CHINAHOY

10-June-2014

Li Keqiang promeut une « version 2.0 » de la coopération sino-africaine

 

Le 8 mai 2014, le premier ministre M. Li a prononcé le discours « Travaillons ensemble pour que le développement africain atteigne de nouveaux sommets » au Forum économique mondial pour l'Afrique, tenu à Abuja. (XINHUA)

 

*ZHOU RUI

Le premier ministre chinois vient de rentrer en Chine après une série de visites officielles en Éthiopie, au Nigeria, en Angola et au Kenya. Décryptage de cette tournée, qui promet de propulser la coopération sino-africaine vers de plus hauts sommets.

Récemment, le regard du monde entier était fixé sur Li Keqiang, en visite officielle en Afrique pendant huit jours. Le premier ministre chinois a su profiter de ses visites dans quatre pays africains pour souligner le concept d'« avantages mutuels et de bénéfices gagnant-gagnant » au cœur de la relation sino-africaine et pour proposer le cadre de coopération « 461 ». Il a en outre levé le voile sur les détails des projets de coopération, notamment en matière de construction de chemins de fer à grande vitesse, d'autoroutes et de lignes aériennes régionales, tout cela dans le but d'« élaborer une version 2.0 de la coopération sino-africaine ».

Une vitesse supérieure

Dès son arrivée en Afrique, M. Li a expliqué l'importance que revêt ce continent pour la Chine et les perspectives de coopération. « Il est certain que nous passerons une vitesse supérieure dans nos relations bilatérales, de sorte qu'elles seront tel un TGV », a-t-il précisé.

Dans le discours qu'il a prononcé au siège de l'Union africaine, le premier ministre chinois a qualifié l'Afrique d'« important pôle de la scène politique internationale, de nouveau pôle de la croissance économique mondiale et de pôle multicolore de la civilisation humaine ». « La Chine est prête à déployer des efforts conjoints avec les pays africains pour élaborer une version 2.0 de la coopération globale sino-africaine. Maintenant que les "rails du développement bilatéral" ont été posés et que leur trajectoire a été confirmée, cette coopération sino-africaine devrait connaître un essor plus rapide à l'avenir », a-t-il souligné.

« La coopération économique et commerciale entre la Chine et l'Afrique peut être comparée à un avion qui prend de l'élan sur la piste avant son décollage », a analysé Wei Jianguo, vice-président du Centre d'échange économique international de Chine. Selon ce dernier, l'optimisme et la confiance en lui dont a fait preuve le chef du gouvernement chinois dans son allocution à l'Union africaine ont fait naître chez les principaux intéressés de grandes attentes envers la coopération sino-africaine. Cette coopération, qui s'appliquera à six domaines, à savoir l'industrie, les finances, la réduction de la pauvreté, la protection de l'environnement, les échanges culturels et humains ainsi que le maintien de la paix et de la sécurité, n'aura de cesse de s'accélérer. « Non seulement, sa vivacité s'accentuera, mais d'autre part, sa qualité s'améliorera. »

Selon Wei Jianguo, activer la « version 2.0 » de la coopération économique et commerciale sino-africaine signifie passer d'une ère caractérisée par la dépendance à l'import-export et les investissements consacrés uniquement aux infrastructures, à une ère où sera mis en valeur le potentiel de la coopération en matière de formation professionnelle, de transfert technologique, de finance, de commerce de services. En ce qui concerne les résultats obtenus par M. Li Keqiang lors de sa visite ainsi que les répercussions qu'aura celle-ci, Wei Jianguo a estimé que la coopération « ne sera plus simplement basée sur une hausse quantitative, mais avant tout, sur une élévation qualitative tous azimuts ».

