CHINAHOY

30-September-2015

Speak +, l’internationalisation des réseaux sociaux

 

Ding Xiaochen (au centre) et ses partenaires.

 

Jusqu'à présent, aucune application ne permettait de relier les Chinois aux étrangers. Un jeune Chinois du Nord-Est s'est mis dans l'idée de résoudre enfin ce problème grâce à une nouvelle application mobile : Speak +.

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

Jusqu'à présent, en Chine, hormis les réseaux sociaux chinois tels Tencent QQ, WeChat et d'autres applications plus spécialisées dans les rencontres hétéro ou homo telles que Momo, Blued etc., aucune n'est dédiée spécialement aux échanges entre Chinois et étrangers. En effet, QQ est rarement utilisé hors de Chine, ou seulement par un nombre limité d'initiés, la plupart des gens préférant utiliser Skype ou encore What's App. Pour le cas des applications de messagerie instantanée, Facebook, Twitter ou bien encore Instagram, soumis à des restrictions d'utilisation, sont remplacés par Renren, Weibo ou d'autres applications chinoises peu internationalisées.

Étrangers et Chinois, une prise de contact difficile

Le problème est apparu assez tôt à Ding Xiaochen, le créateur de Speak +. Il vit à Beijing depuis quelques années mais, en côtoyant des jeunes étrangers dans le quartier étudiant de Wudaokou, il s'est rendu compte que ceux-ci restaient souvent entre eux. Certains se plaignaient même de ne pas arriver à rencontrer de Chinois, ni de trouver d'amis en Chine.

Différences de culture, de mode de penser, de façon de communiquer : « Les Chinois ont du mal à aller parler aux étrangers. Souvent à cause de la barrière de la langue, mais aussi parce qu'ils s'imaginent que les étrangers pensent complètement différemment d'eux et ont un peu peur du choc culturel », décrypte-t-il.

Selon lui, bien sûr, le problème n'est pas uniquement sino-chinois. Il vient aussi de l'attitude des étrangers en Chine : « En Chine, les étrangers se regroupent souvent entre eux, sortent entre eux dans des bars ouverts par des étrangers, créent des groupes où il est difficile de s'intégrer quand on est Chinois, car tout le monde y parle anglais ou une autre langue que les Chinois ne parlent pas nécessairement. Ils n'essaient pas non plus de vivre à la chinoise et comme ils ne rencontrent pas de Chinois ou bien des Chinois qui deviennent amis avec eux uniquement par intérêt, ils préfèrent rester dans ce cercle fermé des étrangers. C'est vraiment compliqué », nous explique-t-il.

Des échanges ont bien lieu dans les bars de Wudaokou, mais les rencontres peuvent parfois être décevantes, et pour ces étudiants étrangers en Chine qui ne restent pour la majorité qu'un an, passer son temps à écumer les bars du coin à la recherche d'amis ou de partenaires de langue n'est pas non plus la meilleure solution.

L'idée : relier les étrangers et les Chinois par une application

Alors, en discutant avec ses amis étrangers et son collaborateur belge, un projet est né. « On s'est dit qu'il faudrait créer un site ou une application qui permettrait aux Chinois et aux étrangers de pouvoir trouver simplement des gens avec des centres d'intérêts communs, pas très loin de chez eux, et de pouvoir discuter sur l'application sans la barrière de la langue grâce à un système de traduction instantanée. »

Un « plus », que l'on retrouve dans le nom de l'application : Speak +. Car même si Facebook, Skype ou encore l'application chinoise WeChat existent en plusieurs langues et proposent un service de traduction, celui-ci n'est pas instantané. Sur Speak +, on tape son message dans sa langue maternelle, puis on choisit une langue cible parmi les huit proposées et le message se traduit automatiquement avant l'envoi, avec une précision de 85 %. Un peu dubitatifs sur ce point, nous avons essayé et avons même réussi à traduire en français et en russe « On mange du poisson chat grillé », qui est un plat traditionnel du Nord-Est. Et on peut traduire de n'importe quelle langue vers n'importe quelle autre. Ce qui signifie que si vous êtes Chinois et que vous avez rencontré un ami portugais en Chine ou bien à l'étranger, vous pouvez lui envoyer des messages dans sa langue maternelle, mais aussi que si vous êtes Français et que vous avez un ami russe qui ne parle pas très bien anglais ni chinois, vous pouvez lui envoyer des messages directement du français au russe.

Mais ce n'est pas le seul avantage de cette application. Ding Xiaochen nous explique : « Facebook, WeChat, Weibo ou encore Skype sont des applications qui fonctionnent en vase clos : c'est-à-dire que les abonnés ne peuvent se trouver que s'ils se connaissent ou ont un ami en commun. Sur WeChat, avec la fonctionnalité " Bouteille à la mer ", on peut trouver des contacts aléatoirement, mais on ne sait pas à qui on a affaire. Sur Speak +, on peut, comme sur une application ou un site de rencontre, mettre des critères de sélection et faire un tri parmi les contacts présents dans l'application : nationalité, langues, centres d'intérêt, lieu, âge, sexe, ou encore école. »

La vague Chuangke et Internet+

Après seulement deux semaines de lancement sur les plates-formes d'application mobile, Speak + regroupe déjà un millier d'utilisateurs. Cela en dit long sur le potentiel de développement du projet. L'équipe autour de Ding Xiaochen, composée de six personnes, s'active pour faire des ajustements, régler les différents bugs qui sont apparus et continuer à perfectionner le système. De nouvelles fonctionnalités et de nouveaux produits, comme des cours de langue en privé par Internet et des groupes de discussions devraient apparaître prochainement sur l'application.

La préparation du projet a duré un peu moins d'un an, de septembre 2014 à août 2015. « Le plus dur a été de trouver un investisseur et un collaborateur. C'est presque plus difficile que de trouver une femme », plaisante Ding Xiaochen. Après avoir participé à un concours d'innovation au cours duquel un jury d'investisseurs choisissait le projet qu'ils allaient financer, Ding Xiaochen a finalement trouvé un collaborateur et a pu se lancer concrètement dans le développement de son projet. Une délivrance pour ce jeune chinois de 27 ans qui n'a pas froid aux yeux.

Comme beaucoup de jeunes Chinois qui décident de quitter leur travail pour se lancer dans l'entreprenariat et surfer sur la vague de la nouvelle politique des Chuangke (jeunes créateurs) et d'Internet+, Ding Xiaochen a décidé de se laisser tenter par l'aventure et de voler de ses propres ailes. « J'en avais marre. J'ai travaillé comme testeur de hardware pour Samsung, puis j'ai fait du marketing chez Meituan (équivalent chinois du site d'achats groupés Groupon), et j'ai travaillé pour le site de vente en ligne de Canon. Je gagnais bien ma vie, mais je m'ennuyais. Alors j'ai choisi de me lancer dans l'aventure de la création d'entreprise. Pour le moment, c'est un peu difficile : je n'ai pas de salaire, je dois louer les bureaux pour mon équipe, donc l'argent de la première phase d'investissement va dans les salaires de l'équipe qui m'aide à développer l'application. Mais je ne doute pas qu'après la deuxième phase d'investissement et la phase de promotion, je commencerai enfin à voir le résultat de mes efforts. »

 

 

La Chine au présent

Liens