CHINAHOY

27-February-2015

L’échange est au cœur de la culture

— Interview avec Mathias Lafolie, conseiller culturel à l'ambassade de Suède à Beijing

 

Mathias Lafolie.

 

Rencontre avec Mathias Lafolie, conseiller culturel à l'ambassade de Suède à Beijing, qui nous a confié sa vision et ses espoirs pour les échanges culturels sino-suédois.

ZHOU LIN, membre de la rédaction

Cette année marque le 65e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine et le Royaume de Suède. Pour en apprendre plus sur l'état des relations entre les deux cultures, La Chine au présent a interviewé Mathias Lafolie, conseiller culturel à l'ambassade de Suède à Beijing et célèbre metteur en scène, qui a entre autres travaillé à l'Académie centrale du théâtre en Chine.

La Chine au présent : La Suède a été le premier pays occidental à établir des relations diplomatiques officielles avec la Chine. Comment voyez-vous ces relations et les échanges culturels entre ces deux pays ?

Mathias Lafolie : Les relations diplomatiques sino-suédoises remontent à l'année 1950, mais à mon avis il est important de considérer l'établissement de relations diplomatiques comme un processus continu. Ces échanges précieux doivent se perpétuer non seulement entre représentants officiels mais aussi entre des personnes liées entre elles par un projet. En tant que conseiller culturel suédois, j'accorde une grande importance aux échanges, et tout particulièrement à ceux qui existent entre les artistes indépendants. Échanger des idées avec des collègues de racines culturelles différentes contribue à accroître la compréhension mutuelle. L'échange est au cœur de la culture.

 

La Chine au présent : La Chine et la Suède partagent une longue tradition d'échanges culturels. En juillet 2006, la réplique d'un navire du XVIIIe siècle, le Götheborg, est arrivé au port de Guangzhou qui était le point de départ de la Route maritime de la Soie, après un voyage de neuf mois. Que signifie cet événement dans le contexte de l'amitié sino-suédoise ?

Mathias Lafolie : Le Götheborg était un bateau de commerce à coque en bois appartenant à la Compagnie suédoise des Indes orientales. Il a effectué trois voyages vers la Chine orientale au cours du XVIIIe siècle, rapportant de ce pays porcelaines, thé et soie, des produits qui faisaient depuis peu fureur parmi les Suédois. On pourrait dire que les relations commerciales entre la Chine et la Suède sont permanentes depuis 200 ans, et que le Götheborg constitue un symbole de cette relation entre nos deux peuples. Il incarne notre histoire commune et montre la durabilité des échanges que nous avons mis en place. C'est la communication qui est importante, et le voyage réussi du nouveau Götheborg a créé un moyen d'explorer plus avant, de mieux comprendre ce qui se passe entre nos deux pays au présent.

 

En juin 2007, le président chinois d'alors Hu Jintao, en visite officielle en Suède, tient la barre du Götheborg aux côtés du roi Charles XVI Gustave.

 

La Chine au présent : On a appris récemment que l'Institut Confucius de l'université de Stockholm allait fermer ses portes. Cette nouvelle a suscité l'attention du public aussi bien en Suède qu'en Chine. Quelle est votre opinion à ce sujet ? Comment voyez-vous le rôle des Instituts Confucius entre la Chine et les pays hôtes, entre la Chine et les citoyens de ces derniers ?

Mathias Lafolie : L'Institut Confucius de l'université de Stockholm est le premier à avoir ouvert ses portes en Europe voici déjà 10 ans. L'université de Stockholm a décidé en décembre de l'année dernière de mettre un terme à sa coopération avec cette institution. Les universités suédoises sont libres de prendre leurs décisions, et l'État n'a pas son mot à dire. Ce principe de l'indépendance académique est très cher à notre cœur.

Les Suédois sont profondément intéressés par la culture chinoise. L'Institut Confucius offre un canal accessible aux personnes désireuses d'apprendre le chinois et de mieux comprendre la culture chinoise.

 

La Chine au présent : En 2010, les deux pays ont signé un Mémorandum sur la culture pour 2010-2014 destiné à favoriser les échanges culturels. Quelle importance accordez-vous à cette collaboration ?

Mathias Lafolie : Les échanges culturels sont l'âme d'une nation. Si une communication culturelle peut être établie au niveau de l'État, cela montre que ces deux pays partagent des intérêts communs. Je suis moi-même un artiste, et pour les Suédois, l'art signifie la liberté et l'indépendance. Pour être un artiste, vous devez ouvrir votre esprit et réfléchir à votre vie suivant des perspectives différentes. Ce qui donne de la valeur à l'art est qu'il rend possibles les échanges ; les accords au niveau de l'État facilitent ces échanges entre institutions et individus.

