CHINAHOY

1-December-2015

Zhangye, ville verte

YAO BEI et MICHAEL ZARATE, membres de la rédaction

Ce qui fait aujourd’hui la réputation de Zhangye en Chine c’est son nouveau visage, modelé à la fois par la stratégie nationale « une Ceinture et une Route » et par la politique nationale du développement durable, basé sur les économies d’énergie et la réduction des émissions polluantes. La ville de Zhangye a commencé, voici quatre ans, à réajuster son économie pour mettre l’accent sur le développement écologique. De grands efforts ont été faits pour développer le tourisme, les activités sportives et culturelles, ainsi que les industries à faibles émissions de CO2, comme les foires et salons, l’agriculture moderne et l’économie circulaire.

Un milieu écologique

Zhangye se trouve au croisement de trois écosystèmes différents : basse montagne avec les contreforts du massif de Qilian, zones humides autour de Heihe et steppe aride se prolongeant vers le désert de Gobi. Sa situation géographique particulière fait de la protection écologique de la région une cause d’intérêt national.

Les monts Qilian constituent une ligne de démarcation entre le premier et le deuxième plateaux continentaux du territoire chinois. Au sud : le plateau du Qinghai-Tibet. Au nord : le plateau mongol. La chaîne des monts Qilian s’étend sur 1 000 km, 700 km de son versant nord se trouvant sur le territoire de Zhangye. La rivière Heihe qui traverse la ville forme l’oasis de Zhangye perdue dans le vaste désert. Trois autres rivières, Shiyang, Shule et Danghe, abreuvent respectivement les villes de Wuwei, Jiuquan et Dunhuang. Ces quatre rivières prennent toutes leur source à Zhangye. Dans ce contexte, l’écologie des monts Qilian et du plateau du Qinghai-Tibet ainsi que les cours d’eau qui y prennent leur source sont tributaires de l’écologie de Zhangye. Au nord, Zhangye constitue un écran naturel permettant de résister à la désertification en provenance du plateau mongol. Grâce à Zhangye, l’avancée du désert est endiguée et le plateau du Qinghai-Tibet est préservé. C’est là que l’on voit l’importance stratégique de Zhangye dans la « digue de sécurité écologique nationale ». Pourtant, Zhangye doit faire face à plusieurs défis : son altitude élevée, le manque d’eau dans les zones désertiques enclavées, une écologie fragile.

« Au vu des particularités du profil écologique de Zhangye, nous avons avancé l’idée d’un développement qui soit favorable à la fois à l’écologie, à l’économie et à la vie de la population », explique Huang Zeyuan, maire de Zhangye. « Nous mettons la protection écologique au premier plan de notre action, et nous nous efforçons de développer des industries non polluantes ou peu polluantes, pour faire de notre ville un lieu économiquement rentable et agréable à habiter. »

Il est prévu que d’ici la fin de 2017 la ville augmentera la superficie des zones boisées de 35 300 ha, et celle des forêts de 16 670 ha, pour atteindre un taux de couverture forestière de 17,7 %. Au premier semestre de cette année 10 413 ha ont déjà été plantés. Les autorités de Zhangye attendent beaucoup du développement d’énergies de substitution. Un projet a été élaboré pour exploiter les ressources abondantes hydroélectriques, éoliennes et photovoltaïques de Zhangye.

Bar à oxygène naturel

Le parc national des terres humides de Zhangye se situe au nord de la ville sur la rive est de la rivière Heihe. Sa superficie planifiée totale est de 46 km², dont 20 km² seront occupés par des zones de marais. C’est le parc des zones humides qui présente les caractéristiques les plus typiques des zones enclavées de la Chine du Nord-Ouest. On le surnomme le « poumon de la ville », ou le « bar à oxygène naturel ». Il abrite 195 essences végétales et 116 espèces animales différentes. En se promenant dans le parc, les visiteurs peuvent rencontrer des canards sauvages, des cygnes, des grues, et parfois même des vautours ou des léopards des neiges. Par ailleurs, chaque année, des dizaines d’espèces d’oiseaux en migration depuis la Sibérie vers l’Asie centrale et du Sud viennent y faire étape.

