CHINAHOY

2-April-2015

L’hybridation des chromosomes des plantes supérieures : une première chinoise

 

Zhu Peikun.

 

LI WUZHOU, membre de la rédaction

« Dieu créa la vie » : une phrase qui n'est étrangère à personne. Elle reflète bien la difficulté de donner vie à de nouvelles espèces. Mais aujourd'hui, l'hybridation réussie des plantes a permis à l'humanité de faire un grand pas dans ce domaine.

Le 1er janvier dernier, le Bureau pour la protection des nouvelles variétés de plantes relevant du ministère chinois de l'Agriculture a publié la 93e liste des nouvelles variétés autorisées. Parmi elles figuraient deux plantes hybrides, Bailüzhenyu 18 et Bailüzhenyu 216 de leur nom chinois, nées du croisement de pois et de maïs. C'est après des années de tests et d'analyses que cet hybride pois-maïs a pu acquérir une certification nationale. La Chine est le premier pays à avoir développé des chromosomes d'hybridation interspécifiques fonctionnels.

Par le passé, dans les sciences de la génétique et de l'amélioration des plantes, une règle était considérée comme immuable : le croisement de deux espèces lointaines ne permet pas de donner naissance à une nouvelle plante ou graine. L'hybridation interspécifique était tout bonnement inconcevable. Or, selon la taxonomie végétale, le pois appartient à la famille des légumineuses dicotylédones, tandis que le maïs fait partie de la famille des graminées monocotylédones. Ainsi, la validation de cet hybride pois-maïs par le ministère chinois de l'Agriculture a mis en évidence que ce problème d'ordre international avait finalement été résolu, grâce aux efforts du scientifique chinois Zhu Peikun.

Des spécialistes de l'université de Shenzhen, l'université Fudan et l'université des sciences et technologies de Hong Kong ont procédé à des analyses par immunoélectrophorèse, lesquelles ont confirmé que le maïs hybride créé possédait une quantité notable de protéines associées au pois cultivé, preuve que les gènes de ces deux variétés avaient bien fusionné pour donner une nouvelle pousse hybride. Cet exploit a marqué l'entrée dans une nouvelle ère : celle de la modification possible de toutes sortes de graminées cultivables.

De plus, sur les résultats du test par hybridation in situ en fluorescence, plus de la moitié des chromosomes apparaissaient clairement colorés en bleu et en rouge, ce qui signifie que les ADN hétérologues du maïs et du pois avaient bien fusionné et formé de nouveaux chromosomes nucléaires. Après hybridation complète des deux plantes, chacun des 20 chromosomes des 10 paires de chaque plante était devenu hybride.

Zhu Peikun se consacre à la recherche dans le domaine de l'hybridation non conventionnelle des plantes supérieures depuis 1982. Il est le premier à avoir fondé les théories scientifiques et les techniques qui y ont trait. Après des années d'essais, il est finalement parvenu en 2001 à hybrider des graminées, avant de découvrir le secret pour en faire de même avec des plantes supérieures. Grâce à sa trouvaille, l'hybridation de celles-ci ne connaît aujourd'hui plus d'obstacles. En 2011, la maison d'éditions des Sciences et Technologies du Shandong a publié sa monographie : Hybridation des chromosomes des plantes supérieures. Ce livre, le premier au monde traitant de ce sujet, a été primé en 2012.

L'hybridation telle qu'on la connaissait avant se résumait à l'hybridation de genres ou à l'hybridation intraspécifique. Mais ce qu'étudie Zhu Peikun, c'est comment insérer un chromosome d'une plante quelconque dans une cellule d'une autre plante ; puis comment, par la culture différenciée des cellules de chromosomes hybrides, obtenir un nouveau type de plante possédant elle-même des chromosomes hybrides.

En théorie, il est possible d'effectuer des hybridations de ce genre sur n'importe quelle plante supérieure, à partir de deux variétés ou plus, afin de donner naissance à des végétaux nouveaux dont l'humanité pourrait avoir besoin. On pourrait par exemple prendre des chromosomes de spartine (halophytes) ou ceux d'alhagi sparsifolia (résistant à la sécheresse) pour les introduire dans des cellules de plantes vivrières, à dessein d'obtenir de nouvelles variétés de céréales aptes à pousser sur des terrains salés ou montagneux. Il est également envisageable d'hybrider espèces hautement nutritives et espèces à haut rendement, pour créer des végétaux affichant ces deux qualités, tels que le lin-maïs par exemple.

