CHINAHOY

29-April-2014

Chengdu-Montpellier, une histoire qui dure

 

L'adjoint au maire de Montpellier, citoyen d'honneur de la ville de Chengdu, visite l'école pour les enfants de paysans-ouvriers de Chengdu. (CFP)

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

C'est en 1981 que la ville de Montpellier a décidé, à l'initiative de son maire d'alors, Georges Frèches, de créer un jumelage avec la ville de Chengdu. Il faut rappeler qu'à cette époque, Chengdu n'était pas encore la ville prospère qu'elle est aujourd'hui et le Sud-Ouest de la Chine, une région encore pauvre et peu développée.

Aujourd'hui, Chengdu est connue pour être la ville dont le développement est le plus rapide du monde, et sa population avoisine les 15 millions d'habitants, ville et alentours confondus. Une dizaine de lignes de métro sont en construction et la marge de développement attire beaucoup d'investisseurs étrangers.

Mais qui aurait pu croire en 1981, lorsque Montpellier se jumelait avec une ville qui n'était qu'historiquement développée et dont l'économie ne fleurissait pas autant que les fleurs de ses parcs, que ce jumelage eût une telle importance aujourd'hui ?

C'est pourtant le pari de la fidélité qu'a relevé la ville de Montpellier en gardant des liens de coopérations très serrés depuis trente ans et ce dans différents domaines, tels que les échanges culturels, scolaires, universitaires mais aussi dans la médecine et la technologie plus récemment.

La municipalité de Montpellier et son agglomération sont très implantées à Chengdu et j'ai eu la chance de rencontrer deux représentantes de Montpellier là-bas : Béatrice, directrice chinoise de la Maison de Montpellier à Chengdu, et Cindy Bellemin-Magninot, représentante de l'agglomération de Montpellier à l'EUPIC (European Union Project Innovation Center), le partenaire de l'agglomération de Montpellier en Chine. Et bien sûr, j'ai eu la chance de rencontrer la responsable des affaires européennes de la ville de Chengdu, Mme Wu.

Un jumelage bien ancré

Mme Wu m'a présenté un peu les relations entre Chengdu et Montpellier : « La première chose à retenir est l'histoire de ce jumelage, le plus ancien entre une ville chinoise et une ville européenne. La France avait déjà implanté une représentation au début du XXe siècle, mais celle-ci disparu dans les années 40. Le maire de Montpellier a choisi la capitale de la province dont était issu le dirigeant chinois de l'époque, Deng Xiaoping. »

J'apprends par Béatrice, la directrice de la Maison de Montpellier à Chengdu qu'une exposition a été organisée après la donation d'une collection de photos de Chengdu au début du XXe siècle pour célébrer cette implantation française dans la région.

« La coopération avec la France se faisait surtout au niveau scolaire et culturel dans les débuts du jumelage, avec des envois réciproques d'élèves en France et en Chine, mais aussi par des rencontres entre dirigeants des deux pays. Petit à petit, un nouveau volet est ouvert : celui des échanges sur la médecine. Le maire de Montpellier et la première adjointe étant eux-mêmes tous deux médecins de profession », explique Mme Wu.

« Je pense que la coopération est également très vive au niveau culturel et artistique, décrit la directrice de la Maison de Montpellier à Chengdu, nous organisons chaque année beaucoup d'évènements avec des partenaires montpelliérains, notamment des concerts, la Semaine de Montpellier, des dégustations de vins du Languedoc en partenariat avec l'EUPIC mais aussi des expositions comme celle pour la reconstruction après le tremblement de terre. En plus, on participe également à l'élaboration de programmes d'échanges entre écoles de Chengdu et de Montpellier. » Béatrice ajoute que « l'Alliance française de Chengdu est aussi bien implantée, elle est installée à l'Université électronique du Sichuan et aide les élèves chinois à partir en France ». « Nous avons également aidé à l'implantation d'un Institut Confucius à l'université jumelle de Montpellier. » Comme symbole de l'amitié entre les deux villes, il faut aussi rappeler cette œuvre d'art contemporain baptisée le « puits de l'amitié » construite dans chacune des villes, sur la place principale. Elle consiste en un puits dans lequel on a mis une caméra qui permet aux habitants de se voir d'un bout à l'autre de la Terre par ce puits.

