CHINAHOY

1-December-2015

Protection du patrimoine et développement du tourisme : la symbiose

FU ZHIBIN et VERENA MENZEL, membres de la rédaction

La politique de réforme et d’ouverture lancée en 1978 a inauguré une nouvelle ère en Chine : celle du décollage économique. Pendant longtemps, ce sont les régions côtières du sud-est qui en ont le plus profité. Aujourd’hui, c’est le tour de l’hinterland et de l’Ouest qui commencent à bénéficier des résultats du développement. L’initiative du renouveau des routes de la Soie terrestre et maritime, avancée en 2013 par le gouvernement chinois sous l’intitulé « une Ceinture et une Route », offre de nouvelles opportunités aux régions du centre et de l’Ouest. Très vastes, riches en ressources culturelles et touristiques, elles misent sur cette stratégie pour accélérer leur développement.

Cette stratégie de développement vise la renaissance de la Route de la Soie et veut rendre son éclat à cette ancienne route marchande. Zhangye entend bien bénéficier d’un plus grand nombre de visiteurs attirés par la lumière de ses richesses culturelles ancestrales. Raison de plus de déployer des efforts redoublés pour protéger son patrimoine culturel.

À la découverte des trésors culturels et historiques

Si Zhangye est une corne d’abondance riche en trésors culturels et historiques, elle n’est pas très connue parmi les vistieurs étrangers. Le temple du Bouddha géant, dans le sud-ouest de la ville, classé site culturel et historique du patrimoine national en 1986, est l’un des plus impressionnants. C’est un représentant remarquable de l’ancienne architecture monastique locale. Ce temple à la riche collection reçoit des dizaines de milliers de visiteurs chaque année.

Cet ancien édifice date de l’an 1098, et c’est l’unique temple impérial qui nous reste de la dynastie des Xia de l’Ouest (1038-1277). Son bâtiment principal est réalisé en bois, et la salle du Bouddha géant, parfaitement conservée, contient la fameuse statue de Sakyamuni en terre sur ossature de bois, la plus grande statue intérieure d’Asie. Sa longueur est de 34,5 mètres pour 7,5 mètres de large aux épaules. L’expression du bouddha semble se modifier selon la position de l’observateur. Lorsqu’on lui fait face, ses yeux semblent mi-clos et il affiche un sourire imperceptible. Lorsqu’on se positionne près de ses pieds, il semble endormi. Derrière Sakyamuni on voit ses dix disciples qui l’accompagnent, suivis de 18 arhats.

Les murs intérieurs de la salle sont couverts de fresques relatant des passages du roman Le Pèlerinage vers l’Ouest et du Classique des montagnes et des mers. Un dépôt de soutras bouddhistes situé derrière la salle abrite plus de 6 800 volumes de soutras, collectionnés depuis les Tang (618-907) et les Song (960-1279). Parmi eux, le plus précieux est le Tripitaka écrit en poudre d’or et d’argent, offert au temple par l’empereur Yingzong (1427-1464) de la dynastie Ming (1368-1644).

Le district de Gaotai dans le nord de Zhangye est une autre perle culturelle. On y trouve les ruines de l’ancienne Cité des chameaux, un centre d’échange et de commerce sur la Route de la Soie, capitale de la dynastie des Liang du Nord (397-439) établie par les Huns. Seuls des fragments de son mur de terre restent visibles, mais la cité reste la capitale la mieux préservée de l’époque. Elle est sous la protection de l’État depuis 1996.

Les magnifiques pièces exposées dans le musée historique et culturel de Gaotai ramènent les visiteurs dans les temps anciens. On peut y admirer des briques peintes exhumées en 1999 des tombes locales datant des Han de l’Est (25-220) jusqu’aux Tang. Les motifs noirs, rouge clair et bruns qu’elles présentent, retracent les événements de la vie quotidienne, le travail, les coutumes, les jeux et les loisirs, mais aussi les vêtements et les mets de l’époque. Ils sont d’une valeur historique inestimable pour les informations qu’ils recèlent sur cette période.

Symbiose touristico- environnementale

Lonely Planet ne consacre à Zhangye que deux brefs paragraphes. Dunhuang, qui se trouve également dans le corridor du Hexi à 600 kilomètres de là, a le droit à une description détaillée. Cette ville est célèbre pour ses grottes, en particulier celles de Mogao, inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui reçoivent des centaines de milliers de visiteurs chaque année. En dépit de ses merveilles, Zhangye reçoit beaucoup moins de visiteurs.

Vous pouvez vous rendre au parc national de 4 000 ha de zones humides près de la rivière Heihe dans le nord de Zhangye : une mosaïque de marais, de lacs et de petits cours d’eau. À 15 km plus au sud, se trouve une étendue de dunes de sable, extension du désert de Gobi où l’on aperçoit des monts enneigés à l’horizon. Les forêts denses et les ruisseaux au mont Yanzhi dans le district de Shandan sont un autre paradis pour les randonneurs. Enfin dans l’est on peut visiter le parc géologique national de Danxia avec son relief multicolore très particulier.

