CHINAHOY

1-April-2015

Où seront utilisées les dépenses militaires chinoises ?

Les dépenses militaires du pays augmentent sur un rythme légèrement supérieur à la croissance du PIB. Certains s'en inquiètent. Pourtant il est normal et nécessaire de moderniser la défense du pays.

GUO YUANDAN*

Dans le budget 2015 de l'État, les dépenses militaires ont augmenté de 10,1 %, pour atteindre 886,898 milliards de yuans (6,26 yuans pour 1 dollar). Il s'agit de la plus faible hausse annuelle des cinq dernières années. Et pourtant, la progression du budget militaire chinois a attiré l'attention des médias étrangers.

Nombreux sont ceux qui se demandent à quoi seront employées ces sommes, et en particulier, à quoi servira cette augmentation ?

Amélioration du traitement des militaires

Le livre blanc sur la défense nationale publié tous les deux ans donne l'interprétation la plus autorisée sur la répartition des dépenses liées à la défense nationale. Les principaux postes sont : frais de vie des personnels, dépenses d'entraînement et d'entretien, dépenses d'équipement. Le premier poste comprend, outre les salaires et les soldes des personnels, les assurances, la nourriture, les uniformes et autres dépenses liées à l'entretien des officiers, des officiers de réserve, des soldats et d'autres personnels contractuels. Les frais d'entraînement et d'entretien correspondent au coût de l'enseignement dispensé dans les établissements affiliés, à la construction et l'entretien d'installations militaires, et inclut aussi les consommables. Enfin les frais d'équipement comprennent la recherche, les essais, ainsi que l'achat, l'entretien, le transport et le stockage d'armements et d'équipements militaires.

Selon Peng Guangqian, secrétaire général adjoint du Forum chinois sur la sécurité nationale, les dépenses militaires doivent augmenter dans la même proportion dans ces trois domaines, sauf le dernier qui bénéficie d'un accroissement légèrement supérieur. « Tout pays considère les frais d'équipement comme un domaine prioritaire », explique-t-il.

Fin 2014, la Chine a revalorisé les salaires dans l'armée et les troupes de police armée, les agents des troupes militaires de base ayant bénéficié de l'augmentation la plus importante. Le porte-parole du ministère chinois de la Défense nationale Yang Yujun s'est justifié par le fait que l'armée joue un rôle de pilier dans la sauvegarde des intérêts nationaux, notamment en matière de souveraineté, de sécurité et de développement. Dans ce contexte, maintenir le traitement salarial des militaires à un niveau adéquat est indispensable ; cela permet de les libérer de leurs soucis quotidiens envers leur famille et leur permet de mieux remplir leurs devoirs.

Peng Guangqian a en outre remarqué que le traitement des personnels militaires doit s'adapter au progrès constaté dans le civil. « Par le passé, le développement socio-économique des régions locales était plus rapide et les traitements des personnels de l'armée augmentaient plus lentement. L'écart entre les deux allait en s'accroissant. C'est une dette que nous devons rembourser aux militaires », ajoute-t-il.

Augmentation du coût de l'entraînement

Dans le même temps, alors que les exercices de simulation de guerre au sein de l'Armée de libération populaire (ALP) se multiplient, les frais d'entraînement et d'entretien augmentent.

Si en 2013, l'armée chinoise a accompli 40 manœuvres importantes, en 2014 l'armée et les troupes de police armée ont organisé plus de 200 simulations de guerre supérieures au niveau de brigades. Le nombre de manœuvres internationales bilatérales et multilatérales sino-étrangères a presque doublé. De 17 en 2013 on est passé à 31 en 2014.

Les chiffres définitifs pour 2015 ne seront pas publiés avant la fin de l'année, mais on peut déjà affirmer que l'envergure des manœuvres sera sans précédent. Selon un reportage du Journal de l'Armée de libération populaire, les armées chinoises doivent cette année se lancer dans des exercices interzones sur une plus grande échelle, sur des territoires plus étendus et suivant des critères d'évaluation plus sévères. À partir du mois d'avril, 29 brigades seront réparties sur six bases et camps d'entraînement pour participer à des manœuvres militaires. Cet accroissement du nombre et de l'envergure des entraînements contribue à l'augmentation des dépenses de défense.

