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Xiaozhou, développement ou protection du patrimoine ?
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Une boutique de sucreries. (PHOTO: WANG WENJIE) |
Le charmant village de Xiaozhou dans la province du Guangdong, connu pour ses paysages et sa vie culturelle locale, est tiraillé entre la protection de son patrimoine et le développement immobilier. Notre journaliste vous emmène le visiter.
WANG WENJIE, membre de la rédaction
C'est en cherchant des informations touristiques en ligne que j'ai découvert le village de Xiaozhou. Beaucoup d'internautes mentionnaient dans leurs notes de voyages ce village plein de parfum artistique. J'ai décidé que ce serait ma première destination pour mon voyage du Nouvel An. En tant que Chinoise du Nord, je subis tous les jours le climat aride du Nord de la Chine. J'avais envie d'eau et de verdure. D'où ma hâte d'arriver dans cette contrée où l'hiver ressemble au printemps : le Guangdong.
Une mauvaise surprise
Le village de Xiaozhou est situé dans l'arrondissement de Haizhu, dans le Guangzhou. Il est construit sur un banc de sable de la rivière des Perles (Zhujiang). Les bâtiments datent de la fin des Yuan (1271-1368) et du début des Ming (1368-1644). Le bourg occupe 4,5 km² et compte quelques 10 km de cours d'eau. C'est la première zone historique et culturelle protégée de Guangzhou.
Dans les notes de voyage sur le village de Xiaozhou, j'ai remarqué que les profils des visiteurs étaient différents : les gourmands fixent leur attention sur les fruits frais et les poulets élevés en plein air ; les habitants cantonais le considèrent comme un vieux hameau où ils se rendent pour se reposer le week-end. Les wenyiqingnian (jeunes amateurs de culture et d'art) eux, préfèrent les boutiques et les cafés à la mode cachés dans les ruelles. Tandis qu'aux yeux des artistes, il représente un paradis pour la création.
Le village de Xiaozhou n'est pas trop excentré. Sur les conseils de Geng Qianxiang, patron de l'auberge que j'avais réservée là-bas, je mis moins de deux heures pour m'y rendre depuis l'aéroport international Baiyun de Guangzhou. En arrivant au village, j'étais surprise d'entendre le patron de l'auberge, qui m'attendait à l'entrée du village, me dire : « Je suis vraiment désolé, vous arrivez à la mauvaise période. »
Bientôt, j'ai compris le sens de cette phrase : les rues du village s'étaient transformées en chemins boueux, les ruisseaux étaient pestilentiels, des matériaux de construction entassés partout, et des échafaudages entravaient les rues… Dégoûtée, j'arrivai enfin à l'auberge les chaussures toutes crottées. « Le village est en train de connaître beaucoup de changement », m'explique alors M. Geng avec un sourire un peu gêné. Xiaozhou se trouve au sein de la zone de protection du « verger de dix mille mu » (un mu = 1/15 ha) de Guangzhou. La population locale y vit de la plantation des arbres fruitiers. Mais depuis quelques années, certains terrains ont été réquisitionnés pour aménager des infrastructures publiques. Les habitants ont reçu des compensations en échange de leur terrain et comme dans leur esprit campagnard, le dur est ce qu'il y a de mieux, ils se sont mis à construire des maisons avec l'argent des compensations. De plus, la demande des artistes en résidence pour des studios de travail grandissant, les habitants du coin se sont mis à construire à tout va, d'où le souk ambiant que j'ai pu admirer malgré moi.
Malgré de grands regrets, je déployais des efforts pour me calmer, me disant que je devais prendre les choses comme elles venaient et décidait d'accepter le conseil de M. Geng : « Soyez exploratrice, ouvrez vos yeux et partez à la découverte des merveilles cachées de notre village ! »
Charme antique
Xiaozhou ressemble en fait à un musée folklorique à ciel ouvert. Les maisons sont construites le long des cours d'eau qui parcourent le territoire du village et des arbres centenaires offrent partout une ombre agréable. Bien que l'urbanisation soit inévitable, beaucoup de constructions antiques ont été sauvegardées : le quai, les ruelles, les ponts, les temples, les autels des ancêtres… Dans ce vieux village, le temps semble arrêté. On ne peut s'empêcher de ralentir le pas sur le vieux pont de pierre, pour regarder au loin la rivière ou contempler une vieille marmite fumante au bord de l'eau, tout en étant plongé dans une sérénité rarement ressentie dans les métropoles.
La plupart des habitants autochtones portent le patronyme Jian. Dans le village on trouve plusieurs temples des ancêtres pour ce nom de famille. Notamment, le Temple de la famille Jian, rénové, est le plus grand du village. Il est un des bâtiments-repère du village. Digne et solennel, le temple n'a aucun caractère commercial. Il correspond bien au caractère simple du village. Devant le temple s'étend un vaste espace dallé, qui est aujourd'hui devenu un parc public, autour duquel poussent de spectaculaires arbres centenaires.
