CHINAHOY

31-October-2013

Le Xinjiang, un épanouissement prometteur

 

Le Marché du commerce international de l’Asie centrale et occidentale au Grand Bazar de Kashgar.

 

INOUE TOSHIHIKO*

Dans les livres et les films, le Xinjiang est présenté comme une région exotique d’un autre temps, et dans les médias, comme une zone de troubles. Mais l’auteur, sur place, a découvert un Xinjiang moderne, peuplé d’habitants chaleureux. Un contraste frappant entre les préjugés et la réalité...

Aux yeux des Japonais, le Xinjiang est en quelque sorte un lieu mythique, car beaucoup d’entre eux, moi y compris, en ont entendu parler pour la première fois à travers les descriptions que le classique chinois Pèlerinage vers l’Ouest fait des régions de l’Ouest. L’histoire de ce roman, rédigé au XVIe siècle, a été reprise par une légion de dessins animés, livres et films d’animation, et fascine toujours autant les petits Japonais d’aujourd’hui.

Au début des années 1980, le documentaire La Route de la Soie a été diffusé sur le petit écran au Japon. Fort de son triomphe immédiat, il donna naissance à une vague de programmes et d’ouvrages prenant pour thème cette ancienne voie de communication, ravivant une passion commune pour les régions de l’Ouest. Les contes de ces contrées exotiques ont attisé l’imagination de nombreuses générations de Japonais. Il y a déjà 1 300 ans, de précieuses reliques artisanales provenant de cette zone avaient été apportées au Japon. Certaines sont actuellement exposées aux musées de Nara, qui attirent chaque année des centaines de milliers de visiteurs.

Beaucoup de Japonais aspirent à se rendre au Xinjiang en empruntant la route de la Soie. Mais ce n’est pas chose aisée. Le Xinjiang est vaste – quatre fois le territoire du Japon – et loin. Par ailleurs, les sites touristiques sont éparpillés aux quatre coins de la région. L’expédition demande donc du temps et un solide budget. Pour ces raisons, la plupart des Japonais décident d’entreprendre ce périple une fois à la retraite.

J’ai rencontré un groupe de voyageurs japonais au Grand Bazar de Kashgar, au sud-ouest du Xinjiang, considéré comme le plus grand marché d’échanges internationaux d’Asie centrale et de l’Ouest. La majorité des membres de ce groupe étaient des retraités, qui avaient déjà foulé cette région auparavant. Quand je leur ai demandé pourquoi effectuer une seconde visite, l’un d’entre eux a répondu : « Lors de mon premier séjour, je suis resté sidéré devant ce paysage, cette culture, ces coutumes. De plus, nos guides locaux n’avaient pas manqué de prévenance et de gentillesse à notre égard. Donc, me revoilà ! »

Certains Japonais hésitent à voyager au Xinjiang pour des questions de sécurité ; certains abandonnent l’idée face à l’opposition de leur famille. Mais bien qu’abondent au Japon les informations sur l’ancien Xinjiang, peu de connaissances circulent dans mon pays sur l’actuel Xinjiang. Ces visiteurs japonais que j’ai rencontrés m’ont tous confié qu’ils ne s’étaient à aucun moment sentis en danger dans cette zone et qu’ils n’avaient pas noté la moindre tension parmi les locaux. Que mes chers compatriotes se rassurent donc !

Le Xinjiang moderne

Depuis la première diffusion de La Route de la Soie au Japon, le Xinjiang a connu, durant plus d’une trentaine d’années, d’immenses changements, dont mon peuple est cependant peu informé. Par exemple, rares sont ceux qui savent que le houblon utilisé pour produire les bières japonaises est importé du Xinjiang. Et il en est de même pour le ketchup qui assaisonne l’omusairu (omelette de riz japonaise). Mais bien que je fasse partie du petit nombre au courant de ces éléments, j’ai tout de même été interloqué par les scènes que j’ai observées lorsque j’ai débarqué pour la toute première fois à Ürümqi, la capitale de la région autonome, scènes bien différentes de celles présentées dans le documentaire. Je m’attendais à un village austère, perdu au milieu d’un infini désert. Pourtant, devant moi se déployait une métropole moderne, où les fast food et les chaînes de supermarchés de marques internationales font partie du décor, et où les passants dans la rue affichent un style vestimentaire tout aussi élégant que les Pékinois.