Pour augmenter le niveau de préparation des troupes, de nouvelles infrastructures d'entraînement sont nécessaires. De nouvelles bases d'entraînement seront ainsi mises en chantier. Plus l'environnement international devient complexe, et plus un entraînement spécialisé devient nécessaire pour garantir la sécurité nationale. « Avec la modernisation de l'armée chinoise, les équipements sont de plus en plus sophistiqués, et bien sûr cela rend l'entraînement plus difficile et plus coûteux », précise Peng Guangqian.

La croissance des frais d'équipement suit une tendance observée dans de nombreux pays

Des trois composantes de la dépense militaire nationale, ce sont souvent les investissements en équipements qui attirent le plus l'attention. Toujours selon Peng Guangqian, l'acquisition de nouveaux équipements s'inscrit dans une tendance internationale. Ainsi le Japon projette d'acheter 42 avions de combat furtifs américains F-35, les Philippines ont affecté 1,8 milliard de dollars à la modernisation de leurs équipements militaires et l'acquisition de navires escorteurs, tandis que l'Indonésie envisage de s'équiper de sous-marins sud-coréens et d'hélicoptères d'attaque de type Apache, de fabrication américaine, pour assurer la défense de ses îles.

« Ces dernières années, le coût des armements est reparti à la hausse. Le prix d'un avion, d'un navire militaire ou d'un char est compris entre quelques dizaines et plusieurs centaines de millions de yuans. La longue liste des navires et des avions de nouvelle génération nécessaires à la Chine correspond à des budgets astronomiques, auxquels viennent s'ajouter les frais d'usage, d'entretien, de remplacement tout aussi colossaux », fait remarquer Peng.

Assumer des responsabilités internationales a un coût

Ces dernières années, l'armée chinoise a pris de plus en plus de responsabilités au niveau international. Cela a mécaniquement pesé sur ses dépenses militaires.

Depuis 2008 et jusqu'à aujourd'hui, la marine chinoise est chargée d'escorte et de patrouille sur la mer du golfe d'Aden dans le cadre d'un programme des Nations unies de lutte contre la piraterie. Un responsable militaire qui a participé à cette mission nous a révélé quelques chiffres en prenant le carburant comme exemple. En faisant abstraction de toute perte ou dépense exceptionnelle, une mission de trois mois d'escorte nécessite 1 000 tonnes de gazole. Sur la base d'un prix moyen de 7 000 yuans la tonne, cela correspond à un budget de 7 millions de yuans. Un seul navire militaire consomme en moyenne 30 millions de yuans de carburant par an, sans parler des autres dépenses d'entretien et de personnel. D'autre part, il précise que c'est aussi en vue d'accomplir au mieux ces missions dans le cadre des Nations unies que la Chine n'a eu de cesse de moderniser ses équipements et ses technologies.

À en croire Chen Zhou, chef du groupe d'experts pour la rédaction du livre blanc sur la défense nationale et chercheur au Département d'études stratégiques de l'Académie des sciences militaires de Chine, le pays se situe dans un environnement géostratégique compliqué, où la rivalité des grandes puissances tend à s'exacerber. Les activités terroristes, séparatistes et extrémistes sont toujours plus présentes, ce qui rend de plus en plus difficile la garantie de l'intérêt national, de la souveraineté territoriale, des intérêts maritimes et donc du développement du pays. « Nous nous armons de davantage de moyens pour sauvegarder la sécurité nationale. Mais il ne faut pas oublier que les moyens militaires sont toujours des moyens de dernier recours. Le renforcement de l'armée garantit la protection et la souveraineté de l'État », souligne-t-il.

Impossible d'accomplir cette tâche sans prendre les mesures budgétaires nécessaires.

*GUO YUANDAN est journaliste du Global Times.

 

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