CHINAHOY

4-February-2015

Promouvoir la compréhension mutuelle sino-française

 

 

 Jean-Luc Tissier, délégué général de la Fondation Alliance française en Chine. (YU JIE)

 

— Interview de Jean-Luc Tissier, délégué général de la Fondation Alliance française en Chine

M. Jean-Luc Tissier présente le développement et la stratégie de l'Alliance française en Chine, tout en nous livrant ses impressions sur ce pays.

MA HUIYUAN, membre de la rédaction

En 2014, pour marquer le 50e anniversaire des relations diplomatiques sino-françaises, les quinze Alliances françaises installées en Chine ont organisé une panoplie d'activités culturelles de qualité, en plus de continuer à garantir leurs excellents cours de français. L'objectif : contribuer toujours plus à la compréhension mutuelle entre les deux peuples ainsi qu'à l'approfondissement de l'amitié sino-française.

Un franc succès en Chine

Fondée en 1883, l'Alliance française est venue implanter une école en Chine dès 1886. La fondation établissait alors de simples petits bureaux, pas les nobles Alliances françaises telles qu'on les connaît aujourd'hui. Cependant, en proie aux troubles qui ont secoué la Chine dans la première partie du XXe siècle, l'Alliance française s'est retirée du pays... Pour mieux y revenir plus tard !

Lors de l'interview qu'il nous a accordée, Jean-Luc Tissier, délégué général de la Fondation Alliance française en Chine et directeur de l'Alliance française de Beijing, a dressé le bilan du développement de cet organisme en Chine. Il présente : « Après l'établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, les Alliances françaises ont commencé à se réimplanter en Chine, d'abord dans les grandes métropoles comme Beijing, Shanghai et Hong Kong. Puis, dans les années 2000, le réseau s'est développé petit à petit, jusqu'à compter rapidement une quinzaine d'établissements : treize sur la partie continentale, un à Hong Kong et un à Macao. »

M. Tissier voit évidemment d'un bon œil cette multiplication des Alliances françaises en Chine : « Les Chinois apprécient beaucoup le français, plus que d'autres langues étrangères, comme l'allemand ou l'espagnol. Il s'agit de la deuxième langue étrangère apprise en Chine après l'anglais. Notre succès est flagrant du point de vue du nombre d'élèves que nous accueillons. Chaque année, près de 40 000 étudiants viennent suivre des cours dans les Alliances françaises en Chine. Et ces jeunes Chinois apprennent le français avec rapidité et aisance, ce qui s'avère également une grande réussite pour nous. Tous estiment que cette langue est compliquée. Cependant, la pédagogie utilisée par l'Alliance française pousse les élèves à parler tout de suite en français. Beaucoup de Chinois avouent ne pas avoir l'habitude d'étudier ainsi et s'obstinent à apprendre par cœur. Néanmoins, en fin de formation, ils reconnaissent que les méthodes de l'Alliance française sont particulièrement efficaces et permettent aux étudiants d'obtenir de bonnes bases en français assez rapidement. À vrai dire, nous les Français, nous avons la réputation d'être mauvais en langues. En comparaison, j'ai le sentiment que les étudiants chinois sont de très bons apprenants. Et le fait de voir environ 35 000 à 40 000 étudiants chinois partir en France chaque année nous encourage d'autant plus dans notre travail. Autre point et chiffre importants : de plus en plus de jeunes Chinois, environ 1,8 million, s'envolent chaque année vers la France pour y faire du tourisme. Nous essayons de les motiver à intégrer des notions de français avant leur départ pour l'Hexagone en suivant une formation à l'Alliance française, hautement réputée. »

Au sujet de l'engouement des Chinois pour la langue de Molière, M. Tissier indique : « Malgré l'intérêt grandissant des Chinois envers le français, nous connaissons à l'heure actuelle une stagnation au niveau des inscriptions dans nos écoles en Chine, essentiellement parce que le Québec cherche à freiner l'immigration. Comme le Canada ferme légèrement ses frontières, les Chinois qui postulent pour aller au Québec se font plus rares, et ainsi moins d'élèves étudient le français. Cette situation s'avère contraignante pour nous, mais je reste optimiste quand je vois le nombre croissant de Chinois désireux de visiter la France. »

