CHINAHOY

26-September-2013

Les séries chinoises débarquent en Afrique

 

Affiche de Doudou et ses belles-mères

 

XUE LEI*

En mars dernier, dans le discours qu’il a tenu au Centre de convention international Julius Nyerere en Tanzanie, le président chinois Xi Jinping a parlé du succès que remportait dans ce pays la série Doudou et ses belles-mères, d’origine chinoise.

En quelques mois, l’engouement pour les séries chinoises en Afrique n’a cessé d’augmenter. Des groupes tels que Radio Chine Internationale (CRI) et China International Television Corporation (CITC) travaillent de concert au doublage et à l’exportation vers l’Afrique de 10 séries, 52 films, 5 dessins animés et 4 documentaires « made in China », en vue de faire entrer les productions télévisuelles chinoises dans une nouvelle ère.

La popularité de Doudou et ses belles-mères

La première série chinoise à avoir été exportée, il y a trois ans de cela, s’intitule Doudou et ses belles-mères.

En septembre 2010, Wang Guangjian, le responsable à l’époque du centre de diffusion pour l’Afrique et l’Asie de l’Ouest à CRI, s’était rendu en Tanzanie, où il avait été reçu par l’attaché culturel de l’ambassadeur de Chine en Tanzanie, Liu Dong. Lors de leur rencontre, Liu Dong avait fait part d’une de ses idées à son invité : « Par le passé, les productions télévisuelles étrangères étaient diffusées en Tanzanie avec les sous-titres anglais. Mais ne serait-il pas possible d’adapter les séries chinoises en swahili ? »

À l’époque, CRI n’avait encore jamais entrepris d’activités de doublage. Mais comme le groupe emploie des traducteurs professionnels en swahili et que la Tanzanie affiche des avantages uniques en termes de promotion (bureaux de CRI, classes Confucius), il a décidé de relever le défi. C’est ainsi qu’ont commencé les premières tentatives d’exportation de séries chinoises en version swahilie.

Le premier problème était de savoir quelle œuvre choisir. Après des études menées conjointement par les experts swahilis, la branche tanzanienne de CRI et Tanzania Broadcasting Corporation, la décision finale s’est arrêtée sur Doudou et ses belles-mères. « Cette série reflète la vie contemporaine dans les villes chinoises, et c’est bien ce que veulent voir les téléspectateurs africains », a précisé Li Yi, responsable du département traduction-communication au centre de doublage cinématographique et télévisuel relevant de CRI.

Après que la société cinématographique Hualu Baina a cédé gratuitement les droits d’auteur, le travail de doublage a pu commencer. De la traduction du script par la section swahilie de CRI à l’enregistrement des voix de comédiens et étudiants étrangers, le processus a pris au total six mois. Le 23 novembre 2011, Doudou et ses belles-mères arrivait officiellement sur le petit écran tanzanien, en swahili !

Li Yi se souvient encore comme si c’était hier de la première de la série en Tanzanie : le ministre des Sports, de la Culture, de la Jeunesse et de l’Information était présent à cette cérémonie. Tout au long du visionnage du premier épisode en version swahilie, il était tout sourire. En plus, il n’arrêtait pas de recevoir des SMS de félicitations concernant le rendu final du doublage. Ont également assisté à cette soirée des fonctionnaires locaux et des journalistes, qui ont regardé la série avec beaucoup d’intérêt.

Depuis, grâce à la promotion de la Tanzania Broadcasting Corporation, Doudou et ses belles-mères en swahili fait un carton en Tanzanie.

Projets pour l’Afrique

On prévoit que les meilleures séries chinoises vont mettre trois à cinq ans pour entrer progressivement en Afrique. En 2013, celles-ci étaient diffusées dans 15 pays africains ; ce chiffre devrait atteindre 30 l’année prochaine.

Dans la seconde moitié de l’année, le centre de doublage de CRI sortira en Afrique 10 séries et 52 films, ainsi que 5 dessins animés et 4 documentaires. Ces productions, qui ont été doublées en anglais, français, arabe, portugais, swahili et haoussa, seront diffusées sur les chaînes principales des divers pays africains.