L'orientation de la coopération

Li Keqiang a par ailleurs établi une nouvelle feuille de route pour permettre une coopération plus féconde. Il s'agit du cadre de coopération dit de « 461 ». Par 4, on entend quatre principes de coopération : relation sur un pied d'égalité, solidarité et confiance mutuelle, développement inclusif, et innovation dans les formes de coopération. Le chiffre 6 correspond aux six domaines de coopération susmentionnés. Et enfin, le 1 se rapporte à la plate-forme cruciale qu'est le Forum sur la coopération sino-africaine.

Ce cadre a suscité de vifs débats au sein des divers milieux. Li Guanghui, directeur adjoint de l'Institut de recherche sur la coopération commerciale et économique internationale relevant du ministère chinois du Commerce, estime que les six projets dévoilés par le premier ministre Li joueront un rôle moteur dans la future coopération sino-africaine. Il a aussi fait remarquer qu'au cours de son voyage en Afrique, le premier ministre a proposé de nouvelles mesures très concrètes, qui en réalité visent à donner une direction appropriée à la coopération bilatérale et au développement économique de l'Afrique elle-même.

Outre une « communauté de destin », la Chine et l'Afrique sont liées par une « communauté d'opportunités ». Il est donc nécessaire d'innover et d'actualiser le modèle de coopération sino-africaine, afin d'en récolter des gains plus conséquents. Selon Xu Weizhong, directeur adjoint du centre de l'Asie de l'Ouest et de l'Afrique de l'Institut chinois des relations internationales contemporaines, jusqu'ici, le commerce extérieur et les travaux de construction forfaitaires ont constitué les principales formes de la coopération sino-africaine. Mais dans l'avenir, les échanges seront dominés par le financement conjoint. Par rapport au commerce et aux projets de construction forfaitaires, l'investissement présente plusieurs avantages : les Africains retireront de la partie chinoise fonds, technologies, méthodes de gestion, expérience, recettes fiscales et emplois ; l'Afrique pourra ainsi renforcer sa capacité d'auto-développement, et les différents pays du continent, s'industrialiser. De plus, les deux parties seront plus à même d'optimiser leurs points forts, leur adaptabilité ainsi que leurs profits.

Une autre caractéristique du cadre « 461 », c'est le grand cas qu'elle fait des conditions de vie du peuple. La Chine, qui a réussi à faire sortir de la pauvreté plusieurs centaines de millions d'habitants, a publié en mai dernier, conjointement avec l'Union africaine, un Programme de renforcement de la coopération sino-africaine en vue de réduire la pauvreté. Dans ce document, la deuxième économie mondiale s'engage à affermir la coopération en matière de santé, de mettre en place ensemble des « projets agricoles pilotes de haute qualité et de haut rendement », de former dans les cinq ans à venir un total de 2 000 techniciens et gérants agricoles pour l'Afrique, et de guider l'aide chinoise vers les secteurs indissociables à la vie du peuple, tels que l'accès à l'eau potable ou encore la prévention et le traitement des maladies infectieuses. Au cours de sa visite, Li Keqiang a maintes fois souligné l'importance de mener à bien la formation des employés autochtones et de stimuler l'emploi local.

« Les contacts de ces dernières décennies entre la Chine et l'Afrique se résument avant tout par le principe de fraternité », a noté Shi Yongjie, directeur général du département de R&D du Fonds Chine-Afrique pour le développement. La sincérité et l'égalité ont toujours figuré parmi les fondements de la politique africaine de la Chine. Il y a 50 ans, lors de sa première visite en Afrique, Zhou Enlai avait proposé les Huit principes relatifs à l'aide chinoise pour l'étranger. En 2013, à son tour, le président Xi Jinping a défini la politique chinoise vis-à-vis de l'Afrique en quatre mots : réel, honnête, amical et sincère.

Trois réseaux à étendre

Dans une allocution lors de la 24e édition du Sommet africain du Forum économique mondial, Li Keqiang a affirmé que la Chine était prête à construire avec l'Afrique le réseau ferroviaire à grande vitesse, le réseau autoroutier et le réseau aérien régional du continent, dans le but d'y favoriser la communication. Il a ajouté que la Chine consentait à fournir des soutiens financiers, humains et techniques, et qu'elle partagera sans aucune retenue avec les pays africains ses technologies de pointe appliquées et son expérience en gestion.