 

La Chine au présent : En 2011, l'Autorité suédoise du tourisme a ouvert un bureau de représentation en Chine pour encourager le public chinois à s'intéresser aux traditions suédoises et lui donner envie de visiter la Suède. Comment voyez-vous le secteur du tourisme de votre pays ?

Mathias Lafolie : Nous avons ces temps-ci plus de touristes chinois que jamais en Suède. Voyager est un bon moyen de satisfaire notre curiosité concernant une culture étrangère. La Suède est une société ouverte où les gens prennent au sérieux leurs devoirs envers l'État et leur municipalité. Lorsque des touristes chinois viennent visiter la Suède, ils ont la chance de voir comment nous vivons en réalité. Par exemple, les familles suédoises font souvent du sport ensemble le week-end. Ce sont ces coutumes de tous les jours qui doivent être admirées, outre les attractions touristiques.

On voit aussi de plus en plus de touristes suédois visiter la Chine de nos jours. Lors de leur premier séjour, ils veulent généralement voir la Grande Muraille ; mais à la seconde visite, ils souhaitent rencontrer des gens. Le voyage suscite un intérêt plus profond pour la culture, la tradition, les coutumes et les idées, et tout cela permet de comprendre l'immense diversité de la culture chinoise. Des descriptions sont présentées dans les livres, mais ce n'est pas la même chose : il faut explorer la Chine par soi-même.

 

La Chine au présent : En 2013, la cérémonie d'ouverture de la première session du Festival culturel Suède- Chine s'est tenue dans les jardins royaux à Stockholm. Cet événement a connu un immense succès. Quelle a été sa signification en termes de diffusion des échanges culturels ?

Mathias Lafolie : Le succès de tels festivals culturels reflète l'intérêt sincère que portent les Suédois à la culture chinoise. Culture, art, gastronomie et affaires économiques : tout a été passé en revue, et la nourriture a été le clou du festival ! Des gens différents mangeant ensemble ont discouru sur l'essence de la culture chinoise, ce qui a donné lieu à des réflexions sur la façon dont les personnes communiquent entre elles. Cela prouve que la communication interculturelle n'est pas juste une théorie : elle se produit dans la vie réelle.

 

La Chine au présent : Le 8 novembre 2014, le 9e Festival du film documentaire nordique (NORDOX) s'est tenu à Beijing. Le premier film présenté, Don't Count Me Out de la réalisatrice Karin Wegsjö, a fait forte impression auprès des spectateurs. Pourquoi pensez-vous que le cinéma est un média aussi puissant pour aider à diffuser la compréhension et la communication entre les peuples ?

Mathias Lafolie : Voilà un film très long et très touchant sur la lutte d'une femme contre la maladie dégénérative de Charcot. Vous voyez l'héroïne lutter contre son destin. Vous commencez à vous poser des questions sur votre propre vie au fur et à mesure que vous comprenez mieux sa situation. Vous n'observez plus de l'extérieur, vous êtes pris dans son univers. Les films documentaires de ce type sont importants pour explorer les sujets sur lesquels nous sommes peu informés, ou qui restent en-dehors des préoccupations de l'actualité à cause de la difficulté qu'il y a à les appréhender et à les traiter. Pour moi, l'idée centrale du documentaire, c'est de monter en épingle le côté subjectif de la vie qu'il nous faut accepter pour mieux nous comprendre nous-mêmes et peut-être, finalement, devenir meilleurs. Tout le monde fait partie d'une culture. Vous y contribuez vous-mêmes et vous partagez vos idées sur la culture qui vous entoure. Il nous faut sans cesse observer la vie pour répondre à la question « Qui suis-je ? ».

 

La Chine au présent : Qu'est-ce qui vous impressionne le plus en Chine ?

Mathias Lafolie : Rencontrer de jeunes étudiants chinois, analyser leurs espoirs et leurs exigences, découvrir leur façon d'appréhender la vie, la culture et l'art, a été pour moi une expérience inestimable. C'est une bonne façon d'apprendre des choses sur la société chinoise, sur la pensée moderne et finalement, sur l'humain. Je dois dire que la jeune génération chinoise m'inspire énormément.

 

La Chine au présent : Des événements sino-suédois d'envergure sont-ils prévus pour 2015 ?

Mathias Lafolie : L'accent cette année sera mis sur les modes de vie sains, particulièrement pour les enfants. En Chine comme en Suède, la société a beaucoup de respect pour les enfants, et tout est fait pour leur fournir des bases solides pour leur futur développement. C'est pourquoi nous avons choisi ce thème de base, pour une réflexion sur la société suédoise susceptible d'intéresser les Chinois.

 

 

La Chine au présent

Liens