En octobre 2012, CRI a établi son centre de doublage cinématographique et télévisuel. Wang Guangjian explique que toutes les séries sont doublées en anglais et en français, et que certaines d’entre elles sont traduites dans des langues autres que celles dites internationales.

Actuellement, le centre de doublage de CRI développe l’adaptation de productions chinoises dans des langues peu communes. Exemples : Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo, doublé en swahili pour l’Afrique de l’Est et en arabe pour l’Afrique du Nord, Doudou et ses belles-mères en portugais pour l’Angola, Beijing Love Story en haoussa pour l’Afrique de l’Ouest. « La technologie en Afrique est limitée. Avant, il était difficile d’afficher les sous-titres en petits caractères sur un téléviseur. De plus, les versions françaises ou anglaises ne pouvaient pas être exportées vers tous les pays africains. L’ajout de ces quelques langues inhabituelles a permis de rendre ces programmes accessibles à presque l’entièreté de la population locale », indique Chen Yanping, directeur adjoint du département de traduction-communication au centre de doublage.

Selon Li Yi, au début, ces séries étaient sous licence libre. L’idée de conquérir le marché n’est venue qu’après. En juin 2013 s’achevait tout le travail de doublage ; le reste de l’année sera consacrée à la partie « promotion ».

 

 

La phase de doublage : amorce des échanges culturels

Dans le studio d’enregistrement de l’université de Technologie du Nord de la Chine, situé au 3e étage de la « section numérique », Song Dandan et Fan Ming apparaissent sur le grand écran, mais ce sont les voix des Tanzaniens Kaboba et Oumali que l’on entend. Tous deux sont dirigés par Li Yanjie, qui les fait répéter encore et encore jusqu’à ce que le résultat soit parfait. Ils font partie de l’équipe de doublage en swahili de la série Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo, arrivée à Bejing en mai dernier.

D’après Wang Xiaoyan, responsable de l’enregistrement, l’équipe de doublage pour Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo n’en est encore qu’à ses débuts. Il y a tout un travail sur le texte, la prononciation, le caractère des personnages interprétés à intégrer. « C’est une vraie formation ! » Dans le groupe, qui se compose de six expatriés venus de Tanzanie et du Kenya, aucun ne possédait d’expérience préalable dans le doublage. Dans son pays natal, Kaboba était un célèbre acteur ; Oumali était animateur radio ; les autres exerçaient des professions du même acabit. Alors, pour obtenir de bons résultats en matière de doublage aujourd’hui, la « formation » élémentaire ne suffit pas : il faut que les élèves fassent bien leurs devoirs en dehors de la classe ! Dans la salle de repos en face du couloir, trois autres acteurs-voix profitent de leur pause pour répéter leur partie en synchronisation avec la version originale de la série.

Dans le studio à côté, les progrès vont bon train. Là ont déjà été doublés en haoussa les seize premiers épisodes de Beijing Love Story. Les acteurs ont grandement gagné en compétences. Le directeur du doublage, Li Jinyan, raconte qu’au tout début, l’équipe rencontrait de nombreuses difficultés et qu’il leur avait fallu sept jours pour boucler le premier épisode. Peu à peu, celle-ci s’est familiarisée avec les procédures, ce qui a permis par la suite de faire un à deux épisodes par jour.

Outre le travail de doublage, la traduction du script n’était pas chose aisée. L’équipe composée d’une dizaine de traducteurs a travaillé d’arrache-pied pour adapter la première saison en langue étrangère en deux mois. Cette tâche a ensuite été finalisée par des experts étrangers et chinois en langues. Enfin, les documents ont été transmis au studio d’enregistrement, qui a effectué une troisième vérification. Souvent, pour exprimer une même chose, la phrase en chinois et celle en langue étrangère n’ont pas la même longueur, ce qui pose problème lors du doublage : les comédiens finissent de parler alors que les personnages à l’écran bougent encore les lèvres, ou inversement. C’est là qu’intervient le directeur artistique, qui allonge ou raccourcit le script de manière à ce que son et image coïncident.

