CHINAHOY

8-January-2016

Une vie entre deux villes

 

Guo Xinyu fait l'aller-retour Tianjin-Beijing plusieurs fois par semaine.

 

HU YUE, membre de la rédaction

Le 20 novembre 2015, vendredi, à la gare du Sud de Beijing, Guo Xinyu regarde le tableau d'arrivée des trains, il cherche le train intercité Beijing-Tianjin de 18 :00, inquiet de savoir si le train de lundi serait bloqué par la neige prévue pour le week-end.

Guo Xinyu, 41 ans, habite à Tianjin et travaillait auparavant à Tianjin dans une succursale du groupe chinois Huaneng. En 2011, il a été muté à Beijing au poste de directeur de service au siège du groupe. Mais comme ses parents et sa fille habitent à Tianjin, il a décidé de ne pas déménager et a commencé une vie d'allers retours entre les deux villes. Le TGV intercité Beijing-Tianjin fait aujourd'hui partie de sa vie quotidienne.

Tianjin est à 100 km de Beijing, à 30 minutes en TGV intercité avec des départs toutes les dix minutes. Un billet de classe économique coûte 54,5 yuans, c'est à dire plus de 100 yuans pour un aller-retour. Mais pour Guo Xinyu, c'est toujours moins cher qu'un loyer à Beijing.

Un rayon de mobilité élargi

« Sauf quand je suis envoyé en mission en province, je fais en général quatre à cinq allers-retours Beijing-Tianjin dans la semaine. Je ne reste dormir qu'un soir à Beijing. Ma fille est en quatrième année d'école primaire, elle est encore dépendante de moi pour la vie quotidienne et pour les études. Je veux profiter de cette période où les enfants dépendent encore de leurs parents, je n'ai pas envie de gâcher ça. » Guo Xinyu a choisi de rester proche de sa famille en ne déménageant pas dans la capitale, en contrepartie, il doit payer ses trajets.

Wang Xueying travaille dans l'arrondissement Chaoyang à Beijing, et louait un appartemant à Tongzhou (périphérie sud-est). Après discussion avec ses parents, elle a décidé de retourner habiter chez ses parents à Tianjin. Elle nous explique : « Le trafic à Beijing est infernal, j'étais obligée de prendre le bus bondé tous les jours, c'est vraiment dur. » En plus, comme elle est célibataire, c'était dur pour elle de vivre seule et de s'occuper toute seule du ménage. Maintenant, Wang Xueying prend le métro et le TGV intercité Beijing-Tianjin pour rentrer chez ses parents, son père va la chercher à la gare. Il ne lui faut qu'une heure entre son départ de Beijing et son arrivée à son domicile à Tianjin. Et elle voit ses parents tous les jours. « Pour moi, Beijing et Tianjin sont devenues un ensemble grâce au TGV intercité. Les gens qui habitent dans la banlieue de Beijing passent plus de temps que moi dans les transports en commun à cause des bouchons. Les gens pensent je ne suis pas indépendante. Je ne sais pas encore combien de temps je vais continuer à vivre comme ça », ajoute-t-elle.

Aujourd'hui, la Chine possède un réseau ferré grande vitesse très développé. Cela élargit le rayon de mobilité des personnes et raccourcit la distance entre les villes. La connexion entre la gare du Sud de Beijing et le métro est très pratique. Lorsque l'on arrive de Tianjin à la gare du Sud, on peut prendre la ligne 4 ou 14 du métro, et à la gare de Tianjin, la ligne 3 ou 9 du métro. Cela permet non seulement d'économiser du temps, mais aussi d'éviter les aléas des intempéries.

 

La gare du Sud à Beijing.

 

Quand le TGV intercité n'existait pas

Le TGV intercité Beijing-Tianjin, première ligne à grande vitesse de Chine, d'une longueur de 115 km, a été mis en service pour les JO de Beijing 2008. Après un mois d'exploitation, afin de promouvoir l'intégration économique Beijing-Tianjin, la ligne a été étendue à l'arrondissement Binhai où se situe le port de Tianjin.