De nouveaux domaines d'échanges

« Récemment, les échanges entre Montpellier et Chengdu se sont approfondis et recouvrent également les nouveaux domaines tels que la médecine, les nouvelles technologies, la viticulture et l'urbanisme. La ville de Montpellier, avec le jumelage, a permis des échanges sur la médecine et l'hygiène qui ont amené la Faculté de médecine de Montpellier à devenir la seule école française, voire européenne, à pouvoir décerner un diplôme de médecine traditionnelle chinoise. Cette spécialité compte actuellement 80 étudiants. C'est dire le succès de cet échange », s'enorgueillit Béatrice.

« Mais on fait aussi des évènements sportifs. Cette année, on participe à l'organisation du FISE : le Festival international des Sport extrêmes. Pour le cinquantenaire des relations diplomatiques franco-chinoises, une école de Chengdu sera baptisée "Montpellier" et une autre "Chengdu", à Montpellier », ajoute-elle.

« Depuis son installation, le Consulat de France à Chengdu regroupe une centaine de Français et organise chaque année au printemps le festival Croisements qui est un bon moyen de faire découvrir la culture française aux gens de Chengdu. Cette année, avec le cinquantenaire, ces célébrations vont se multiplier et permettre à plus de personnes de Chengdu d'avoir accès à la culture française », complète Mme Wu.

« Pour ce qui est de la coopération sur l'écologie, le président Xi, lors de son voyage en France, a signé un accord pour créer une réserve franco-chinoise qui consiste en un parc naturel avec un lac dans la banlieue de Chengdu. Cela fait partie d'un programme de protection de l'environnement que nous mettons en place autour de la ville. La ville de Montpellier va également participer à la restauration d'un couvent et d'une église construits à Bailu par des missionaires français au début du XXe siècle et qui par manque d'entretien se sont effondrés pendant le tremblement de terre de 2008. Tout cela dans l'optique de créer du tourisme dans cette région », termine Mme Wu.

Élargissement à l'agglomération montpelliéraine

L'agglomération de Montpellier, qui regroupe 31 communes limitrophes, est elle aussi très présente à Chengdu grâce au jumelage. C'est la représentante de l'agglomération montpelliéraine, Cindy Bellemin-Magninot qui me reçoit pour compléter cette interview. Son bureau est situé non loin du gouvernement de la ville de Chengdu, dans un bâtiment nommé « La Défense » en face du plus grand bâtiment au Monde : le Global Center de Chengdu. Dans son bureau, avec vue sur le Global Center, Cindy, vingt-six ans, m'explique son rôle dans la coopération au sein de l'EUPIC, organisme chinois mi-public mi-privé dépendant de la ville de Chengdu, soutenu par l'agglomération de Montpellier et consacré aux échanges innovants avec les pays de l'Union européenne.

Pour commencer, Cindy déclare de but en blanc : « Je commence par la partie technique, je te parle du vin après ! Donc deux volets de la cooperation : l'incubateur de nouvelles technologies et la plate-forme viticole. Le premier projet consiste en des partenariats entre entreprises françaises et chinoises. Il a été mis en place dans des domaines techniques très particuliers comme notamment les étiquettes anti-contrefaçon développées par une entreprise français : TAGEOS, et fabriquées en Chine pour le marché chinois. Mais nous faisons aussi ce qui a rapport aux technologies numériques. C'est pour cela que nous avons également des implantations dans le Software Park de Chengdu. Ce partenariat est relié à la politique de la "ville numérique" lancée par l'ancienne ministre déléguée française chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique, Fleur Pellerin. L'agglomération de Montpellier s'est lancée dans l'aventure et est en train de développer des villes nouvelles avec des quartiers modernes sur le modèle de la « smart city » qui comprennent des projets d'urbanisme nouveaux dans lesquels seront créés des complexes logements-surfaces commerciales-transport-loisirs totalement intégrés et il faut des investisseurs ! D'où le besoin d'aller parfois chercher des investisseurs chinois et de développer des partenariats au niveau technologique, Chengdu étant en train de devenir la Silicon Valley chinoise. »

