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La Grande Guerre vue sous l’angle de la Chine
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Le 7 juin 2013, sous l'Arc de Triomphe de Paris, un hommage a été rendu aux travailleurs chinois morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale. 500 personnes ont assisté à la cérémonie. (CNSPHOTO) |
GAO ZHUAN*
La Première Guerre mondiale (1914-1918), déclenchée il y a cent ans, fut la plus meurtrière jusqu'alors dans l'histoire de l'humanité. Bien que la guerre se soit déroulée en Europe, de nombreux pays non européens y étaient engagés. Plus de 60 millions de soldats venant des cinq continents ont participé à cette guerre sanglante qui a duré quatre ans. Un sixième d'entre eux y ont trouvé la mort, et les blessés furent innombrables. La guerre éclata entre la Triple Alliance et la Triple-Entente. La première était principalement composée de l'Empire allemand et de l'Autriche-Hongrie. La seconde comprenait le Royaume-Uni, la France et la Russie impériale. Aujourd'hui, les pays issus de la désintégration des empires belligérants sont pour la plupart membres de l'UE. Cent ans plus tard, ils organisent différents événements pour commémorer la guerre. D'ailleurs, de la Croatie en Europe du Sud, à l'Australie et la Nouvelle-Zélande dans l'hémisphère sud, on commémore cette guerre.
Il est à noter que la participation de la Chine à la Première Guerre mondiale est un chapitre oublié de tous. Il y a encore quelques années, ce sujet n'avait toujours pas été abordé dans les recherches sur l'histoire du monde. Pourtant, la Première Guerre mondiale a eu un effet profond sur l'histoire moderne et contemporaine de la Chine. Durant cette guerre, la Chine était sous un régime parlementaire (avec entre-temps, un épisode de rétablissement de l'Empire). Sur le plan diplomatique, la Chine, pauvre et faible, n'était pas indépendante, telle une marionnette des puissances occidentales. L'attitude adoptée par le gouvernement chinois d'alors montre l'absurdité de son régime et la faiblesse de sa politique. La neutralité qu'elle observait au début de la guerre, sa déclaration sans participation et l'envoi de travailleurs chinois au milieu de la guerre, ainsi que l'échec diplomatique lors de la Conférence de Paris, sont des épisodes honteux dans l'histoire de la Chine au début du XXe siècle. La Conférence de Paris a permis aux intellectuels et au public chinois d'entrevoir les actes de trahison du gouvernement des seigneurs de la guerre, et surtout le visage réel des puissances occidentales qui brandissaient le drapeau de la civilisation. Les défaites de la Chine lors de la Conférence de Paris ont déclenché le Mouvement du 4 mai 1919, qui a marqué le réveil du pays.
L'origine et l'essence de la Première Guerre mondiale
Pour passer en revue la Première Guerre mondiale, il faut connaître son origine et son essence. C'est toujours utile pour comprendre la situation internationale actuelle. Dès les années 1870, le capitalisme occidental s'oriente vers l'impérialisme. Les principales puissances européennes entrent dans une phase de conquête. Le système basé sur le maintien de l'équilibre entre les grandes puissances européennes est remplacé par un système où ces mêmes puissances cherchent à étendre leurs colonies. L'expansion territoriale des puissances européennes est motivée par le gain de pouvoir et de prestige qu'elle procure, ainsi que l'appropriation des matières premières et des marchés des territoires conquis. Ces puissances agissent aussi dans l'optique de transmettre la religion et la civilisation occidentale hors d'Europe.
Les conflits entre les puissances européennes sur la scène mondiale enveniment en revanche la situation politique en Europe. Malgré des bases de développement différentes, ces puissances partageaient la même idéologie impérialiste. Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, en 1914, les puissances européennes contrôlaient 84 % des territoires du monde. Le 28 juin 1914, l'archiduc d'Autriche François-Ferdinand, prince héritier de l'Empire austro-hongrois, et sa femme, furent assassinés à Sarajevo, capitale de l'actuelle Bosnie-Herzégovine autrefois administrée par l'Autriche-Hongrie. Si cet événement a été le déclencheur de la Première Guerre mondiale, ce n'est pas parce que que les décideurs politiques allemands ont mal jugé la situation, mais bien que la situation européenne était déjà tendue à cause de l'expansion impérialiste. D'après Li Dazhao, un des premiers marxistes chinois, « cette guerre mondiale est due à toutes sortes d'impérialismes : le pangermanisme, le panslavisme, le grand Japon, etc. » Selon Lénine, la Guerre mondiale de 1914-1918 fut une guerre impérialiste dont le but était de fragmenter le monde, et de partager ou répartir de nouveau les colonies et les sphères d'influence.
Le rôle des travailleurs chinois
En Chine, après l'éclatement de la Première Guerre mondiale, les différentes forces politiques s'affrontaient vivement sur la question de l'entrée en guerre. Duan Qirui, le premier ministre d'alors, gagna cette bataille. Avec le soutien du Japon, le 14 août 1917, la Chine déclara la guerre à l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. En fait, le Japon convoitait depuis longtemps les intérêts allemands dans le Shandong.