Alors même que la série n’était pas encore apparue en Afrique, les échanges culturels commençaient ici, à petite échelle.

Li Yanjie, auparavant en poste à la section swahilie de CRI, s’est vu confier l’adaptation de la série Doudou et ses belles-mères. Selon elle, les Africains qui se sont impliqués dans ce travail peuvent être fiers d’eux. Alors qu’il venait de reprendre ses études à l’université, l’animateur radio Oumali a demandé à être exceptionnellement dispensé d’assiduité pendant un semestre pour cet emploi. Quand il a pris l’avion pour la Chine, toute sa famille l’a accompagné à l’aéroport pour lui témoigner son soutien.

Depuis quelque temps, Yahaya Babusi, de l’équipe de doublage de Beijing Love Story en version haoussa, comprend mieux la Chine. Babusi est un réalisateur qui vient du Nigeria. Bien qu’il soit du métier, c’était la première fois qu’il voyait une série refléter la vie contemporaine chinoise. Les séries chinoises diffusées au Nigeria portaient avant exclusivement sur les arts martiaux et le milieu rural, et étaient accessibles en version originale sous-titrée seulement. Ainsi, son entourage et lui considéraient les Chinois comme des hors-la-loi : irritables, vicieux, vindicatifs. Pour participer au doublage, il s’est rendu en Chine pour la première fois de sa vie. Il a alors vu qu’en réalité, le peuple chinois est amical et accueillant. « À mon arrivée à Beijing, j’ai été subjugué par le niveau de développement. Tout ce que je voyais dépassait l’imagination », a-t-il ajouté.

Exploitation commerciale

CRI a déjà réalisé la moitié du travail en doublant une dizaine de séries. Durant la seconde moitié de l’année, elle va se charger de lancer ces séries dans quinze pays africains. Il convient alors de se demander sur quelles forces il faudra compter pour promouvoir ces productions chinoises l’an prochain et dans un avenir plus lointain ?

Quand Doudou et ses belles-mères a été diffusé en Tanzanie, des sponsors ont été cherchés parmi les entreprises locales à capitaux chinois. Mais cette initiative n’a finalement rapporté que 100 000 yuans. « Avant que la série ne réalise de bons taux d’audience, les Chinois ne voyaient pas l’influence potentielle que pouvait avoir la série », explique Li Yi.

Mais dorénavant, certaines productions s’orientent déjà vers le marché, comme Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo en version birmane. « Nous envisageons la commercialisation et cherchons de l’aide auprès des entreprises chinoises.

Après avoir pris conscience de ces perspectives commerciales, les studios de production ont cherché à mettre en place un modèle de développement sur le long terme. « Le parrainage des séries chinoises par des entreprises, pour aider ces productions à se tailler une place sur le marché audiovisuel, est une solution gagnant-gagnant efficace. À l’avenir, nous réunirons davantage d’entreprises nationales, pour développer davantage encore l’activité commerciale », a souhaité An Xiaoyu.

CRI n’a cependant pas été mis de côté. Actuellement, Hualu Bania distribue gratuitement, entre autres, Doudou et ses belles-mères et Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo. L’objectif était tout d’abord de soutenir les échanges interculturels de la Chine avec l’étranger. Mais plus important encore, il s’agissait d’une occasion de développer le softpower chinois. Le directeur du service juridique de Hualu Baina, Zhao Yunyun a expliqué que bien que son entreprise n’ait pas pour projet de produire une série à l’étranger, les marchés étrangers devront être pris en considération dès la phase initiale de création.

Cette exportation de séries chinoises ne se limitera pas à l’Afrique et à l’Asie du Sud-Est à l’avenir. À l’heure actuelle, CRI envisage de fonder une base de doublage pour les langues rares, en prenant exemple sur son studio de doublage courant. Elle projette de mettre à profit ses diverses ressources professionnelles pour ces langues peu communes, afin de fournir une plateforme pour l’exportation des productions chinoises vers l’ensemble des pays africains.

 

*XUE LEI est journaliste pour le Quotidien de la Jeunesse de Beijing.

 

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