Si les trois réseaux précités voient bien le jour, l'Afrique affichera des perspectives de développement plus attrayantes, et son essor passera un nouveau cap. « Pour s'enrichir, il faut d'abord construire des routes », déclare Liu Guijin, ancien représentant spécial des affaires africaines au gouvernement chinois. La proposition de M. Li de bâtir conjointement ces trois réseaux s'inspire de l'expérience que la Chine a tirée de son propre développement. De plus, il s'agit d'une réponse active aux besoins des pays africains, que Li Keqiang avait profondément ressenti au travers de ses rencontres quelques jours plus tôt avec les chefs des États et des gouvernements africains ainsi que les dirigeants de l'Union africaine.

Selon Liu Guijin, l'Afrique compte pour 23 % de la superficie terrestre mondiale. En revanche, l'étendue de ses chemins de fer ne représente que 7 % du réseau mondial. Treize pays sont même dépourvus de toute ligne ferroviaire. En ce qui concerne la densité des réseaux routier et autoroutier, l'Afrique se situe seulement au quart et au dixième des moyennes mondiales respectives. Les lignes aériennes régionales ne sont pas non plus développées en Afrique. Les vols directs y sont encore moindres. Il est souvent nécessaire de faire un détour via l'Europe pour relier deux endroits proches. Toutes ces lacunes contraignent énormément le développement de l'Afrique.

Toujours selon Liu Guijin, la Chine a proposé cette coopération à trois niveaux à la fois en tenant compte de la réalité du continent africain et en l'ajustant à ses propres besoins de développement. C'est pourquoi la Chine a décidé de partager sans réserve son expérience avec ses partenaires africains, car elle n'oublie pas que la coopération pourra également porter sa propre croissance économique.

Selon Yao Guimei, directrice adjointe du bureau africain à l'Institut de recherche sur l'Afrique relevant de l'Académie des sciences sociales de Chine, les infrastructures, en particulier celles liées au transport, font partie des industries prioritaires pour de nombreux pays en développement, qui sont bien conscients des progrès qu'elles apportent. L'idée de construire des autoroutes, des chemins de fer à grande vitesse et un réseau de transport aérien régional vient en réponse à l'appel des pays africains, qui demandent à la Chine de les aider à rattraper le retard pris dans ce domaine. Mais ce n'est pas tout. Par le biais de ces projets de coopération, des technologies chinoises pourront être exportées, comme le TGV ou l'avion Xinfei 60. L'illustration même du développement partagé.

Avantages mutuels et bénéfices gagnant-gagnant

L'ensemble de la coopération sino-africaine, qu'il s'agisse de ses objectifs, de son orientation ou de ses contenus, est basé sur le principe des « avantages mutuels et des bénéfices gagnant-gagnant ».

Du point de vue de la coopération industrielle, la Chine et l'Afrique disposent d'une énorme complémentarité en termes de besoins stratégiques et de points forts. Leurs phases de développement économique se suivent, telles les marches d'un escalier. Ainsi, les technologies et expérience de l'un peuvent s'appliquer à l'autre. Comme l'a dit Li Keqiang, les deux parties doivent innover dans leur coopération pour la rendre plus pragmatique : la collaboration ne doit pas se limiter aux domaines des ressources énergétiques et des infrastructures, mais devrait être étendue à l'industrialisation, l'urbanisation et la modernisation agricole.

C'est en matière de coopération environnementale que le concept d'« avantages mutuels et de bénéfices gagnant-gagnant » a été le plus appuyé. Le décor originel, les ressources naturelles de la faune et de la flore ainsi que la brillante civilisation enracinée dans cette terre ancienne font de l'Afrique un continent particulièrement précieux dans notre époque marquée par la course à l'industrialisation. Dans ce contexte, protéger cette « terre pure », tout en réduisant la pauvreté et en tablant sur le développement, est un défi que doit relever la coopération sino-africaine.