Présenter la Chine sous son vrai jour

Jean-Luc Tissier est entré en fonction en Chine au début de l'année 2014, date coïncidant avec le cinquantenaire des relations diplomatiques sino-françaises. D'ailleurs, cette année, il a organisé et assisté à une série de célébrations dans toute la Chine. Passant en revue celles-ci, M. Tissier résume : « La Chine et la France n'ont eu de cesse de se rapprocher au cours des derniers cinquante ans. Et depuis le début de 2014, la France a vivement souligné sa présence en Chine : 600 évènements culturels ont été organisés par l'ambassade ; 350, par l'Alliance française. Ainsi, presque 1 000 activités culturelles en lien avec la France se sont déroulées aux quatre coins de la Chine à l'occasion de ce 50e anniversaire. Des visites au sommet ont eu lieu : le président chinois Xi Jinping est venu en France ; son homologue français François Hollande est venu en Chine. À tous niveaux, les deux pays entretiennent des relations étroites, qu'ils s'agissent des contacts entre les ministres des Affaires étrangères ou des contrats commerciaux bilatéraux signés dans les secteurs automobile, nucléaire, aéronautique, etc. De même, les médias français abordent de plus en plus le thème de la Chine. » Puis, il nous livre une anecdote tirée de sa propre expérience de vie en Chine : « Quand je me promène dans les grandes villes chinoises, je remarque que des marques chinoises choisissent volontairement des noms à consonance française, ce qui m'amuse beaucoup. Cette présence française dans les métropoles chinoises prouve bien que la culture française est très populaire auprès des Chinois. »

Parmi les célébrations qui ont eu lieu en 2014 dans le cadre du cinquantenaire, M. Tissier a été particulièrement séduit par le spectacle original français de Longma (cheval-dragon) ». « C'était impressionnant ! Cette immense machine mi-cheval mi-dragon est un cadeau que la France a offert à la Chine. Pour un Français, voir arriver à Beijing des créations originaires de Nantes était à la fois très symbolique et émouvant. Quant au spectacle, il insistait sur l'idée qu'il vaut mieux faire la paix que la guerre. Longma va rester en Chine l'année prochaine. Il sera transféré prochainement à Shanghai. Il poursuit : Tous ces évènements bilatéraux ont considérablement rapproché les peuples, élevant la compréhension mutuelle et promouvant les coopérations commerciales. Toutes ces activités s'inscrivaient dans une démarche pacifique : nos deux pays sont bien sûr des amis, non des ennemis. »

Jean-Luc Tissier est lui-même un vieil ami de la Chine, depuis une vingtaine d'années. Il a travaillé au sein d'écoles supérieures en France où il était chargé d'accueillir les étudiants chinois et de les aider notamment à trouver des stages dans les entreprises françaises. Il raconte : « C'est grâce à mon poste que j'ai effectué mon premier séjour en Chine. J'ai noué des liens d'amitié avec certains étudiants chinois, qui m'ont par la suite invité chez eux, ce qui m'a permis d'aller un peu partout en Chine. Désormais, je connais bien ce pays. J'y ai fait plusieurs voyages, chaque fois pour rencontrer des amis ou des partenaires commerciaux. Une seule fois seulement, j'y suis allé avec l'intention d'y faire du tourisme. C'était au Yunnan, une des plus belles provinces de Chine, selon moi. J'étais resté là-bas six semaines en 1997, où j'avais été à la rencontre des minorités ethniques et découvert la Chine rurale que je connaissais peu. »