La construction du parc a débuté en mars 2009. 18 cours d’eau, d’une longueur totale de 23 km, ont été dragués et 11 barrages construits pour une longueur cumulée 7,2 km, restituant environ 210 ha de terres cultivées aux marais. Les eaux de surface de près de 66 ha ont été portées à 213 ha, 8,2 km de sentiers de promenade ont été aménagés, ainsi qu’une route touristique de 20 km praticable en véhicule électrique. On a également développé des programmes d’activités touristiques incluant le rafting, le canotage, la pêche et le patinage sur glace. En 2011, le parc s’est vu décerner le titre de zone touristique nationale de classe AAAA.

Le parc est accessible gratuitement au public, une mesure que les autorités locales promeuvent comme une initiative de bien-être pour la population. On a su utiliser les roseaux du parc pour en faire des matériaux de construction de nouveau type, favorables à la protection de l’environnement. Plus on trouve de bénéfices sur ces terres humides, et plus on est sensibilisé à la nécessité de leur protection.

Irrigation économe en eau

En 1986, le Conseil des affaires d’État a ratifié le statut de réserve naturelle des monts Qilian. En 2011, ce fut le tour de celle des terres humides de la rivière Heihe. Zhangye est désormais une des rares villes possédant deux réserves naturelles de statut national.

Gaotai est l’un des cinq districts de Zhangye. Son rôle écologique est non négligeable, puisque la réserve naturelle nationale des terres humides s’étend dans cette zone, fournissant des sources d’eau abondantes aux terres cultivées des alentours. Pourtant, l’écosystème de Gaotai est fragile car entouré de déserts.

« La désertification est un élément inquiétant », nous apprend Tian Yulong, vice-directeur du Département de la communication du district de Gaotai. Protéger les terres humides est une priorité sur laquelle le gouvernement du district s’est cassé la tête. Il fut décidé d’organiser le reboisement à grande échelle tout en développant des techniques agricoles économes en eau. De fait, le système du goutte-à-goutte a commencé à se généraliser. « L’irrigation traditionnelle consommait 120 m3 d’eau par ha, désormais nous n’en dépensons plus que 20 », explique M. Tian.

Changer de type de cultures est un autre moyen de réduire la consommation d’eau. Les 20 000 ha de champs de Gaotai font désormais pousser du maïs, du raisin, du coton, des tomates et différentes sortes de soja, mais plus de riz, trop gourmand en eau.

Économie circulaire

En plus de la protection des terres humides, Zhangye diversifie son industrie vers des secteurs sobres en carbone.

Gansu Zeyuan Agricultural Science and Technology Co., Ltd, travaille depuis bien des années à la production et la vente de médicaments chinois traditionnels. En 2012, grâce à un investissement de 46 millions de yuans, la société a construit une base de production de boissons à base de jujubes, de lycium et d’argousier (arbustes des zones arides), dont la qualité dépasse de loin les valeurs exigées pour les denrées alimentaires. C’est que les produits de Zeyuan correspondent aux normes s’appliquant aux médicaments. La société envisage d’ouvrir un musée du jujube, ce qui permettra d’en généraliser la culture en dehors de ses activités industrielles.

