CHINAHOY

30-October-2015

Un emploi taillé sur mesure

 

Formation technologique dans un incubateur de Huocheng.

 

ZHANG HUA, membre de la rédaction

Sans ce stage de formation à la couture qui s'est ouvert près de chez elle, Zatthan n'aurait jamais songé à retrouver un emploi à 60 ans.

Zatthan habite le quartier de Pingdingshan, à Urumqi, au Xinjiang. Un quartier qui rassemble beaucoup de personnes originaires d'autres régions, dont la plupart ont peu d'instruction et donc des difficultés à trouver un travail fixe. La famille de Zatthan fait partie des plus défavorisées, puisque ses deux fils, tous deux âgés de plus de 20 ans, n'ont jamais travaillé en raison de leur invalidité.

Le 8 avril 2015, l'entreprise de vêtements Saljin a lancé un programme d'utilité publique, proposant des emplois de proximité à la suite d'une formation gratuite aux techniques de couture. Zatthan et une vingtaine d'autres femmes y ont pris part. « Après un mois de formation, je pouvais gagner 1 000 yuans par mois », dit-t-elle avec satisfaction.

D'après les données fournies par le Département des ressources humaines et de la sécurité sociale de la région autonome du Xinjiang, grâce à l'action du Forum des autorités centrales sur le Xinjiang, entre 2010 et 2014, 315 600 citadins demandeurs d'emploi en difficulté et 29 000 personnes originaires de familles où tout le monde était au chômage ont pu trouver un emploi.

Sortir de chez soi pour travailler

En constatant l'amélioration de la situation de Zatthan, Zaliye, présidente de l'entreprise de vêtements Saljin, a décidé d'aider davantage de gens.

Zaliye elle-même était passée par une période difficile. En 2002, la société publique de confection où elle travaillait a fait faillite. Zaliye, alors âgée d'à peine plus de 20 ans, s'est retrouvée au chômage. Il en fallait plus pour décourager cette jeune Kazakhe, dont la devise est « la montagne la plus haute ne peut arrêter l'aigle qui prend son essor » : elle s'est décidée à lancer sa propre entreprise. Après huit ans d'efforts, elle a vu sa marque Saljin reconnue dans tout le Xinjiang dans le secteur du vêtement. Sa clientèle s'est étendue progressivement vers d'autres régions chinoises, et puis même en Asie centrale. Son chiffre d'affaires annuel dépasse maintenant 10 millions de yuans.

Pénétrée de l'esprit de payer de retour la société, Zaliye a décidé de mettre en place un projet de promotion sociale. En septembre 2014, conduisant une enquête dans les quartiers à forte proportion de minorités ethniques, elle a constaté que dans l'arrondissement de Saybagh la plupart des familles ont plusieurs enfants, alors que les femmes ont du mal à trouver un emploi.

Hasard du calendrier, c'est juste à ce moment que le comité de gestion du quartier de Pingdingshan a lancé une invitation aux entreprises artisanales ou du secteur de la confection à donner des cours de formation professionnelle gratuits aux habitants du quartier. Le comité de gestion mettait à disposition des salles de formation et des ateliers. L'objectif étant qu'à l'issue de la formation, les femmes pourraient travailler sur commande dans ces ateliers. C'est ainsi que s'est établie la coopération entre Zaliye et le comité de gestion.

La société de Zaliye offre une formation aux techniques de couture. Le recrutement est garanti après la formation d'un mois. À partir du deuxième mois de travail, le revenu des femmes employées varie entre 200 et 2 500 yuans, selon le volume des commandes effectuées. Elles bénéficient en outre de la sécurité sociale dont les cotisations sont versées par la société Sharijin. Après des premiers essais réussis dans les quartiers de Huanweinan et de Pingdingshan, le programme a formé et recruté plus de cent femmes appartenant à des ethnies minoritaires. « Nous envisageons de généraliser ce programme à tous les quartiers d'Urumqi. Dans les deux ans à venir, nous allons reproduire ce modèle dans les quartiers des régions productrices de coton ainsi que les autres bourgs et cantons du Xinjiang. Avec le soutien des autorités à divers échelons, nous prévoyons de pouvoir, d'ici trois ans, offrir des emplois à 10 000 personnes », annonce Zaliye, pleine de confiance.

 

Les ouvrières d'une manufacture de Shangyi.

 

Les parcs industriels, nouvelle plateforme d'emploi

Un jour d'août dernier, dans un atelier du district de Huocheng au Xinjiang, Zohragul en robe, un mètre-ruban au cou, va et vient dans un groupe d'une vingtaine de femmes aux turbans éclatants, attelées à des machines à coudre électriques ou machines à ourlet.

Cette ancienne paysanne a forgé sa destinée sur une machine à coudre délabrée qu'elle a eue voici déjà 20 ans. Au début de sa carrière de styliste, Zohragul ne possédait que sa machine à coudre et son talent. Son affaire a pris de l'ampleur à partir de 2009 et en 2013, elle a pu s'agrandir en recrutant ses 15 premières couturières.

