CHINAHOY

2-April-2015

Les paysages de l’enfance sont toujours les plus beaux

 

Un champ de colza.

 

L'auteur nous emmène visiter le village de son enfance et découvrir les beaux paysages de son pays natal.

LI SHUANGXI*

Le village de Kaiyuan se trouve dans la vallée de Ruichang au nord de la province du Jiangxi. Une rivière y coule au sud, une route s'étend au nord et les vastes champs de riz qui s'étendent d'est en ouest font de ce village un paysage pittoresque.

Il y a 300 ans, cette vallée était une contrée sauvage et peu hospitalière. Des réfugiés venus du Nord s'y installèrent et lui donnèrent vie. Au prix d'un périple éreintant, ils ont finalement trouvé cet éden pour se reposer de leurs péripéties. Depuis lors, ils vécurent cachés hors du monde et oublièrent leur nom. Cette histoire, c'est celle de mes ancêtres, de mon village natal.

Les champs de colza

Chaque année, en mars, les champs et les coteaux de la montagne se transforment en une immense draperie jaune. Le village de Kaiyuan ressemble alors à une île dans la mer de colza.

Le début du printemps est la période de repos pour la terre avant la plantation du riz. Hormis un peu de blé, les paysans cultivent aussi du colza dans la plupart des champs à cette époque-là. Les semailles sont faites au début de l'hiver. Après la fête du Printemps, le temps se radoucissant, le colza pousse alors assez rapidement. La vallée verdit. Jusqu'au mois de mars, où le vent printanier vient effleurer les colzas, il arrive parfois qu'en une nuit des milliers et des milliers de fleurs de colza s'épanouissent d'un seul coup. La vallée se transforme alors en un paradis de fleurs jaunes.

Si vous venez du Nord de la Chine et que vous arrivez à Kaiyuan, vous serez agréablement surpris du changement de climat. Je suis moi-même rentré dans mon village pour la fête du Printemps par le train. Au début du voyage, la plaine du Nord de la Chine, froide, morne et couverte des brouillards d'hiver, s'étendait de chaque côté de la voie. Mais le lendemain matin, le paysage fleuri de Kaiyuan apparaissait devant moi. L'impression de changer de saison en l'espace de quelques heures m'a empli le cœur d'enthousiasme.

Avant d'arriver dans la vallée de Kaiyuan, le train passe par une plaine littéralement inondée de colza. Une fois entrés dans la vallée, les champs tapissent la montagne ; et au sommet de celle-ci, des fleurs de colza apparaissent de temps à autre dans la forêt. Puis, une fois arrivée dans le village, la vallée s'élargit un peu et laisse entrevoir des champs en escaliers.

Les gens font souvent la comparaison entre Kaiyuan et les villages de Wuyuan, eux aussi situés dans la province du Jiang-xi, célèbres pour leurs champs de colza. Les deux lieux possèdent le même climat et la même géographie. Malheureusement, Kaiyuan ne possède pas d'architecture de style traditionnel Hui, ni quoi que ce soit qui puisse s'apparenter à un site touristique populaire. En revanche, cela a permis de préserver la tranquillité et le côté naturel du lieu.

Au printemps, les enfants courent et jouent à cache-cache dans les champs de fleurs. Certains retroussent leurs pantalons et marchent dans la rivière pour attraper les poissons et les crevettes, ou bien ramasser le céleri aquatique. Ils s'amusent toute la matinée les pieds dans l'eau même si celle-ci reste encore assez fraiche au printemps. Et quand ils ont bien joué, ils se couchent dans les champs de colza pour se baigner dans la chaleur du soleil et regarder passer les nuages. Le vent souffle l'odeur des colzas dans leurs narines et ils profitent du bon air !

Fin mars début avril est la meilleure période pour venir admirer les champs de colza à Kaiyuan. Après les premières pluies, c'est la fête de la Clarté (une des 24 périodes du calendrier chinois). Les gens vont au cimetière pour nettoyer les tombes de leurs proches défunts. Les pétales des fleurs commencent déjà à tomber à cette époque. Pourtant, ce n'est pas un moment triste pour les enfants car ils participent aux cérémonies avec les grandes personnes. On fait d'abord les offrandes de faux argent puis on allume des bougies et on fait brûler de l'encens en se prosternant face à la tombe. Après, on part faire une promenade en forêt. Pour les enfants, les forêts sont toujours des endroits un peu magiques et secrets. Lieux de l'exploration, où on part chercher les champignons, les rhododendrons ou encore les fruits sauvages.

Aujourd'hui, le village de Kaiyuan est en train de changer, des maisons ont été rénovées, et des jeunes quittent le village puis reviennent. Mais les souvenirs d'enfance que j'ai de mon village natal et des champs de colza dans la vallée demeurent.

