Zunyi, une ville légendaire

L’abri mondial des fougères arborescentes

La réserve naturelle de Suoluo est l’unique réserve d’échelon national spécialisée dans la protection des fougères arborescentes, qui ailleurs dans le monde n’existent que sous la forme de « fossiles ». Comptant au total 40 000 fougères arborescentes, la réserve a été surnommée par les scientifiques l’ « abri mondial des fougères arborescentes ».

À la vue de ces fougères arborescentes, je me suis rappelée les fossiles des dinosaures à Chuxiong, au Yunnan. Visibles sur la façade de la montagne, ces dinosaures avaient tous la tête tournée dans la même direction. Regardaient-ils la vallée de la rivière Chishui, à près de 500 km de distance ? Ces fougères arborescentes étaient des végétaux très répandus sur notre globe durant la période du Jurassique de l’ère du Mésozoïque, il y a 180 millions d’années, et elles pouvaient atteindre une grande taille ? Elles sont considérées comme des plantes emblématiques de l’époque des grands reptiles, qui vivaient au même âge. Mais au fil des profondes transformations géologiques, et en particulier à cause des attaques à répétition perpétrées par les glaciers, elles ont presque disparu de la surface de la Terre. En Chine, on ne les trouve plus que dans quelques provinces du Sud, comme le Guizhou, le Sichuan ou le Fujian. Et la vallée humide de la rivière Chishui, près de Zunyi, est le seul endroit où ces 400 000 fougères arborescentes sont si épanouies. Certains ont tenté de replanter cette variété quelques mètres plus loin, mais ce fut un échec total. Serait-ce cet intense attachement au sol qui a permis à ces fougères arborescentes d’échapper à la catastrophe qui avait provoqué l’extinction des dinosaures ?

En tant que témoin de l’histoire de la Terre, les fougères arborescentes revêtent une grande importance pour les études paléontologiques sur la flore, la faune, la géologie, le climat et l’environnement, de même que pour les recherches sur l’évolution des êtres vivants.

Elles ressemblent à des parapluies géants, tandis que leurs feuilles sont similaires à de douces plumes. Dans cette réserve naturelle, les fougères arborescentes atteignent en moyenne 4 à 6 m de hauteur, mais les plus grandes peuvent aller jusqu’à 8 ou 9 m. Leur croissance est pourtant très lente : moins d’un centimètre par an. Leur existence de plus de 200 millions d’années perdure tranquillement.

Le lac Qingxi

Situé dans le district de Suiyang, le lac Qingxi s’est formé il y a deux ans seulement, en conséquence de la construction du barrage hydroélectrique sur la rivière Qingxi. Dès ma première promenade, j’ai été touchée par les eaux de ce lac, long de 50 km et large de moins de 100 m.

Le lac Qingxi est au cœur d’une région au relief karstique, un pays de montagnes, de vallées et de grottes. Enserré entre de hautes montagnes onduleuses, les visiteurs se croiraient dans un immense tableau, en croisière sur un bateau.

Lorsque le soleil revient après une averse, le lac offre un paysage des plus étonnants : mille arcs-en-ciel viennent colorer les chutes d’eau tombant du sommet des montagnes. Une vue unique au monde.

Jiudaomen (les Neuf Portes) est l’endroit le plus escarpé près du lac Qingxi. S’y dressent 13 énormes stalagmites rocheuses, surmontées de quelques pins millénaires. Certains pics ressemblent à des colonnes naturelles qui se dirigent droit vers le ciel, avec quelques petits arbustes en contrebas et de grands arbres touffus au sommet, tout comme la montagne Alléluia dans le blockbuster américain Avatar.

Il est possible de descendre la rivière Qingxi en rafting en partant de l’amont. D’une longueur totale de 11,8 km et d’une largeur moyenne de 20 m, la ballade durera deux à trois heures. Quelle sensation de descendre le torrent, tantôt rapide, tantôt lent, entouré des montagnes escarpées atteignant 100 à 150 m. Il s’agit du lieu de villégiature parfait en été pour le rafting, l’exploration, le tourisme et les loisirs.

Grotte Shuanghe, dis-nous donc ta vraie longueur ?

Shuanghe est la plus longue grotte de Chine. En fait, elle ne cesse de s’étendre : l’Union internationale de spéléologie, qui y poursuit ses explorations, annonce une longueur toujours plus longue d’année en année. Elle se trouve à Suiyang, un site-musée du relief karstique. Les interactions millénaires entre l’eau et la roche ont formé ce fantastique relief karstique, dont les grottes constituent un portrait des plus beaux.

