CHINAHOY

29-July-2013

L’institut Confucius de La Rochelle

 
Institut Confucius de La Rochelle (PHOTO: PAULINE DIMEY)
 

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

Depuis 2004, les instituts Confucius se multiplient à travers le globe, avec pour mission de faire découvrir la culture chinoise au monde. Étude de cas à travers l’exemple de l’institut Confucius de La Rochelle.

Lors d’un discours publié début 2012 dans le numéro de janvier de la revue théorique du Parti communiste chinois Qiu Shi, Hu Jintao, alors président, avait déploré que « la puissance culturelle de la Chine et son influence ne correspondent pas encore à sa place internationale ». Ce regret exprimé souligne la volonté du pays de renforcer son softpower, à l’instar des États-Unis qui, par leur image et rayonnement, ont conduit le monde à s’occidentaliser.

La Chine dispose tout de même d’une arme inoffensive pour propager sa culture : les instituts Confucius. Il s’agit d’établissements publics à but non lucratif, qui proposent notamment des cours de mandarin et des activités culturelles pour faire découvrir la Chine. Ils sont financés et gérés par le Hanban (le Bureau de la Commission pour la diffusion internationale du chinois). Depuis 2004, leur nombre s’est multiplié. À l’heure actuelle, on compte plus de 500 classes Confucius et plus de 400 instituts Confucius, répartis dans plus d’une centaine de pays et régions. Ils ont accueilli l’année dernière un total de 665 000 élèves et organisé près de 16 000 activités de tout type.

Des activités diverses et variées

Déjà quinze instituts Confucius ont été construits en France, dont un qui s’est ouvert en 2008 à La Rochelle, une ville de taille moyenne de seulement 75 000 habitants, mais qui a fait le choix de miser sur l’Asie. Ainsi, l’université de La Rochelle propose des cours de mandarin, de coréen et d’indonésien et a établi tout un réseau d’échanges avec des établissements du monde entier, notamment avec des universités chinoises, comme la BLCU (Beijing Language and Culture University) par exemple. Cette spécialisation lui a permis de se démarquer des universités alentours plus grandes et de se faire une place dans le paysage académique français. La mise en place d’un institut Confucius dans cette ville s’inscrivait donc dans une suite logique.

Malgré sa taille réduite, l’institut Confucius de La Rochelle propose un large panel d’activités pour faire découvrir la Chine. Sur le plan linguistique, il permet d’apprendre le mandarin, de passer l’examen du HSK (hanyu shuiping kaoshi, test de compétence en langue chinoise) ou encore de participer au concours « Pont vers le chinois ». « Les cours étant donnés à des petits groupes, d’une dizaine d’étudiants seulement, il est plus facile de parler, de s’exercer, de s’exprimer et de demander des précisions, explique Pauline, une étudiante ayant suivi des cours au niveau 3. Les cours prodigués sont dynamiques, intéressants, interactifs. »

« À l’université, les cours sont sanctionnés par une note. C’est motivant pour certains, mais c’est aussi stressant. Je trouve que le fait de ne pas avoir de contrôles nous permet de venir plus sereinement, d’apprendre à notre rythme. Cependant, il est nécessaire de garder des diplômes comme le HSK pour valider les acquis et donner aux élèves des buts précis à atteindre », soutient Pauline. Quand étudier n’est pas une nécessité, mais un réel plaisir, l’ambiance est assurément plus chaleureuse et détendue.

Sur le plan culturel, l’institut Confucius organise des cours de cuisine chinoise, des cours de tai-chi, des cours de calligraphie, des séances de visionnage de films chinois, des expositions, des repas à l’occasion des fêtes chinoises... et même un voyage en Chine chaque été ! À seulement 15 ans, Anne-Sophie, élève à l’institut, avait ainsi eu la chance d’effectuer un séjour d’un mois dans ce pays d’Extrême-Orient. « C’était une première pour moi et jusque-là, la plus grande expérience de ma vie. J’ai évolué, grandi, appris. » Elle garde un profond souvenir des lieux qu’elle a visités, comme le temple des Lamas à Beijing, la cour carrée de l’écrivain Lu Xun et le jardin Yuyuan à Shanghai, ainsi que de la charmante ville de Shaoxing. Et bien sûr, elle n’oublie pas la première fois qu’elle s’est essayée au tai-chi ou encore qu’elle a goûté du scorpion. « À ce moment-là, tu oublies tous tes préjugés, tu fermes les yeux sur l’aspect extérieur, et bon appétit ! » Bref, Anne-Sophie est repartie avec plein de souvenirs en tête, mais aussi dans ses valises. « J’ai adoré négocier quand je faisais du shopping ! Dans le fond, c’est un vrai exercice qui requiert d’utiliser le vocabulaire appris en cours. C’est formidable de pouvoir communiquer ainsi avec la population locale. »

Sur le plan financier, l’inscription annuelle reste abordable en comparaison avec l’université : 250 € pour les externes, 150 € pour les lycéens et étudiants.