Par la suite, la Chine a développé les lignes à grande vitesse suivant la politique « quatre verticales et quatre horizontales » (soit Nord-Sud et Est-Ouest). De plus en plus de jeunes chinois ont choisi de vivre entre deux villes.

Guo Xinyu se rappelle quand il n'y avait pas encore le TGV intercité : « Avant, j'allais souvent à Beijing pour participer aux réunions de l'entreprise. En 2007, je prenais le train rouge pour faire le trajet en une heure et quart, alors que le vieux train vert sans climatisation mettait 3 heures. »

Beaucoup de gens ont les mêmes souvenirs que Guo Xinyu. Zhang Limin, 60 ans, habite aujourd'hui à Beijing pour s'occuper de ses petits-enfants. En 2001, la fille de Mme Zhang rentre dans une université à Beijing, après ses études, elle a trouvé un emploi dans la capitale et établi une famille là-bas. Avant la mise en service du TGV, Zhang Limin et sa fille prenaient l'autoroute pour aller et venir entre les deux villes. « à cette époque-là, c'était vraiment compliqué de prendre le train. On n'avait pas beaucoup de choix, parce qu'il y a seulement le train de Beijing-Tumen qui s'arrêtait à la gare de Tanggu. Non seulement c'était long, mais il faisait horriblement chaud dans les wagons. Quand on prenait la voiture, j'étais aussi inquiète à cause de l'autoroute », nous raconte Zhang Limin.

Celle-ci prend le train intercité le vendredi après-midi chaque semaine pour rentrer à Tianjin et passer le weekend avec son mari. Le dimanche après-midi, elle prend le train pour retourner à Beijing. Elle plaisante en disant : « Mon mari et moi on vit comme les jeunes ! »

Le train intercité dans la région de Shanghai et du Zhejiang a aussi fait changer les habitudes des gens. Le 25 novembre 2015, le premier ministre chinois Li Keqiang, a invité les dirigeants participant au 4e sommet entre la Chine et les pays du Centre et de l'Est de l'Europe à Suzhou, à prendre le TGV chinois de Suzhou à Shanghai. Ils ont pu se rendre compte de la vitesse à laquelle va la Chine, 100 km en 20 minutes.

TGV-man

Depuis quatre ans qu'il prend le TGV intercité, Guo Xinyu n'a connu que deux incidents : un retard et une panne d'équipement. Il trouve le TGV chinois très performant. Alors, quand il part en mission, il préfère le TGV à l'avion si le voyage dure moins de cinq heures.

En 2012, le China Railway Construction Group (CRCG) a lancé la carte Yintong, une carte de transport prépayée pour rendre la vie pratique aux passagers. « J'ai lu un rapport, maintenant, il y a plus de 70 000 personnes qui utilisent la carte Yintong, et le nombre des gens qui, comme moi, prennent le TGV plus de 165 fois par an est passé à 50 000. »

Avant l'apparition de la carte Yintong, il y avait une autre sorte de carte de recharge, mais celle-ci avait un problème : elle n'attribuait pas de place dans le train. Les gens s'asseyaient donc aléatoirement dans le wagon, entraînant des disputes entre les passagers. Pour résoudre ce problème, le CRCG a privilégié les machines à imprimer les billets, plus efficaces et plus pratiques. Guo Xinyu nous explique : « Mais il y a toujours un problème : la carte n'est pas remboursable. Il ne faut surtout pas la perdre sinon on ne peut pas récupérer ses crédits. Ça m'est arrivé une fois, je m'en suis mordu les doigts... »

Guo Xinyu a fait aussi pas mal de rencontres lors de ses trajets Beijing-Tianjin. « Quand on prend le train souvent, on reconnaît des habitués. On a du temps pour échanger pendant le voyage. Je connaissais des gens qui allaient régulièrement à Beijing pour acheter des vêtements en gros. Maintenant que le marché aux vêtements s'est délocalisé à Tianjin, on a de moins en moins l'occasion de se rencontrer. »

Les villes chinoises tendent à rendre la vie de leurs habitants plus pratiques et le TGV intercité Beijing-Tianjin est un bon exemple de ce qui est en train de changer en Chine, tant dans la conception de l'urbanisme que dans la vie quotidienne des Chinois.

 

 

La Chine au présent

Liens