Dans le musée du Xinjiang, j’ai pu contempler la « beauté de Loulan », une momie datant de l’ancien royaume de Loulan déterrée en 1980 à Lop Nor, au sud-est du Xinjiang. Cette momie avait fait sensation lorsqu’elle avait été exposée au Japon en 1992. Au cours de ma visite, j’ai constaté que les Ouïghours étaient loin d’être le seul groupe ethnique au Xinjiang, comme je le pensais de prime abord. Alors que nous nous baladions entre les objets anciens, notre guide nous présentait dans le détail les nombreuses minorités ethniques vivant dans la région, en décryptant leur culture, mœurs et histoire respectives. Nous avons appris que les divers peuples possédaient même leur propre collection d’instruments de musique. Il était fascinant de découvrir la nuance entre la dombra, d’origine kazakhe, et le dôtar, d’origine ouïghoure. J’en connais certains qui s’inquiètent du devenir des sociétés multi-ethniques, mais il me semble que leurs doutes s’apaiseraient après un tour dans ce musée.

Des jeunes Ouïghours, dans les faubourgs de Kashgar

 

Un peuple accueillant

J’ai été tout autant impressionné par l’hospitalité des gens du Xinjiang que par le fort développement de l’économie, de la culture et de la société de la région. Un ami à Beijing m’avait un jour montré une photo qu’il avait prise dans ma ville natale, Hokkaido, plus précisément dans un magasin de fruits de mer, commentant que le propriétaire avait gracieusement attrapé un des crabes de son aquarium, juste pour son cliché. Il lui en avait été très reconnaissant, car peu de Chinois en auraient fait autant pour des visiteurs n’ayant aucune intention d’acheter quoi que ce soit dans leurs boutiques. Mais mon expérience au Xinjiang a démontré le contraire. Un jour, alors que j’arpentais les rues de Kashgar, j’ai repéré un salon de coiffure pour hommes et y ai pénétré. Le coiffeur, qui était en train de tailler la barbe d’un client, me laissa prendre autant de photos que je le désirais. Son unique recommandation : « Capture au mieux mon art ! »

Les enfants que je croisais dans la rue m’adressaient leur plus large sourire quand je les visais avec mon objectif, et les chefs cuisiniers au Festival international du tourisme, de la culture et de la gastronomie de Kashgar se montraient tout aussi coopératifs avec les photographes et journalistes. Quand je me suis approché d’un jeune homme faisant griller un poisson, celui-ci s’est positionné de façon à me donner le meilleur angle possible pour ma photo. Il a même gardé son bras très proche des flammes en attendant que j’appuie sur le bouton. Aussi, à un étal faisant griller des baozi, le vieux chef s’est penché au-dessus de sa plaque chauffante pour m’indiquer que je pouvais prendre des clichés à mon gré.

Un soir, j’étais en train de photographier les anciennes résidences de Gaotai, un hameau ouïghour six fois centenaire construit sur une pente abrupte au nord-est de la vieille ville de Kashgar, lorsqu’un jeune garçon du coin est venu me demander : « Est-ce que je peux essayer ton appareil photo ? » La plupart des voyageurs répondraient instinctivement « non », car si nous n’en avons pas déjà été victimes, nous avons tous entendu des histoires terribles dans lesquelles des jeunes à l’air innocent posent la même question, puis prennent la poudre d’escampette avec les objets de valeur que les touristes imprudents avaient eux-mêmes placé entre leurs mains. Mais au Xinjiang, c’est différent. Muni de mon réflex, le garçon, tout joyeux, prit une photo de moi avec son frère, avant de me rendre mon bien. Voyant son enthousiasme pour la photographie, je lui ai enseigné quelques principes fondamentaux à savoir pour utiliser ce type d’appareil. Peut-être verra-t-on dans la ville, d’ici vingt ans, émerger un grand photographe. Je déclarerais alors fièrement que ce fut moi qui le mit sur les rails de cette carrière.

Quand je m’aventurais dans les rues et les boutiques de Kashgar, nombre de locaux s’approchaient de moi pour engager la conversation, me posant des questions du genre « De quel pays viens-tu ? » ou « Pourquoi es-tu ici ? » Il s’agit d’un peuple ouvert et tolérant. Et en se plongeant dans l’histoire il est facile de comprendre pourquoi : Kashgar, étape clé de la route de la Soie, a toujours été un melting pot à travers les âges. Cette caractéristique donne aux gens de Kashgar, et même à tout le peuple du Xinjiang, leur réputation de « diplomates civils », à l’heure où s’intensifient dans la région les échanges avec les pays de l’Asie centrale et du Sud.

À mon avis, tous les gens qui ont visité le Xinjiang peuvent témoigner de la gentillesse du peuple local, à la manière dont mon ami de Beijing racontait l’histoire de l’aimable commerçant d’Hokkaido.

 

*INOUE TOSHIHIKO est rédacteur au magazine People’s China

 

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