La Grande Salle du Peuple, autre lieu-repère du village, se situe près de l'entrée principale du site touristique, et fait étalage de son histoire avec ses murs jaunes, son étoile à cinq rayons accrochée au milieu, ainsi que les grands caractères rouges dessinés sur le mur. Aujourd'hui encore, on peut voir des peintures, slogans et portraits des dirigeants datant de la période du Grand bond en avant (1958-1960) et de la Révolution culturelle (1966-1976).
À l'extrême nord du village, on trouve le quai de Dengying. Xiaozhou était auparavant complètement entouré d'eau, et le sampan était le seul moyen pour entrer et sortir du village. Le quai était non seulement le canal principal de communication avec le monde extérieur pour Xiaozhou, mais également un port de commerce extérieur à cette époque-là. De nos jours, il sert d'espace public de loisirs et de divertissements pour les villageois.
La maison en coquilles d'huîtres est également à ne pas manquer. Trois des quatre murs de cette maison sont incrustés de coquilles d'huîtres que les villageois ont sorties du sable. La maison en coquilles d'huîtres n'accumule pas l'eau de pluie et est protégée contre les mites qui prolifèrent dans le Guangdong. On raconte qu'il y avait une centaine de maisons de ce genre dans le village mais malheureusement presque la totalité a été détruite. Il ne reste que deux ou trois maisons incomplètes et délabrées qui tiennent debout tant bien que mal. Sans les indications des habitants locaux, les trouver est très difficile et on peut passer devant sans s'en apercevoir.
Un village à protéger
Xiaozhou est un véritable village d'artistes. On y compte un grand nombre de galeries de peinture et de calligraphie, des ateliers de sculpture et des ateliers de peintre. Les artistes y viennent soit en résidence longue durée, soit pour un séjour de courte durée. Ils viennent y chercher l'inspiration créatrice. Les bâtiments antiques, la simplicité et l'honnêteté des habitants, les arts avant-gardistes, tous ces éléments se mélangent et forment un melting-pot burlesque dans ce petit village traditionnel.
Pourtant, je me suis rendue compte que le village ressemble à un grand chantier. Des bâtiments antiques ont été démolis, les boutiques étaient fermées, les ordures jetées n'importe où. Beaucoup d'artistes ont décidé de quitter le village. J'ai bavardé avec d'autres touristes dans le parc devant le Temple de la famille Jian. Certains, comme moi, ont exprimé leur surprise et leur mécontentement face à l'état actuel du village. Tout comme ma première impression à mon arrivée, ils trouvent qu'il y a un grand écart entre la réalité et les belles descriptions faites sur les sites Internet, entre autres : la pollution et les bruits qui ont détérioré considérablement le charme du village.
Bien sûr, j'ai quand même entendu des avis positifs. Un étudiant qui venait peindre sur nature a dit que la beauté de Xiaozhou consistait dans sa beauté historique présente partout. Deux filles venues de Guangzhou m'ont dit : « C'est la troisième fois que nous visitons le village. Même s'il est moins attrayant qu'avant, c'est encore un super choix de promenade pour les wenyiqingnian. C'est un très bel endroit pour la photographie. En plus, il y a un bon restaurant près du village, où le petit déjeuner cantonais avec le thé et les dim-sum est délicieux. »
Malgré la situation un peu difficile du village actuellement, de nombreux villageois et locataires restent optimistes quant au futur de celui-ci. Ils sont sûrs que Xiaozhou retrouvera sa tranquillité dans quelques années, quand la fièvre de la construction sera retombée.
« La vie culturelle de Xiaozhou et l'ambiance artistique qui ont pris racine ici me donnent confiance. Je me dis que le désordre actuel n'est que temporaire et que tout va rentrer dans l'ordre rapidement. Le gouvernement local a publié des mesures et renforcé les contrôles, je suis convaincu que le village va retrouver son calme », m'a confié Geng Qianxiang.
Fin 2013, lors d'une conférence du Comité d'urbanisme de Guangzhou, le débat concernant le futur de Xiaozhou a provoqué de vives discussions. Pan An, secrétaire général adjoint de la municipalité de Guangzhou y a déclaré que « Xiaozhou est un symbole de la beauté des villages-canaux du Sud de la Chine et que le phénomène actuel des constructions sauvages doit être étudié. Les problèmes apparus au village de Xiaozhou doivent être pris au sérieux et une solution doit être trouvée. »
Au mois de mai 2014, le gouvernement de l'arrondissement de Haizhu a organisé une concertation publique pour protéger le village de Xiaozhou. But : protéger le patrimoine historique et culturel et promouvoir un développement sain du village.
La Chine au présent