M. Tissier nous confie : « À l'époque, je sentais que la Chine était en train de se moderniser et de devenir une immense puissance. Mais il était compliqué, lorsque je revenais en France, d'expliquer à mes compatriotes que la Chine était en passe de devenir un pays moderne, car ces derniers refusaient de le croire. Ils gardaient à l'esprit une vieille « image d'Épinal » de la Chine comme étant un pays rural. J'ai vraiment peiné à faire comprendre à certains amis français, voire à certains proches, qu'il ne fallait pas avoir peur de la Chine et qu'il fallait surtout reconnaître son essor fulgurant, même si celui-ci n'est pas toujours maîtrisé. La Chine est un pays à la pointe de la modernité et ultra-connecté : premier consommateur de téléphones portables et de tablettes, ainsi que premier utilisateur des réseaux sociaux. En outre, elle dispose dans diverses industries de techniques avancées qui n'ont rien à envier à celles de l'Occident. D'ailleurs, la Chine se positionne aujourd'hui en leader dans certains secteurs secondaires ou tertiaires. Par exemple, bien qu'Apple soit une marque qu'affectionnent de nombreux Chinois, Huawei est de nos jours le troisième vendeur de téléphones au monde. La Chine a tellement évolué qu'elle en a dépassé les pays occidentaux dans certains domaines. J'en suis tout à fait heureux et cherche à présent à dédiaboliser la Chine. Aujourd'hui, nous travaillons en coopération avec des associations afin de donner un témoignage d'une Chine vivante, jeune et en pleine croissance. La Chine est dorénavant un pays fort qu'on ne peut négliger. »

Développement futur de l'Alliance française en Chine

Avant de débarquer en Chine, M. Jean-Luc Tissier a travaillé pour le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). Dans la même veine, l'Alliance française attache une grande importance à l'enseignement de la langue française pour les enfants. M. Tissier commente : « J'ai remarqué un nouveau phénomène en Chine : les jeunes parents estiment qu'il serait chic que leur progéniture sache dire quelques mots de français. Cette tendance s'était déjà observée auparavant à Hong Kong et à Macao. Soi-disant que faire apprendre le français à un bambin, c'est lui donner un signe de distinction sociale. Afin de répondre à leur demande, l'Alliance française a fait venir des artistes français et belges pour préparer des ateliers destinés aux plus jeunes : dessins de bandes dessinées à la française, projections de dessins animés, etc... À Beijing, on compte trois sites de l'Alliance française, parmi lesquels celui de Xihai presque entièrement consacré aux enfants. Les cours et animations que nous offrons sont très populaires auprès des jeunes parents. Le succès est tel que nous ne pouvons répondre à la demande par manque de classes. Par exemple, à Beijing en septembre, nous avons été contraints de refuser 150-200 enfants car nous n'avions pas assez de professeurs sous la main. »

M. Jean-Luc Tissier nous présente le développement futur programmé par l'Alliance française en Chine. D'ici cinq ans, 5-6 Alliances devraient être ouvertes dans les villes de Kunming, Suzhou, Xi'an et Harbin, ainsi que dans la province du Hunan. En 2015, l'Alliance française va lancer des études de faisabilité pour vérifier qu'il y a dans ces endroits suffisamment de jeunes Chinois motivés pour apprendre le français.

De plus, l'Alliance française compte proposer une plus grande variété de cours et d'activités culturelles, comme des ateliers thématiques sur le tourisme en France par exemple : « En Chine, tout le monde pense que la France est un pays romantique, et beaucoup s'intéressent de près à la cuisine et à la culture du vin en France. D'ailleurs, nombreux sont les Chinois qui apprennent le français pour mieux découvrir ce "romantisme français". Alors, nous avons préparé des activités sur l'art de vivre à la française et allons organiser une série d'ateliers thématiques pour faire connaître notre belle France. Nous présentons la culture française, tout en favorisant la diffusion de la langue. »

Pour conclure cette interview, Jean-Luc Tissier affirme : « J'adore la Chine et je suis très heureux d'y vivre. » De concert avec l'ambassade française, l'Institut français de Chine et Campus France, l'Alliance française continuera à œuvrer à la promotion de la langue et de la culture françaises, ainsi qu'à l'affermissement de l'amitié entre la Chine et la France.

 

La Chine au présent

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