En octobre 2014, les autorités du district de Huocheng, qui cherchaient de l'emploi pour la main-d'œuvre rurale excédentaire, a attiré plusieurs microentreprises de broderie ou d'artisanat pour les réinstaller sur des terrains libres dans des zones rurales, des quartiers citadins ou des bureaux vacants.

Profitant de cette occasion et avec l'aide du Comité de gestion de son village, Zohragul s'est installée dans l'un de ces ateliers. Actuellement, plus de 50 femmes travaillent sous sa direction, confectionnant des vêtements pour femmes, manteaux, robes de soirée et accessoires vestimentaires. Leurs produits sont distribués dans le district de Huocheng, mais aussi dans des régions voisines. Depuis moins d'un an qu'elle s'est relocalisée ici, son entreprise a généré un profit net de 700 000 yuans. Les revenus annuels de ses ouvrières sont passés de 10 000 à 30 000 yuans.

Ce genre d'atelier est l'exemple typique des offres d'emploi que le district s'efforce de mettre à disposition des chômeurs.

Selon Mahhmut, chef du district de Huocheng, à la fin de 2014, ces parcs industriels de district ont investi 120 millions de yuans dans des équipements, les entreprises ouvertes générant un chiffre d'affaires annuel de 207 millions de yuans. Ces entreprises ont créé 500 emplois directs et 700 emplois indirects. Le district espère devenir en 2016 le district modèle, la vitrine de la région autonome dans la production d'articles de consommation, l'ojectif étant d'atteindre un volume de production industrielle d'un milliard de yuans en employant 15 000 personnes.

« Dignes de notre qualité d'ouvrières industrielles »

Dans le district de Pishan, à Hetian, les ateliers de la société de vêtements de Shangyi attirent l'attention. Il s'agit de la fililale d'une entreprise de l'Anhui ouverte au Xinjiang dans le cadre de l'assistance économique, dont la directrice générale Fang Liqin vient de Wuhu.

En Chine, plusieurs provinces sont jumelées avec le Xinjiang et cela donne lieu à des coopérations inter-provinciales. L'Anhui est l'une de ces provinces, et son approche est centrée sur les industries. Les autorités provinciales ont fourni des facilités aux industriels de la province désireux de faire des études à Hetian. En octobre 2013, Fang Liqin est partie conduire des enquêtes dans plusieurs villes et disctricts du Xinjiang du Sud, dont Pishan. La pauvreté de la population locale lui a laissé une impression profonde : Pishan, le district frontalier situé à l'extrémité sud du Xinjiang et borde par le sud le désert de Taklamakan ; la population du district, 260 000 personnes, se partage 30 000 ha de terres arables balayées toute l'année par des tempêtes de sable ; en 2013, le revenu annuel des paysans et des éleveurs atteignait péniblement 4 525 yuans par personne. « J'ai eu envie de les aider », explique Fang.

Et l'occasion s'est présentée. En 2014, les autorités centrales et locales ont préconisé le développement de l'industrie textile et vestimentaire pour favoriser l'emploi de proximité des différentes ethnies du Xinjiang. Dix mesures préférentielles ont été annoncées, dont un fonds spécial de 20 milliards de yuans réservé aux secteurs textile et vestimentaire, des abattements fiscaux et des prix préférentiels pour l'électricité, entre autres mesures. Fang Liqin y a vu une opportunité à saisir pour son entreprise.

De retour dans l'Anhui, Fang a vendu un de ses hôtels quatre étoiles et des parts qu'elle possédait dans d'autres sociétés. Avec quelques autres industriels de l'Anhui, elle a investi dans le district de Pishan.

Mise en chantier à la fin mars 2014, l'usine de vêtements de Fang était prête à fonctionner six mois plus tard. Elle comporte une superficie bâtie de 62 000 m² et représente un investissement total de 210 millions de yuans. Le 28 septembre, l'usine a commencé à produire à titre d'essai, avec une capacité annuelle prévue de 2,5 millions de pièces de vêtements. L'usine traite des matières premières en provenance de Shanghai et du Zhejiang, et expédie par camion les produits fabriqués à Pishan vers le port de Shanghai, d'où ils sont exportés vers l'étranger. En août 2015, la société de Shangyi affichait déjà un profit net de 60 millions de yuans ; plus de 1 000 diplômés d'écoles professionnelles et anciens paysans des environs ont été recrutés par Shangyi pour devenir des ouvriers industriels.

Dans l'atelier des pull-overs et des sweaters, Bohattke Ibrahim et Mukaddas Abduheni qui parlent assez couramment le mandarin sont chefs d'équipe. Elles se disent heureuses : « Sans cette usine, nous aurions travaillé la terre toute notre vie. Nous devons nous montrer dignes de notre qualité d'ouvrières industrielles. »

La direction de la société offre à ses employés ayant une ancienneté de cinq ans la possibilité d'acquérir à moitié prix un logement construit par la société.

Elles sont fières de savoir que les vêtements qu'elles confectionnent s'exportent vers cinq pays d'Asie centrale.

 

 

La Chine au présent

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