La plate-forme viticole de l'agglomération de Montpellier

« La seconde partie du partenariat est la plate-forme viticole qui regroupe une vingtaine de viticulteurs de la région du Languedoc. C'est la région viticole dont la production est la plus importante au monde, il ne faut pas la sous-estimer. »

« Cette plate-forme a été créée en 2012 au moment du congrès de l'EUPIC à Chengdu et reçoit les soutiens de l'agglomération de Montpellier, de Chengdu et de la province du Sichuan. Cette plate-forme est tournée vers tout le marché chinois et possède trois buts principaux. Le premier est de permettre aux viticulteurs du Languedoc d'entrer sur le marché chinois avec une structure pour les aider ; le second, permettre une traçabilité des vins français en Chine, avec des prix contrôlés et des labels d'authenticité ; le troisième est de développer la culture autour du vin, organiser des dégustations et éveiller le public chinois à l'œnologie en quelque sorte. »

Pas une mince affaire selon Cindy, car les viticulteurs français avec qui elle travaille n'étaient pas du tout au courant des règles du marché chinois et surtout des formalités chinoises pour l'importation : analyses d'hygiène, transport, taxes... Elle plaisante même en disant que la pile de documents grandit un peu tous les mois. « C'est donc une structure gratuite qui les aide, c'est un vrai support pour entrer dans le marché chinois. On a actuellement 22 coopérants », ajoute-elle.

De nouvelles entrées qu'on ne soupçonnait pas...

« Avant, pour vendre le vin du Languedoc, nous faisions le tour des fonctionnaires, mais depuis la politique anti-corruption, les portes se sont fermées... On a cru que c'était fini pour ce commerce-là en Chine, pourtant une autre s'est ouverte de l'autre côté... On ne la soupçonnait pas ! »

Le marché de l'alcool en Chine, notamment celui de l'alcool de céréales a connu une chute vertigineuse à cause de la lutte contre la corruption, et la « bulle alcoolique », comme l'appelle Cindy, qui consistait en un gonflage des prix des alcools locaux en fonction de leur année de production, a enfin éclaté et les Chinois se tournent vers les vins étrangers, notamment français. « Moins chers, mais souvent de bonne qualité, meilleurs pour la santé et surtout dans lesquels on peut vraiment investir car le vin français se bonifie ; le vin chinois non, car il est distillé et un vin distillé ne bouge pas ! » explique-t-elle avec amusement.

La foire aux vins et liquoreux de Chengdu est la plus grosse foire de ce type en Chine, c'est donc une aubaine pour la région de Montpellier. Chaque année, à cette occasion sont organisées des dégustations dans les grands hôtels de la ville et c'est le moyen de faire découvrir la culture du vin aux Chinois. « La première année d'essai a été excellente car les ventes ont dépassé les espérances de la plate-forme avec 135 000 bouteilles vendues, soit un chiffre d'affaires de 450 000 euros. Le but de la plate-forme étant de doubler ce chiffre en deux ans et de rendre la plate-forme autonome pour que l'agglomération de Montpellier puisse se retirer du financement pour partir sur d'autres projets », conclut-elle.

Sur ce, elle m'enjoint d'aller visiter le Global Center situé juste derrière « La Défense » pour me rendre compte un peu de quoi les Chinois sont capables dans leur folie des grandeurs !

 

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