À ce jour, Zhu Peikun a déjà créé plus d'une centaine de nouvelles variétés de céréales à travers sa technique d'hybridation intraspécifique, comme le blé-maïs, le riz-maïs, la spartine-riz ou encore le sorgho-riz. Parmi celles-ci, les espèces riz-maïs et blé-maïs ont déjà été validées par le ministère chinois de l'Agriculture, respectivement en 2009 et 2010.

Récemment, nous nous sommes rendus sur le champ expérimental de Zhu Peikun, situé à Suqian (province du Jiangsu), pour voir de nos propres yeux l'hybridation du lin et du maïs ainsi que la culture de la nouvelle variété créée. En plein automne, nous avons pu observer déjà de gros épis odorants de lin-maïs dans les serres en plastique. Les bractées étaient semblables à celles du lin en version plus grosse, tandis que les grappes et les grains de « lin-maïs » étaient luisants et semblaient même huileux.

La valeur nutritive de ce lin-maïs n'a pas encore été déterminée. Toutefois, un autre hybride de lin-maïs dans la province du Shaanxi a subi des analyses biochimiques, qui ont démontré que la quantité d'acide linoléique contenu dans cette nouvelle variété de céréales était jusqu'à 26,81 % plus élevée que celle du maïs traditionnel. Cette augmentation de la teneur en acide linoléique avait permis d'améliorer la qualité nutritive du maïs. Par conséquent, la technique d'hybridation des plantes supérieures devrait profondément influencer le développement de l'industrie semencière.

À la fin du mois de mars 2014, le magazine américain Science et le magazine britannique Nature ont publié un article indiquant que des scientifiques occidentaux avaient réussi à créer artificiellement un chromosome 3 de levure. Les milieux scientifiques occidentaux avaient salué cette réussite, considérée comme un tournant dans l'histoire de la biologie.

Les levures sont des organismes monocellulaires de type eucaryote les plus basiques qui soient. Selon Zhu Peikun, bien que cette expérience ait permis de former un chromosome eucaryote simple, il s'agit effectivement d'un grand pas pour la biologie synthétique. Cependant, dans le cas des plantes supérieures, l'affaire se corse en raison de la complexité de l'organisme hôte. Créer une plante supérieure hybride avec des fonctions améliorées, qui soit fertile et stable sur le plan du patrimoine génétique, n'est vraiment pas une mince affaire...

Zhu Peikun avait déjà donné vie à une pousse hybride de pois-maïs en 2001. Ainsi, on peut dire que des chromosomes hybrides de pois-maïs avaient été créé artificiellement dès cette date, 13 ans avant l'expérience occidentale portant sur le chromosome 3 de levure. La méthode de Zhu Peikun consiste à prendre un chromosome étranger, par exemple, celui d'un pois, et à l'introduire dans une cellule de maïs. À travers le processus d'hybridation, se forment des chromosomes hybrides de pois-maïs présentant des fonctions physiologiques et génétiques nouvelles. Le phénomène de sélection procède à la différenciation des cellules pour créer une nouvelle variété : le pois-maïs. Le ministère chinois de l'Agriculture a validé ces deux nouvelles espèces de pois-maïs sous les numéros d'identification CNA20070520.2 et CNA20080127.9.

La théorie et la pratique des scientifiques chinois pour obtenir des chromosomes hybrides de plantes supérieures diffèrent totalement de celles suivies par les scientifiques occidentaux pour obtenir le chromosome 3 de levure. Une similarité réunit tout de même les deux procédés : les chromosomes sont créés par l'homme. « Les scientifiques occidentaux ont réussi à former un chromosome 3 de levure. Toutefois, pour transformer les gènes multiples des plantes supérieures et donner vie rapidement et efficacement à de nouvelles variétés de plante, il leur faudra peut-être considérer la méthode existante pour développer de nouveaux chromosomes de plantes supérieures », a indiqué Zhu Peikun.

 

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