La Chine prit part à la Première Guerre mondiale par l'envoi de travailleurs dans les pays de la Triple-Entente. Pendant cette guerre, au moins 150 000 travailleurs chinois furent envoyés au Royaume-Uni et en France, notamment dans le secteur logistique. La plupart d'entre eux venaient du Shandong. Pour les Britanniques, « le Shandong est une province à forte densité de population où les gens sont assidus et où le climat est similaire à l'Europe. Les gens du Shandong sont donc aptes à travailler en Europe ». Au début de 1916, Georges Truptil, un lieutenant-colonel français à la retraite, vint en Chine en tant que technicien agricole pour recruter des travailleurs en son nom propre. En octobre de la même année, Thomas J. Bourne, représentant de la British Army arriva en Chine pour embaucher des travailleurs. Dès la fin 1916, le Royaume-Uni et la France commencèrent à recruter des travailleurs en grand nombre. Le gouvernement chinois fournit de l'aide en coulisse. Certains travailleurs envoyés dans les pays de la Triple-Entente creusaient les tranchées au front ; d'autres travaillaient dans les usines ou comme porteurs. Environ 5 000 travailleurs chinois sont morts durant la guerre. En dépit de la grande contribution et du sacrifice de ces travailleurs chinois, leur dévouement n'a pas été reconnu. Selon les archives conservées au Parlement britannique, les travailleurs chinois courraient souvent des risques plus élevés que les autres « travailleurs de couleurs », mais ils n'ont reçu aucune décoration, pas même une petite médaille. À la fin de la guerre, presque tous les travailleurs chinois furent rapatriés en Chine.
En Chine, l'envoi de ces travailleurs a réveillé la conscience des Chinois. À la fin de la guerre, Cai Yuanpei, grand initiateur de l'éducation moderne, a lancé un slogan : « Les travailleurs sont sacrés ! »
L'influence politique exercée par la Conférence de paix de Paris sur la Chine
La Première Guerre mondiale se termine par la victoire de la Triple-Entente. Pour traiter les problèmes de l'après-guerre, en janvier 1919, s'est tenue la Conférence de paix de Paris qui fut contrôlée par cinq puissances : Royaume-Uni, États-Unis, France, Italie et Japon. Avant sa tenue, le président américain Wilson avait avancé que le thème de la Conférence devait être le respect de la volonté des populations des colonies à décider de leur avenir, ainsi que la liberté politique et l'intégrité territoriale des pays, quelle que soit leur taille. C'est pourquoi le milieu intellectuel chinois plaçait de grands espoirs dans cette conférence. Ils croyaient aux notions d'humanité, d'égalité, de décision autonome et à la paix prônées par les hommes politiques occidentaux. Sous la pression de la population, le gouvernement des seigneurs de la guerre d'alors a aussi déclaré « espérer récupérer les intérêts de l'Allemagne dans le Shandong et ne pas les laisser au Japon ». D'ailleurs, il voulait annuler les « Vingt-et-une demandes » conclues entre le gouvernement Yuan Shikai et le Japon, et supprimer le droit d'arbitrage consulaire des puissances occidentales en Chine.
En fait, à l'issue de la Première Guerre mondiale, les puissances occidentales ont renforcé leur invasion de la Chine. Face à la demande de la délégation chinoise, le premier ministre français Clémenceau a répondu que ces problèmes n'étaient pas inscrits dans le cadre de la Conférence de paix. Ça n'a été que lors des discussions sur la question des colonies allemandes que la Conférence évoqua le problème de la baie de Jiaozhou. Le Japon a demandé à hériter des intérêts laissés par les Allemands dans le Shandong. Comme la Chine ne pouvait pas prendre son destin en main, la Conférence de paix de Paris a tranché sur le problème du Shandong en répondant positivement à la demande du Japon.
Les faits ont brisé les illusions des intellectuels chinois sur la Conférence de paix de Paris, suscitant leur colère à l'égard de l'impérialisme, notamment japonais, et du gouvernement de Beiyang, faible vis-à-vis du Japon. L'après-midi du 4 mai 1919, 3 000 étudiants venant de différentes universités de Beijing se réunirent devant la porte Tian'anmen : ils lancèrent des slogans comme « Défendre la souveraineté à l'extérieur, punir les traîtres à l'intérieur » et « Non à la signature du traité de paix ». Pour s'opposer à la répression menée par les soldats et les policiers, tous les étudiants et élèves de Beijing déclenchèrent une grève générale. L'action des étudiants du 4 mai 1919 fut comme un éclair dans la nuit et ébranla immédiatement toute la Chine. Les ouvriers des principales villes du pays firent par la suite la première grève politique de l'histoire de la Chine.
L'attention portée à la situation du pays, qui était au bord de l'abîme, conduisit les jeunes à réfléchir sur la voie que la Chine devait choisir. Après le Mouvement du 4 mai, étudier et diffuser le marxisme est devenu la grande tendance. Le Mouvement du 4 mai, mouvement du peuple qui s'élevait contre l'impérialisme et le gouvernement des seigneurs de la guerre d'alors, a marqué le début de la nouvelle révolution populaire. Deux ans après le Mouvement du 4 mai, en 1921, le parti politique du prolétariat chinois, le Parti communiste chinois, est né.
*GAO ZHUAN est docteur en philosophie diplômé de l'université de Heidelberg.
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