CHINAHOY

27-September-2013

La Chine et son voisinage : relations et stratégies futures

 

Le centre de gravité de la stratégie américaine se déplace vers l’Est, les États-Unis mettant en œuvre leur stratégie de rééquilibrage en Asie-Pacifique.

 

La mondialisation croissante est source à la fois d’opportunités et de conflits. Décryptage des frictions, stratégies et coopérations de la Chine avec le monde extérieur.

REN WEIDONG*

Pour se développer, la Chine a besoin d’évoluer dans un climat de paix, mais cette condition ne dépend pas exclusivement de sa volonté. Depuis la mise en application de la stratégie américaine de rééquilibrage en Asie-Pacifique, le contexte géopolitique autour de la Chine s’est complexifié. Ces deux dernières années, de nombreuses polémiques ont éclaté entre la Chine et ses pays voisins, dont le Japon et les Philippines. À l’est, la Chine fait face à bien des menaces d’ordre stratégique, en provenance de différents acteurs.

Deux grandes menaces

À la fin de la guerre froide, les États-Unis ont entamé de façon méthodique une expansion géopolitique planétaire. Dans les années 1990, ils ont concentré leur stratégie sur l’Europe de l’Est, en tirant profit de l’élargissement de l’OTAN et de celui de l’Union européenne. Dans les années 2000, les États-Unis ont principalement ciblé le Moyen-Orient et l’Asie centrale avec les guerres en Afghanistan et en Iraq. Depuis 2010, ils ont déplacé leur centre d’intérêt vers l’Asie de l’Est, se heurtant à la Chine comme adversaire. C’est ainsi que l’on peut résumer la stratégie géopolitique des États-Unis, qui cherchent à contrôler l’intégralité du continent eurasiatique. Le rapide essor chinois presse les États-Unis à considérer la Chine comme leur principal rival stratégique à l’échelle du globe. Si l’on considère qu’il est difficile pour les États-Unis de venir s’installer sur le continent en passant par le nord, l’ouest ou le sud de la Chine, et en outre, que le cœur du développement économique chinois se situe dans les régions côtières de l’est, et que l’énergie et les ressources de la Chine se concentrent en Asie de l’Est et dans le Pacifique Ouest, on comprend pourquoi ces deux dernières régions sont devenues le principal champ de bataille, où les États-Unis essaient à tout prix de contenir la Chine.

Ainsi, la Chine est confrontée à deux grandes menaces systémiques.

La première est formulée par les États-Unis, qui pour freiner la Chine, reconstruisent une nouvelle structure de guerre froide en Asie de l’Est. D’abord, les États-Unis renforcent à tous les égards les alliances militaires qu’ils avaient auparavant établies sous la guerre froide. Ils ont non seulement consolidé les alliances bilatérales existantes, mais en ont aussi rassemblé certaines, comme celle américano-japonaise et celle américano-sud-coréenne, pour les transformer en une seule et unique alliance trilatérale. Les États-Unis ont en même temps encouragé ces pays alliés à resserrer leurs liens militaires entre eux et avec d’autres pays. Ensuite, les États-Unis accroissent leurs relations globales avec les pays autrefois ennemis ou toujours idéologiquement ennemis, dont le Vietnam, la Birmanie et le Laos, et s’efforcent de minimiser ses divergences idéologiques et ses griefs historiques avec ces nations, dans le but de constituer un front international uni contre la Chine. Entre autres, ils accordent une importance particulière au développement de leurs relations militaires avec le Vietnam, tentant de faire de cet État le nouveau pivot de leur stratégie en Asie-Pacifique. De plus, les Américains étendent leur présence militaire en Asie-Pacifique. Ils centralisent actuellement leurs principales forces offensives stratégiques dans le Pacifique Ouest. À travers ce processus, d’une part, les États-Unis intensifient le déploiement avancé de leurs troupes au Japon, en Corée du Sud, aux Philippines et à Singapour ; d’autre part, ils élargissent leur champ stratégique en accordant plus d’importance à Guam, Hawaï et l’Australie pour des raisons géographiques, et ont même réamorcé leurs bases militaires implantées à Saipan, aux Palaos et sur l’île Wake, longtemps restées inactives. Résultat, le Pacifique est devenu le nouvel Atlantique de la guerre froide. Enfin, les États-Unis renouent leurs liens économiques en Asie-pacifique. Pour enrayer la montée de l’influence économique de la Chine dans cette région, ainsi que l’intégration croissante des pays sur la base d’une coopération autonome, les États-Unis ont promu vigoureusement l’Accord de partenariat transpacifique (TPP) en Asie de l’Est, dans une tentative de modifier à leur avantage les relations économiques entre les nations de cette région.

La deuxième menace est proférée par le Japon, qui cherche à bouleverser l’ordre qui a été établi après la guerre. Depuis quelques années, le Japon nie son passé d’envahisseur et embellit sa guerre d’invasion, sans hésiter à réviser les manuels scolaires. Les hommes politiques japonais se rendent annuellement au sanctuaire de Yasukuni malgré les protestations chinoises, refusent d’admettre leur responsabilité dans le massacre de Nanjing, ainsi que l’esclavage sexuel qu’avaient commis les troupes japonaises durant la guerre. Le gouvernement japonais a par ailleurs transformé son agence de la Défense en un ministère de la Défense, tout en préconisant d’élever la force d’auto-défense au rang d’armée. Le Japon intensifie son armement, de sorte que ses forces d’auto-défense se dotent de matériel offensif ; il assouplit les restrictions en matière d’exportation d’armes, relance l’industrie militaire et établit des bases à l’étranger. Le Japon, qui ambitionne de devenir un grand pays militaire, a même émis le projet de réviser sa Constitution pacifiste. Ces gestes reflètent la tendance politique de droite qui a pris de l’ampleur dans le pays après la guerre. En juillet dernier, c’est le Parti libéral démocrate (l’équivalent de l’extrême droite), emmené par Shinzo Abe, qui a remporté les élections législatives au Japon. Après sa victoire, il a légitimisé le militarisme en révisant la Constitution. Ainsi, ce revirement de l’orientation politique au Japon est devenu un problème incontournable. En août, le porte-avions Izumo, entrant dans la catégorie « corvette », a été mis en service, ce qui constitue une autre violation aux arrangements conclus après la guerre ainsi qu’une nouvelle étape dans l’expansion de ses forces militaires. Au lieu d’empêcher ces comportements droitistes, les États-Unis adoptent une attitude indulgente et poussent même le Japon à s’opposer aux résultats de la guerre antifasciste et à renverser l’ordre établi après-guerre. Les États-Unis cherchent délibérément à diriger la tendance droitiste vers la voie du militarisme et de la conquête étrangère, afin de bloquer la Chine. Le Japon est, lui, désireux de tirer parti de la puissance des États-Unis pour supplanter la Chine et dominer l’Asie de l’Est. Dans le cadre de leur stratégie d’encerclement de la Chine, les États-Unis favorisent un dangereux ennemi de la Chine, qui serait capable de mener des attaques offensives à son encontre.

1   2   3     

Liens