Aux dernières nouvelles, Shuanghe mesure 145,7 km de long et se subdivise en 8 grottes principales sur trois niveaux, avec 118 grottes secondaires, 4 rivières souterraines et 23 sorties. C’est la plus importante grotte en Chine en termes de dimensions, ainsi qu’un site touristique de rang mondial. En fait, il s’agit d’un réseau de grottes très concentrées (76 grottes dans quatre villages par exemple) qui communiquent entre elles. La température y est comprise entre 13 oC et 15 oC, avec une teneur en CO2 de 400 ppm. Ces conditions favorisent le tourisme estival.

Les multiples grottes qui composent Shuanghe portent chacune un nom en lien avec leur forme, tels que gypse, rideau d’eau, lotus, cannelle, roi de la montagne, sapin, etc. Chaque grotte possède sa propre particularité : à titre d’illustration, la « fosse du raisin » dans la grotte Gypse fait penser au raisin de Turfan dans le Xinjiang ; dans la grotte Lotus, les touristes peuvent admirer un « bouquet de fleurs de lotus dans un étang d’eaux limpides » ; plus étonnant encore, dans la grotte Cannelle, vous serez amené à voir 5 000 m2 de concrétions, un record en Asie.

Bien d’autres merveilles vous attendent dans ces grottes : des fontaines mystérieuses, une flore riche et variée, et une ancienne culture humaine. De plus, le parc géologique de la grotte Shuanghe est un passage obligé pour tout visiteur s’aventurant à Zunyi.

En somme, la culture des grottes du Guizhou est aussi raffinée que mystérieuse. De la découverte des traces de l’homme de Tongzi qui vivait dans la grotte Yanhui il y a 200 000 ans, à la détention des généraux patriotiques Zhang Xuanliang et Yang Hucheng dans les grottes du Guizhou sur ordre de Tchang Kaï-chek, en passant par les cours donnés en ces lieux par le philosophe Wang Mingyang sous la dynastie des Ming après qu’il fut tombé en disgrâce, ainsi que les années où étaient creusées des réserves souterraines de céréales en prévision d’une guerre imminente : les grottes du Guizhou ont retenu une très vaste culture.

Les effluves des divers alcools se répandent à travers le globe

Est-il concevable de refuser une dégustation des alcools de Zunyi lorsqu’on y met les pieds ? Non, sans doute, cependant, il me semble qu’il est impossible de les goûter tous, étant donné que plus de 360 marques de boissons alcoolisées sont produites à Zunyi. Dix d’entre elles jouissent d’une réputation nationale, dont le Moutai, considéré en Chine comme « la liqueur nationale ». On compte une centaine de fabricants d’alcool enregistrés, qui ensemble composent la « grande famille de l’industrie de l’alcool ».

Cette famille est abreuvée grâce à une rivière qui prend sa source dans le département de Chuxiong, au Yunnan : la rivière Chishui. Affluent du Yangtsé, celle-ci s’est acquis le joli petit nom de « rivière des alcools ». Traversant une région au sol ocre, la rivière Chishui (« eau rouge ») a pris une teinte rouge-brun après que les fortes pluies ont charrié cette terre colorée, d’où son nom. Sur les deux rives de la rivière Chishui, se dressent des falaises abruptes ainsi qu’une multitude de fabriques qui diffusent un délicieux parfum d’alcool. Mais seulement le bourg de Moutai a réussi l’exploit de faire couler « l’eau » de Chishui dans le monde entier.

En 1915, lors de l’Exposition universelle de Panama-Pacific, le Moutai, en tant que 2e meilleur alcool, a reçu une médaille d’argent, juste derrière le cognac, qui a obtenu la médaille d’or. Un fait amusant s’est déroulé ce jour-là. Au cours du banquet, alors que les invités dégustaient naturellement le cognac, quelqu’un a fait tomber, par mégarde, une bouteille de Moutai et son arôme emplit toute la salle. Sentant cette agréable odeur, les hôtes s’exclamèrent en chœur « Hum, délicieux ! », puis se dirigèrent vers le délégué chinois pour passer commande. Le Moutai devint alors la boisson alcoolisée la plus vendue dans le monde cette année-là. Depuis, le Moutai jouit d’une réputation mondiale. Zunyi n’a jamais manqué d’alcools, tout comme elle n’a jamais manqué de grands lettrés et stratèges militaires.

La Chine au présent