Dans le cadre de la coopération « 461 », la Chine promet de sauvegarder les espèces animales vivant en Afrique à l'état sauvage. À cette fin, elle fournira gracieusement au continent une aide de 10 millions de dollars, en vue de renforcer la coopération technique et le partage des expériences à cet égard, d'encourager l'établissement d'un Centre conjoint de recherche scientifique au Kenya et de consolider la coopération dans le domaine de la protection environnementale.

Lors de sa visite au Kenya, l'un des berceaux de l'humanité aujourd'hui mondialement connu pour ses efforts pour la préservation des espèces animales, Li Keqiang a visité un site commémorant les incinérations d'ivoire de contrebande à Nairobi. Il a appelé à protéger de concert la biodiversité, pour préserver notre « Terre multicolore ». Il s'est aussi engagé à fortifier inlassablement la coopération sino-africaine visant la protection de l'écologie et de la faune sauvage. Lors de son entrevue à Nairobi avec des fonctionnaires du Programme des Nations unies pour l'environnement et du Programme des Nations unies pour les établissements humains, Li Keqiang a déclaré que la Chine se tenait prête à multiplier sans cesse les échanges de compétences avec les divers pays sur les thèmes stratégiques suivants : la promotion du développement vert, l'augmentation des capacités de gestion environnementale, la protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique.

À propos de l'aide de 10 millions de dollars et de la construction du Centre conjoint de recherche scientifique, Shi Yongjie a commenté : « Ces concrétisations démontrent que la Chine ne s'en tient pas à de simples promesses verbales, mais qu'elle agit pour protéger véritablement l'environnement en Afrique et pour instaurer une coopération durable. »

Selon un proverbe, « on oublie vite avec qui l'on a ri, mais on ne peut pas oublier avec qui l'on a pleuré... » Li Keqiang a promis, au nom du gouvernement chinois, de partager sans ménagement avec l'Afrique ses hautes technologies appliquées et les fruits de leur utilisation, d'augmenter le nombre de crédits accordés à ce continent et de fournir des bourses à 18 000 étudiants africains. Il a aussi fait savoir que la Chine soutenait sincèrement la diversification des partenaires de l'Afrique et qu'elle serait même ravie de coopérer avec une tierce partie pour soutenir l'Afrique.

L'accord de coopération signé entre la Chine et le Kenya concernant la ligne ferroviaire Mombassa-Nairobi illustre également l'adhésion de la Chine au principe d'« avantages mutuels et de bénéfices gagnant-gagnant ». Cette voie sera la première ligne de chemin de fer construite au Kenya depuis plus d'un siècle. Elle deviendra l'« artère ferroviaire » principale de l'Afrique de l'Est. Cette ligne devrait partir de Mombassa et s'arrêter en Ouganda, via Nairobi. En Ouganda, la ligne se scindera en deux : une voie partira vers le nord jusqu'au Soudan du Sud ; l'autre se dirigera vers le sud, allant de la capitale ougandaise Kampala jusqu'en Tanzanie, en passant par le Rwanda et le Burundi. Ce chemin de fer, dont le coût total est évalué à 25 milliards de dollars, mesurera en tout 2 700 km de long.

Guo Xia, directeur de l'Institut de recherche chinois sur les économies émergentes, croit que la signature de cet accord stimulera vivement l'économie chinoise. « Les projets de construction de chemins de fer relèvent d'industries dont les capitaux reviennent aux acteurs en amont. Il est ainsi profitable pour la Chine d'exporter ses équipements de chemins de fer et de transférer des matériaux de construction produits en surplus, des éléments dont les pays africains sont particulièrement demandeurs. »

 

*ZHOU RUI est journaliste à China News Service.

 

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