Une activité calligraphie (PHOTO: PAULINE DIMEY)
 

Médiateur des échanges sino-français

Parmi le personnel, Chinois et Français sont mélangés. Liu Dan, au cours de son stage d’un an dans cet institut, avait travaillé en collaboration avec au moins trois stagiaires français, en charge principalement de traductions et de relations avec les partenaires extérieurs. C’est un véritable échange qui s’opère au sein même de cet édifice entre les ressortissants des deux pays. Mickaël, un étudiant qui avait réalisé un stage de quatre mois à l’institut Confucius de La Rochelle, nous raconte : « Ce qui m’a le plus plu, c’est la collaboration avec les collègues chinois. Je parlais tout le temps mandarin avec eux, ce qui m’a permis de bien progresser. »

Avant de promouvoir la culture chinoise, il faut déjà s’adapter au pays d’accueil et chercher à comprendre ce qui suscite l’intérêt des élèves envers la Chine. Yang Xi est professeur à l’Institut depuis cinq années maintenant. Avant de venir en France, elle avait enseigné quinze ans à la BLCU. Elle s’est facilement adaptée à un auditoire français mais note quelques différences pour ce qui y est des méthodes d’enseignement : « En Chine, l’enseignant parle beaucoup pendant les cours, tandis qu’en France, ce sont les étudiants qui parlent le plus. Les élèves français ont le contact facile. À l’institut Confucius, ils sont en petit nombre. Ainsi, ils participent beaucoup et progressent rapidement. »

Liu Dan, qui avant son départ pour la France, avait déjà enseigné le chinois à des étrangers à l’université Tsinghua, confirme cette tendance. Elle ajoute : « Les élèves français sont très gentils. Certains m’ont même invitée à manger chez eux, peut-être par curiosité pour la Chine. En revanche, parfois, ils n’étudient pas assez sérieusement ». En conclusion, elle affirme que ce stage fut une très belle expérience pour elle, qui lui a permis de mieux comprendre la France en découvrant plus profondément son histoire, sa culture et surtout, ses habitants.

 

Anne-Sophie, en visite à la Grande Muraille de Chine en 2010, dans le cadre d’un voyage organisé par l’institut Confucius

 

Perspectives d’avenir

Malgré la variété des activités proposées et les avantages par rapport à l’apprentissage académique du chinois, il semblerait que les instituts Confucius restent méconnus et sans grande influence. À titre d’exemple, Mickaël avait terminé 2e au concours national de « Pont vers le chinois » en 2008, mais confie : « Honnêtement, je ne pense pas que ma participation et mon succès lors de la compétition m’aient ouvert des portes au niveau professionnel, car peu connaissent ce concours. Ce sont plutôt mon niveau de chinois et ma connaissance de la culture qui m'ont été utiles. Quoi qu’il en soit, j’en garde un très bon souvenir. Cela m’a permis de rencontrer du monde, et j’ai dû me dépasser et travailler amplement pour préparer la performance scénique. » Il s’était effectivement longtemps entraîné pour présenter, face à un public attentif, un sketch comique en chinois.

Nous avons demandé aux intéressés ce que l’institut Confucius de La Rochelle devait entreprendre pour se faire connaître davantage et attirer toujours plus d’élèves. « Il faut que l’institut continue d’organiser des évènements culturels fédérateurs (voyages, expositions, séminaires, cours de langue, célébration du Nouvel An chinois...) », a suggéré Mickaël. Dans sa réponse, Anne-Sophie s’est attachée à des considérations pratiques : « Il devrait commencer par remettre les cours le samedi. Certaines personnes étaient parties car le nouvel horaire n’était pas adapté à leur emploi du temps. » Pauline, quant à elle, a indiqué : « Je crois qu’il serait intéressant de toucher les plus jeunes élèves. Aller dans les écoles maternelles et primaires pour faire la promotion de la langue et de la culture chinoise serait une très bonne démarche, les enfants étant avides de connaissances. Personnellement, si j’avais pu commencer le chinois avant, je l’aurais fait ! ».

Au-delà du manque de notoriété, les instituts Confucius font parfois l’objet de controverses. Certains craignent la perte d’indépendance des universités, étant donné que l’organisme étatique Hanban finance l’établissement de ces instituts Confucius. L’institut Confucius de La Rochelle présente un cas particulier : il est né d’une collaboration entre la BLCU, l’université de la Rochelle et l’agglomération de La Rochelle. Trois acteurs donc, chinois et locaux.

D’autres encore y voient une manœuvre de propagande car les professeurs et une partie du matériel didactique utilisé arrivent tout droit de Chine. Il en est même certains pour soupçonner ces instituts d’espionnage. Il est vrai que les futurs professeurs sont formés pendant deux mois en Chine, par le Hanban. Liu Dan nous a expliqué que divers points étaient abordés : comment enseigner et communiquer avec des étrangers, et comment vivre en dehors de Chine. Il semble donc que ces formations aient pour objectif avant tout de préparer les futurs enseignants à affronter un éventuel choc culturel, et non pas de diffuser des points de vue particuliers. De plus, on note que le personnel au sein de l’institut n’est pas exclusivement chinois.

À ces accusations, Xu Lin, directrice générale de Hanban, avait rétorqué dans une interview accordée au Quotidien du peuple : « Les instituts Confucius ne sont certainement pas des chevaux de Troie, puisque nous n’avons pas d’armes entre les mains. En 2011, seulement 12,5 % des instituts utilisaient des manuels publiés en Chine. Nous voulons promouvoir la culture chinoise, mais ne cherchons pas à imposer nos valeurs ou traditions. »

Actuellement, plus de 400 universités sont sur liste d’attente pour accueillir en leur sein un institut Confucius, notamment dans les pays émergents, où de plus en plus de personnes souhaitent se consacrer à l’apprentissage du chinois. La prolifération des instituts Confucius a commencé il y a moins de dix ans et sûrement faudra-t-il encore du temps pour qu’ils gagnent en popularité. Mais déjà, le renforcement de leur présence à travers le monde permettra immanquablement d’accroître leur influence.

 

La Chine au présent

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