 

Cueillette de fruits sauvages.

 

La terrasse de la Fée

Au sud du village se trouve une montagne que les paysans appellent la montagne Menkou (montagne de la Porte). Cela ressemble un peu à l'expression chinoise « ouvrir la porte et voir la montagne » qui signifie « aller droit au but ». Et effectivement, toutes les portes des maisons du village donnent sur cette montagne. Elle est comme un écran qui protège le village. La montagne Menkou fait un peu plus de 400 mètres d'altitude. Il n'y a pas de site touristique sur celle-ci, mais elle est inséparable du paysage de Kaiyuan.

La montagne Menkou présente non seulement de beaux paysages, mais elle raconte aussi une histoire légendaire. Au sommet, se trouve une terrasse que les gens du coin appellent Xiangutai : la terrasse de la Fée. Quand j'étais petit, ma grand-mère me racontait son histoire avant de me coucher. La lumière de la Lune éclairait mon lit et mon aïeule disait : « Il y a longtemps, une fée se posa sur cette terrasse. Elle y venait pour méditer. Un jour qu'elle avait trouvé la Voie, elle prit son élan, fit trois pas sur le sol et s'envola dans le ciel. Les traces de là où elle s'asseyait et de sa course sont restés gravés dans la pierre. »

À cette époque-là, où il n'y avait ni Internet, ni télé, ni livres pour les enfants, cette légende m'a laissé une profonde impression. Au fur et à mesure, j'ai plus ou moins oublié cette histoire, mais je suis souvent allé m'amuser à cet endroit. À l'est de la terrasse, on peut voir le village voisin et des champs de thé. Quand j'étais petit, je faisais souvent la cueillette du thé. Après le travail, on montait sur la plate-forme avec plusieurs amis pour s'amuser et pique-niquer. C'est un de mes meilleurs souvenirs d'enfance.

La terrasse possède en fait trois niveaux. Le premier est couvert d'herbe. Le deuxième est en pierre calcaire épaisse et forme une petite falaise. Le niveau le plus élevé est en pierre dure. Les aspérités de la roche me rappelaient les traces laissés par la fée dans sa course pour prendre son envol.

Cependant, ce mythe n'est pas uniquement basé sur l'imagination des gens de la région car sur la pente à l'ouest de la montagne se trouve une grotte appelée Lüshidong (la grotte de Lü Dongbin, ce dernier était un alchimiste taoïste de la dynastie des Tang.) Selon les vieillards, cette grotte était aride il y a plusieurs dizaines d'années. L'entrée de la grotte était étroite, mais un grand espace s'ouvrait à l'intérieur. Sur les murs on pouvait voir des fresques sculptées de Bodhisattva et des inscriptions. Aujourd'hui, à l'intérieur de la cavité coule une rivière rapide, personne n'ose y entrer. Non loin de cette grotte, dans une profonde forêt de bambous, se situe un sanctuaire taoïste. D'après moi, c'est la tranquillité et la beauté du paysage qui ont attiré les taoïstes pour venir y faire retraite.

Les trésors de la montagne

Au printemps, la nature renaît, et les paysages de la montagne retrouvent leur beauté. Lorsque l'été est arrivé, la montagne regorge de trésors divers.

Ces trésors, ce sont les fruits sauvages. Quand j'étais enfant, nous n'avions pas de bonbons comme les enfants des villes. Mes seuls « bonbons » étaient le sucre candy de ma grand-mère que je lui chipais en douce. Pour moi, la montagne était comme un magasin de bonbons naturels, j'y trouvais toutes sortes de fruits sauvages : le fruit de thé, les pistils de rhododendrons, les pousses de bambou, les fleurs de glycine, la framboise, le kaki, le kiwi, l'aubépine, et toutes autres sortes de fruits et de fleurs.

Le fruit de thé est assez bizarre. C'est une variante du fruit de théier. Il est vert clair ou translucide, et possède la forme d'une pêche creuse. Le fruit du théier est comestible. Malgré son apparence étrange, il a bon goût.

Mais ce que je préférais, c'était les framboises. Les framboises mûres me faisaient penser à de petites lanternes rouges sur leurs tiges.

Maintenant, bien que les bonbons et autres sucreries existent à profusion dans les villages, les enfants d'ici aiment toujours autant les framboises et ils attendent toujours que leurs parents leur en rapportent après le travail, comme les parents des enfants des villes qui rapportent des sucreries à leurs enfants en rentrant du bureau.

 

*LI SHUANGXI est concepteur d'emballages pour produits.

 

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