CHINAHOY

4-February-2015

Construire une « campagne nouvelle » : le sens de la Conférence centrale sur les régions rurales

 

Un agriculteur sème du maïs dans la zone rurale du district de Huaxian (Henan).

 

Le monde rural est au centre des attentions du gouvernement qui se fixe pour objectif la modernisation de l'agriculture, la promotion de l'écologie et l'élévation du niveau de vie de la population.

LU RUCAI, membre de la rédaction

De 2004 à 2015, la Conférence centrale sur les régions rurales a publié pendant douze années consécutives un document central n°1 portant sur l'agriculture, les campagnes et les paysans. La Conférence de 2015 a proposé pour la première fois de promouvoir à la fois une « nouvelle campagne moderne » et une « nouvelle campagne humaine », en vue d'améliorer les conditions de vie et l'environnement des habitants ruraux.

L'autosuffisance en céréales est primordiale

En 2014, la production céréalière de la Chine a vu se poursuivre encore sa croissance ininterrompue sur onze années, atteignant 607,099 millions de tonnes, une augmentation de 0,9 % par rapport à 2013, ou 5,16 millions de tonnes supplémentaires.

La Chine étant le pays le plus peuplé, la sécurité alimentaire reste en toute logique l'une des priorités du gouvernement chinois, indépendamment des progrès enregistrés. Cette fois, la Conférence centrale sur le travail rural a avancé une stratégie nationale : la Chine ne peut compter que sur elle-même pour produire des céréales, assurer sa capacité de production et une importation modérée de céréales, et mettre en place des techniques agricoles modernes. Il y est dit : « La Chine doit compter sur ses propres forces pour produire des céréales. C'est en assurant l'autosuffisance en céréales qu'un pays peut garantir sa sécurité alimentaire. C'est ainsi que la Chine pourra réussir le développement de son économie. »

Selon Li Guoxiang, chercheur en économie rurale de l'Académie des sciences sociales de Chine, si la production céréalière chinoise réussit à maintenir son rythme de croissance, l'augmentation de la consommation énergétique qui en découle ne sera plus tenable. Les données montrent que l'utilisation d'engrais par mu (1 mu = 1/15 ha) est de 21,2 kg en Chine, soit 4,1 fois le niveau moyen mondial. Le mode d'exploitation extensif réduit la fertilité des terres. Les champs ainsi appauvris représentent déjà 40 % des terres labourées. Cette situation doit absolument changer.

La Conférence centrale sur le travail rural est parfaitement consciente des défis auxquels fait face l'agriculture chinoise. La réunion souligne que dans le contexte actuel de dégradation de l'environnement naturel aussi bien en Chine que dans le monde, auquel s'ajoutent les contradictions profondes que provoque l'agriculture extensive, le développement durable et stable de l'agriculture chinoise est confronté à des défis inouïs. C'est pourquoi la Conférence a désigné « une agriculture économe en énergie et respectueuse de l'environnement » comme l'une de ses tâches prioritaires pour l'avenir.

Pour le transfert des droits d'exploitation des terres

En 2013, 270 millions de paysans ont migré vers les villes pour trouver du travail, soit 45 % du total de la main d'œuvre rurale. Sur ce nombre, 170 millions passent plus de la moitié de l'année en ville, privant l'agriculture d'un tiers de sa main d'œuvre. « Qui s'occupe des terres ? » Telle est désormais la question incontournable pour qui veut résoudre le problème des céréales. C'est pourquoi la Conférence a proposé de développer diverses formes d'exploitation agricole, de mettre en place des mécanismes de transfert des droits d'exploitation des terres et d'introduire de nouveaux acteurs dans la production agricole.

Des recherches sur l'exploitation des grandes fermes ont déjà commencé. En 2001, le gouvernement central a publié des documents visant à conclure les travaux sur le transfert des droits d'utilisation des terres. La Loi sur le forfait des terres rurales de 2003 fournissait déjà un cadre détaillé à ce sujet. Le 21 novembre 2014, l'Avis sur l'orientation du transfert ordonné des droits d'exploitation des terres rurales en faveur du développement d'exploitations d'envergure raisonnable a été publié. Revenant sur le contexte de la publication de ce document, Han Changfu a expliqué qu'avec l'industrialisation et l'urbanisation, les paysans se déplacent progressivement vers les villes et leurs terres sont regroupées. La surface des exploitations agricoles s'étend, et des techniques modernes sont adoptées. Ceci a créé les conditions nécessaires au développement d'une agriculture moderne. Ce phénomène est constaté dans l'agriculture au niveau mondial. « À l'heure actuelle, un nombre de plus en plus élevé de paysans ne cultivent pas les terres dont ils sont les exploitants nominaux, et il est temps de séparer ce droit de propriété du droit d'exploitation proprement dit dans la plupart des régions rurales. La séparation entre propriété collective des terres, droit de propriété et droit d'exploitation est fondamentale si l'on veut favoriser la transmission ordonnée des terres. »