Zhangye est le seul endroit de Chine où vivent les Yugurs. La partie centrale du corridor du Hexi, commencement des prairies fertiles du sud et les montagnes Qilian sont l’habitat traditionnel de ce groupe ethnique. Ici, la population comprend des représentants de 38 des 56 ethnies que compte la Chine, les plus nombreuses étant les Yugurs, les Mongols, et les Tibétains. Une diversité qui n’a pas empêché la paix et l’harmonie depuis des générations.

M. Huang espère que l’initiative « une Ceinture et une Route » permettra de promouvoir le secteur touristique de Zhangye, si riche en ressources naturelles et culturelles. « Notre objectif est de devenir un site touristique de renommée internationale, affirme-t-il, ajoutant : nous devons être pleinement conscients de la valeur de notre patrimoine culturel pour pouvoir le mettre en valeur. Cela implique une protection toujours meilleure des sites historiques et des lieux d’intérêt naturels. »

Un exemple de cette priorité est le temple du Bouddha géant, dont la forme originale est en grande partie conservée grâce aux efforts des autorités locales. Contrairement à d’autres sites historiques de Chine qui ont été restaurés en couleurs criardes, on a ici mis l’accent sur l’authenticité. Lorsque le pigment des poutres de la salle principale a commencé à se détacher, les restaurateurs ont reconstitué, centimètre par centimètre, ces pièces de bois suivant la technique ancienne. Afin de protéger ce patrimoine, l’administration du temple a aussi installé un éclairage spécial et interdit la photographie au flash.

« Alors que le projet de restauration sur trois ans venait de s’achever, des habitants se sont plaints que le temple ne semblait pas avoir changé, raconte le guide Zhou Rongduo. Nous prenons ces critiques comme un éloge ! » Mais la perception du public vis à vis de la restauration des monuments anciens est en train d’évoluer. « L’objectif de conservation du patrimoine est de rétablir l’aspect initial plutôt que de le rénover suivant l’esthétique contemporaine. Notre mission n’est pas d’embellir, mais de préserver les choses telles quelles », explique M. Zhou.

« Notre priorité est de combiner le développement du tourisme avec la protection du patrimoine. Cela ne signifie pas isoler les lieux historiques. Au contraire, l’ouverture au public a favorisé une meilleure protection du patrimoine matériel et immatériel local, sauvant les vieux bâtiments de la démolition », déclare Yuan Deping, directeur adjoint du bureau du tourisme local.

L’environnement est une autre question clé, et l’un des fondements du plan de développement de Zhangye. Le parc national de zone humide est un exemple de l’interaction positive entre le secteur du tourisme et la protection de l’environnement. De vastes espaces dans le nord de Zhangye ont été aménagés en réserve naturelle qui attire des habitants locaux et des touristes qui la parcourent à vélo. Un lac a été creusé près de la rivière Heihe et il est devenu l’habitat d’un grand nombre d’espèces d’oiseaux. Des équipements modernes, tels que des habitations, un court de tennis, pistes cyclables, un gymnase, ainsi qu’un musée ont été ajoutés pour accueillir le tourisme.

Promouvoir la région

Les sites historiques et culturels particuliers de la région doivent être présentés au monde entier, et le gouvernement local fait des efforts dans ce sens. « Nous avons l’intention de susciter l’intérêt des touristes occidentaux, particulièrement des jeunes », explique M. Huang. Des campagnes de promotion dans les médias, notamment sur Internet, sont réalisées. Récemment, un documentaire sur le corridor du Hexi a été tourné.

À Zhangye, on espère qu’une partie des visiteurs étrangers se rendant à Dunhuang viendront faire un tour dans la ville. Les collines Danxia, qui ont servi de décor au film A woman, a gun and a noodle shop tourné par Zhang Yimou en 2009, jouent le premier rôle dans la campagne médiatique. Ce film a fait connaître au monde ces reliefs rouges, ocre, oranges, qui attire depuis de nombreux photographes. La construction d’un musée de la photographie est prévue dans cette ville qui comprend le plus important club de photographie du pays. L’administration locale a déjà fait l’acquisition de 800 articles à exposer au musée, et cherche désormais à mettre en place son circuit touristique dédié à la photographie.

Pour attirer les jeunes friands de sports mécaniques et de plein air, le gouvernement local a mis en place un circuit de course automobile dans le désert de Gobi, établi un camping et ouvert des chemins de randonnée pédestre, un circuit de visite des sommets enneigés et propose des excursions dans les pâturages équestres.

« Tous nos efforts vont vers la protection de notre culture autochtone, souligne M. Huang. La culture est l’âme du tourisme, et lui donne le sens. La Route de la Soie nous a légué un patrimoine culturel commun aux civilisations asiatiques et occidentales, et qui est d’une grande valeur pour les deux. » Il conclut : « L’innovation a besoin de l’ouverture et de la tolérance. Nous devons cultiver notre conscience de la valeur de notre culture ancienne et donner la priorité à la conservation. »

La stratégie de la nouvelle Route de la Soie pourrait bien refaire converger l’attention du monde vers ces vieux bourgs. C’est un encouragement pour l’industrie touristique locale, mais aussi une contribution à la protection culturelle de cette région.

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