CHINAHOY

28-August-2014

Parfum de café

 

Wouter examine les grains de café et forme un agriculteur de Pu'er.

 

PEDRO LAGO et GUO HONGYUAN, membres de la rédaction

Au pays du thé, un Belge cultive le café. Ce n'est pas de l'humour. Même le président chinois en parle...

Le 29 mars 2014, le président chinois Xi Jinping a publié une tribune intitulée Chine-Europe : Amitié et coopération pour une vie meilleure dans le quotidien belge Le Soir. Dans cette tribune, il a mentionné qu'un Belge « aide les paysans des régions frontalières du Sud-Ouest de la Chine à cultiver le café pour sortir de la pauvreté ». Ce jeune belge est Wouter De Smet. Quand on connaît son histoire, on ne s'étonne plus que même le président ait parlé de lui.

« Monsieur Café »

Né en 1975, Wouter travaille depuis 2005 à Pu'er, où les résidents locaux l'appellent M. Café. Il tient beaucoup à « l'amitié étroite avec les cultivateurs de café ».

Le lien avec le café est presque héréditaire pour Wouter. Son père est un agronome expérimenté et il a longtemps travaillé pour Nestlé. C'est la raison pour laquelle Wouter a grandi en Afrique et a pris la succession de son père pour aider les agriculteurs de Pu'er à cultiver le café il y a environ dix ans.

« La plus grande difficulté que j'ai rencontrée – et que je rencontre encore – durant toutes ces années en Chine a été la barrière de la langue », nous dit Wouter. Grâce à Hou Jiazhi, directeur technique de la division agronomie de Nestlé à Pu'er, Wouter arrive à contourner cet obstacle.

« Il n'a pas besoin d'apprendre le chinois, en effet Hou Jiazhi est un très bon interprète, nous explique Luo Jue, directeur des achats de la division agronomie de Nestlé à Pu'er. Wouter a innové quant aux méthodes de formation, ainsi qu'aux stratégies de développement de Nestlé dans la province du Yunnan. Il commence à donner des cours aux cultivateurs sur place, à la campagne. »

Selon Hou Jiazhi, l'amitié entre lui et Wouter a le café pour base. Il nous dit que Wouter adore conduire. « Wouter a parcouru toute la région rurale de Pu'er, conduisant parfois huit ou dix heures. Un jour, des policiers nous ont arrêtés. Ils pensaient sûrement que j'étais un grand entrepreneur, puisque j'avais un chauffeur étranger. »

« Les agriculteurs du Yunnan apprennent vite et travaillent dur. Ils ont un esprit ouvert et créatif. Mais planter du café ne suffit pas, il faut aussi le commercialiser », nous explique Wouter.

Frères chinois

Avant de venir en Chine, Wouter ne buvait pas de thé. Les cultivateurs locaux lui ont appris à boire cette boisson traditionnelle chinoise. Wouter dit souvent, « le thé Pu'er et le café sont des frères. »

Il entretient également un fort lien d'amitié avec les résidents locaux. Il a changé la méthode de formation et a introduit le concept de développement durable. Il a aussi mis en place un mécanisme de traçabilité, un concept moderne qui permet de rendre toutes les étapes de la production transparentes.

Lorsque Wouter est arrivé à Pu'er, la production de café était déjà la source principale de matières premières pour l'usine Nestlé de Dongguan (dans la province du Guangdong) et l'entreprise avait déjà commencé la formation technique des cultivateurs locaux. Depuis l'arrivée de Wouter, Nestlé a employé plus d'experts. Plus de 9 300 cultivateurs locaux sont formés et accompagnés grâce à 124 projets de formation.

« En 1998, j'ai passé deux mois ici. La Chine était alors un pays totalement étranger pour moi. Mais je me suis rapidement adapté. De plus, je suis prêt à accepter de nouvelles expériences et à apprendre de nouvelles cultures. Peu après, je me suis senti très à l'aise, comme chez moi. Je suis accepté par la communauté locale et le gouvernement », dit-il avec satisfaction.

L'essence de son succès est un esprit ouvert et souple. Lors de la récolte 2004-2005, 147 foyers paysans avaient vendu leur café à Nestlé. Ce chiffre s'élève à 3 000 pour la récolte 2013-2014. « Avec les cultivateurs du Yunnan, Nestlé a bien amélioré ses techniques, la qualité et la commercialisation de son café. Nous avons établi un marché local hautement transparent », ajoute Wouter.

Son succès à Pu'er ne réside pas dans la quantité, mais dans la qualité, ce qui permet d'assurer la durabilité de la plantation et du traitement du café. Nestlé offre une cinquantaine de projets de formation visant à répondre aux normes internationales de qualité. De décembre 2012 à juillet 2013, 821 cultivateurs de café ont obtenu un certificat 4C (une règle générale dans la communauté des cultivateurs de café qui spécifie les normes fondamentales de production, de traitement et de commerce durable afin de réduire les opérations frauduleuses).

Au mois de mai 2014, 1 429 cultivateurs de café à Pu'er ont obtenu un certificat 4C. « C'est une partie très importante de notre plan global pour Nestlé. D'ici la fin de cette année, nous allons certifier encore d'autres cultivateurs travaillant sur une superficie totale de plus de 133 hectares et employant 30 000 personnes. à partir du mois de novembre prochain, nous n'achèterons plus qu'à des cultivateurs ayant la certification 4C », ajoute Wouter.

« Comme un Chinois »

Wouter pense que son équipe est à la base de son succès. Hou Jiazhi et Luo Jue, quant à eux, considèrent Wouter comme un « chef modèle ». Wouter souligne qu'aucune personne ne peut accomplir le travail seule. « Vous avez besoin d'une équipe qui fait confiance à la stratégie de l'entreprise. Tout le monde joint ses efforts pour la réussite », dit-il.

Wouter nous a raconté une histoire avec enthousiasme. Un jour, il a dû passer une nuit dans un village, « Tout le monde s'affairait pour trouver une chambre où dormir, dit-il. Mais avec mes 1,94m, il m'était impossible de trouver un lit où m'allonger ! Nous avons bien rigolé. Un de mes meilleurs souvenirs ! »

Wouter est venu en Chine juste après son mariage et ses deux filles sont nées à Pu'er. « Nous quitterons la Chine le sourire aux lèvres puisque nous avons vraiment passé du bon temps ici. Quelqu'un m'a dit que je me comportais comme un Chinois. Ça m'a fait très plaisir parce que c'est une preuve que je m'intègre bien à la société chinoise. »

« Ça fait déjà neuf ans que j'habite et travaille en Chine. Et j'ai passé ces neuf années à Pu'er, cet endroit magnifique », conclut Wouter à la fin de notre interview. Dans la province du Yunnan, où est produit 98 % du café de Chine, ce Belge a laissé son empreinte.

 

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