Dans certaines régions rurales, la surface des exploitations agricoles s'est accrue grâce au transfert des terres. Le ministère de l'Agriculture a publié en 2014 son Rapport de supervision et d'évaluation sur l'établissement des zones agricoles modèles en 2013. Selon ce rapport, la modernisation agricole a fait des progrès dans 153 zones modèles. La superficie totale des terres arables a atteint 246 millions de mu et la production de céréales y a représenté 122,5 millions de tonnes. La valeur ajoutée de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche se montait à 774,8 milliards de yuans (environ 101 milliards d'euros). Ces terres arables, qui représentent 13,1 % des terres totales du pays, produisent 20,1% des céréales. La production céréalière par unité de surface et le revenu par personne dans les zones agricoles modèles sont supérieurs de 30 % au niveau moyen du pays. Quatorze de ces zones ont déjà réalisé leur modernisation agricole. Par exemple, celles qui se trouvent dans l'arrondissement Shunyi de Beijing, dans la nouvelle zone de Pudong à Shanghai et dans la ville de Taicang dans le Jiangsu.

Selon Han Changfu, à la fin juin 2014, ce sont 38,647 millions de mu qui ont été transférés aux entreprises, et ce chiffre augmente chaque année. « Les entreprises exploitent directement ces terres. Cela représente des avantages et des inconvénients. Au chapitre des avantages : des semences de bonne qualité, des techniques et des modes d'exploitation avancés. En revanche, des emplois agricoles sont détruits. » Ainsi, pour orienter et encadrer le transfert régulier des droits d'exploitation des terres, il faut insister sur son objectif le plus important, qui est d'encourager la production de céréales et l'agriculture en général.

Améliorer la vie des paysans

La Chine est un grand pays dans lequel l'agriculture occupe une place importante. Mais depuis longtemps, les paysans souffrent d'un statut social inférieur. Leurs revenus sont modestes. En 2013, le revenu annuel moyen net des paysans était de 8 896 yuans. Bien que les revenus des paysans augmentent plus rapidement que ceux des citadins depuis quatre années consécutives, le fossé entre la ville et la campagne ne cesse de se creuser en valeur absolue.

C'est dans ce contexte que la Conférence a décidé d'enrichir les paysans en leur proposant formations et soutiens, afin que l'agriculture devienne une industrie rentable, que le métier de paysan devienne plus prestigieux, et que les campagnes deviennent un lieu où l'on vit heureux. C'est pourquoi la Conférence a pour la première fois proposé de promouvoir en même temps une « nouvelle campagne moderne » et une « nouvelle campagne humaine ».

Selon Cheng Guoqiang, chercheur au Centre de recherche et de développement du Conseil des affaires d'État, la « nouvelle campagne moderne » implique une amélioration de l'environnement portant sur les routes, l'eau potable, les installations électriques et les logements. La « nouvelle campagne humaine », quant à elle, doit résoudre les questions liées à l'établissement d'un service public rural de base, l'attention accordée aux trois groupes restés dans les campagnes (parents, enfants et épouses des travailleurs migrants), la préservation de la culture des campagnes et la construction d'une culture écologique rurale. La proposition de la « nouvelle campagne humaine » reflète l'exigence du gouvernement central pour la construction d'une campagne nouvelle.

Actuellement, le système rural d'assurance-maladie et le système rural d'assurance-retraite couvrent presque tous les paysans. Cependant, les remboursements et les cotisations restent encore très inférieurs à ceux des citadins. Et des écarts importants persistent entre les différentes régions, en raison de l'écart des niveaux de développement économique. Par conséquent, aménager et protéger l'environnement écologique rural, mais aussi compléter et améliorer les services publics fondamentaux dans les régions rurales : telles sont les tâches urgentes identifiées par le gouvernement.

D'autre part, la Conférence a proposé de se concentrer sur l'urbanisation. Elle prévoit d'accueillir environ 100 millions de paysans dans les villes, de restaurer les habitations insalubres de 100 millions de personnes, et de promouvoir l'urbanisation du Centre et de l'Ouest du pays pour 100 millions de gens. L'urbanisation doit aller de pair avec la modernisation de l'agriculture, pour que les ruraux aient accès à une vie plus confortable.

 

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