246 millions.

L'école de conduite à la chinoise

Ici, pour passer le permis, il faut aussi aller dans une école de conduite et passer une série d'examens : une épreuve écrite du code de la route, une épreuve écrite de la sécurité routière, un test de pratique sur un terrain de formation, et un examen sur route. Ces examens ne sont pas aussi faciles que ce que l'on s'imagine, et près de la moitié des étudiants ne l'obtiennent qu'au rattrapage.

Selon l'article 20 des Règles de la circulation et de la sécurité routière de Chine, l'apprentissage de la conduite doit se faire sur les routes et aux heures autorisées par le département de la gestion de trafic (équivalent de la police), dans un véhicule de conduite standardisé, accompagné d'un formateur. Il est de même stipulé qu'il est interdit de conduire le véhicule d'entraînement avec une autre personne que le formateur. Pas de conduite accompagnée donc. La façon la plus simple pour apprendre à rouler, c'est de passer par une école, avoir un formateur et une voiture de formation. En gros, s'inscrire dans une école de conduite.

Par rapport aux auto-écoles à l'étranger, les centres de formation chinois sont plus organisés comme de vraies écoles. On peut prendre une navette pour y aller, on y trouve un bâtiment d'administration, une cantine, une supérette en plus des circuits d'entraînement et du circuit pour l'examen de pratique. Les voitures pour s'entraîner et passer le permis sont standardisées.

Selon les Règles du trafic en Chine, avant de participer aux examens, il faut prendre plus de 80 heures de cours de conduite pour être apte à conduire un véhicule de première classe. Selon le niveau économique des régions chinoises, les frais à payer sont aussi différents. Par exemple à Beijing, comptez 4 000 à 5 000 yuans. Alors que dans les villes moyennes de l'Ouest de la Chine, 2 000 yuans suffiront. À Shanghai par contre, les cours de conduite coûtent jusqu'à 10 000 yuans.

Dfss (école de conduite de l'Est) est la plus grande école de conduite de Beijing. Environ deux tiers des nouveaux conducteurs pékinois passent par cette école. En mai 2015, elle a célébré son 20e anniversitaire. Yan Zihong, y travaille comme formateur. C'est notamment lui qui s'occupe de familiariser les novices avec les voitures. Il travaille 12 heures par jour et se repose seulement une fois tous les deux jours. Dans cette auto-école, plus de 2 000 formateurs comme Yan Zihong s'activent quotidiennement, mais le nombre d'apprentis dépasse largement celui des formateurs disponibles. 

 

Le formateur explique à une apprentie comment faire un créneau. (WEI YAO)

 

Conduire, c'est à la mode !

Selon les statistiques du département de la gestion de trafic de Chine, ces cinq dernières années, le nombre de nouveaux conducteurs augmente de 20 millions par an, soit l'équivalent de la population d'un pays comme l'Australie. La Chine s'urbanise et de plus en plus de Chinois considèrent que pouvoir conduire fait partie d'une certaine qualité de vie quand on est à la ville. C'est pour cette raison que de plus en plus de jeunes prennent des leçons de conduite pour passer le permis. Beaucoup d'étudiants le passent pendant les vacances d'été ou d'hiver. Les écoles de conduite ont consience de l'importance de ce marché et font des réductions aux étudiants.

D'après Yan Zihong, c'est pendant la période estivale que les auto-écoles sont le plus occupées. Sur le terrain de 550 000 m² de l'école, les moteurs de plus de 2 000 voitures tournent sous le soleil sans s'arrêter. Chaque jeune espère obtenir le permis de conduire le plus tôt possible

Mais à Beijing, ce ne sont pas tous les nouveaux conducteurs qui peuvent immédiatement avoir leur propre voiture. Dans la capitale, plus de 5 millions de véhicules roulent déjà, les embouteillages sont légion. C'est en tirant au sort parmi les nouveaux conducteurs que la mairie distribue les nouvelles plaques d'immatriculation. Hormis Beijing, d'autres grandes villes comme Tianjin, Guangzhou et Hangzhou pratiquent aussi cette politique pour contrôler l'augmentation du nombre de voitures. À Shanghai, les plaques d'immatriculation sont vendues aux enchères.

Yan Zihong se rend bien compte de cette nouvelle mode d'apprendre à conduire. Il explique que depuis une dizaine d'années qu'il travaille comme formateur, les auto-écoles ont bien changé. Au début, les écoles de conduite n'étaient pas très grandes, la plupart ne disposaient que d'une ou une dizaine de voitures, le terrain d'entraînement était grand comme un terrain de football. À cette époque-là, la corruption s'immisçait partout dans le cursus : code, entraînement, examen, elles étaient mal supervisées. Les écoles de conduite ne possédaient pas une bonne réputation, et les nouveaux conducteurs étaient de vrais dangers publics.

Aujourd'hui, à Beijing et Shanghai, la situation a complètement changé. Par exemple dans l'auto-école où Yan Zihong travaille si un apprenti se plaint d'incivilités ou d'injures de la part de l'instructeur, d'actes de corruption, le formateur peut être soit puni d'une amende soit renvoyé, suivant la gravité de l'acte. Pour l'examen du permis, il existe également des règles pour superviser les examinateurs et les candidats.

De fait, l'évolution des auto-écoles est un peu une miniature du changement de la société chinoise ces vingt dernières années. L'état de droit s'installe peu à peu dans tous les domaines de la société.

 

Les voitures de l'école de conduite. (WEI YAO)

 

« Tu as passé ton permis en Corée du Sud ou quoi ? »

Un phénomène nouveau est apparu en Chine depuis quelques années, c'est aller passer son permis de conduire en Corée du Sud. D'après des statistiques récentes, depuis trois ans environ 70 000 Chinois ont obtenu leur permis là-bas. Et ce chiffre augmente rapidement. Apprendre à conduire en Corée du Sud prend moins de temps et coûte moins cher. L'examen est aussi plus facile. Le faire transformer en permis chinois ne demande qu'une simple formalité.

Il faut seulement 13 heures de cours de conduite en Corée du Sud, et les frais sont inférieurs de moitié. Il est donc possible d'obtenir son permis de conduire pendant un voyage en Corée du Sud et on peut passer directement l'examen de conduite sans prendre de cours.

De plus, depuis 2013, la Chine a lancé une série de politiques pour augmenter la difficulté de l'examen du permis de conduire, donc les gens pensent que c'est plus facile de le passer en Corée du sud.

Tout le monde ne considère pas que passer le permis de conduire par-dessus la jambe en Corée du Sud est normal. La conduite n'est pas un jeu, c'est une chose sérieuse et cela ne doit pas être pris à la légère.

C'est pour cela que la police de la route chinoise a commencé à réfléchir à ce problème et depuis juillet 2015, il n'est plus possible de transformer un permis coréen à Shanghai.

Toutefois, cette politique ne concerne pas les étrangers qui souhaiteraient conduire en Chine. En effet, les étrangers titulaires d'un permis de conduire étranger peuvent repasser l'épreuve écrite du code de la route chinois et obtenir un permis de conduire de Chine dans le département local de la police de la route après quelques formalités.

Selon la politique de la réciprocité diplomatique, les employés des ambassades étrangères et les organisations internationales en Chine ont le privilège de formalités simplifiées pour pouvoir conduire sur le territoire chinois. Il convient de noter que les Belges, eux, n'ont pas besoin de repasser le code pour conduire en Chine. Et ce n'est pas une blague.

 

 

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