Une autre entreprise représentative de cet effort de modernisation est le Groupe Zhuoda, spécialisé dans la fabrication de nouveaux matériaux de construction à partir de résidus agricoles et industriels et de déchets du bâtiment. Des produits qui peuvent se substituer au ciment, aux briques et au bois, pour améliorer l’impact écologique de la construction. Les nouveaux matériaux promus par Zhuoda n’émettent pas de substances nocives et sont recyclables. Par ailleurs, l’emploi des modules de Zhuoda réduit la durée des travaux de construction de jusqu’à 90 %, en économisant beaucoup de main-d’œuvre. Actuellement, les produits du groupe Zhuoda se vendent en Russie et en Malaisie. L’entreprise a commencé à explorer les marchés de Mongolie, de France, des Émirats arabes unis, du Pérou et du Chili. La construction des nouveaux bâtiments-ateliers du groupe, dans la zone de développement économique de Zhangye va bientôt s’achever, et l’usine entrera en service vers le mois de juin prochain. L’ensemble du projet a représenté un investissement de 500 millions de yuans.

« Les entreprises polluantes ne sont pas admises dans la zone de développement économique de Zhangye », affirme le maire Huang Zeyuan.

Solutions aux problèmes

À Zhangye, on prend au sérieux le développement durable. À notre question de savoir comment accommoder le développement économique et la protection de l’environnement, le maire nous a montré qu’il connaissait la musique. « Je me suis beaucoup préoccupé de cette question. Je suis convaincu que les deux ne s’opposent pas en principe, mais seulement certaines zones et pendant certaines périodes. Tous les pays développés ont suivi un cheminement similaire. »

Il a cité l’exemple de la France, où il a fait un voyage d’étude. Pendant sa période d’industrialisation, la France a vécu une période de graves dommages à l’écologie et à l’environnement. Aujourd’hui, elle est l’un des pays qui font le plus d’efforts pour la protection de l’environnement et trouvent des réponses à l’effet de serre. « Aujourd’hui, la France a dépassé la période où l’on consommait énormément de ressources pour entrer dans une période de stabilité, marquée par une croissance démographique faible, l’autosuffisance et la généralisation des économies d’énergie depuis les secteurs de production vers ceux de la vie quotidienne. Par exemple, pour les déplacements, on réfléchit comment prendre moins la voiture mais plutôt l’autobus ou le vélo. Chez nous on en est encore au stade du besoin urgent d’abondance matérielle. Les infrastructures sont encore insuffisantes. Beaucoup de gens mènent une vie encore très modeste. Il nous faut améliorer nos conditions de vie matérielle. C’est cela, notre situation actuelle. »

Dans ces circonstances, comment répondre au « grand écart entre l’intention gouvernementale de protéger l’environnement et la demande de la population qui veut le développement économique » ? Telle est la question la plus difficile pour M. Huang. « D’un côté, le gouvernement a pris conscience de l’importance de l’environnement : une fois l’écologie détraquée, c’est non seulement Zhangye mais l’environnement dans tout le pays qui sera compromis. C’est pourquoi nous sommes prêts à prendre des mesures énergiques en la matière. De l’autre, nos concitoyens veulent consommer plus et requièrent donc une croissance incessante de la production industrielle. »

Face à ces contradictions, son idée est de faire appliquer un système de transfert des questions écologiques du niveau central vers les localités. « Ces dix dernières années, par exemple, nous avons consacré 15 milliards de m3 d’eau à la reforestation de la bannière d’Ejin, en Mongolie intérieure. Zhangye a payé un prix élevé pour cette œuvre, mais nous avons la satisfaction d’avoir contribué à l’amélioration écologique de la Mongolie intérieure, réduisant ainsi la menace de tempêtes de sable pour Beijing. Notre action sert une cause nationale, il serait donc logique que les autorités centrales nous fournissent des subventions qui pourraient d’ailleurs nous aider à nous développer. »

Son autre préoccupation est de transformer les modes de production et réajuster l’industrie locale. « Autrefois, les éleveurs étaient libres de laisser paître leurs troupeaux où ils le voulaient, ce qui dégradait parfois les prairies. Désormais, nous encourageons la stabulation, ce qui permet de nourrir le bétail avec des herbes coupées et des fourrages. Cela réduit l’érosion des prairies », conclut-il.

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