CHINAHOY

26-November-2014

Wu Dayu : synthèse de l’art chinois et occidental

 

Rythme des Couleurs.

 

Découverte d'un maître capable de faire naître la mélancolie dans un flot de couleurs.

LU RUCAI, membre de la rédaction

Lors de la séance de ventes automnale 2014 consacrée à « l'Art chinois du XXe siècle et contemporain » tenue à Hong Kong par China Guardian, une peinture à l'huile sur toile du peintre Wu Dayu (1903-1988) Rythme des Couleurs – Rêve de midi a été adjugée pour 6,555 millions de dollars hongkongais (674 000 euros).

Rythme des Couleurs – Rêve de midi, d'un format de 52,8 × 37 cm, a été réalisé dans les années 1950. Beaucoup d'œuvres de Wu Dayu ont été détruites pendant la Révolution culturelle (1966-1976). Parmi celles peu nombreuses laissées après sa mort, la série Rythme des Couleurs est très connue. Rythme des Couleurs – Rêve de midi reste l'une des meilleures de cette série et est recueillie dans plusieurs albums des œuvres personnelles du peintre, car elle représente bien l'art plein d'ardeur de Wu Dayu. Sur cette peinture de style abstrait, le peintre esquisse un espace de couleurs à l'aide de traits vifs. Le bleu fluide et le noir froid, auxquels s'ajoutent le rouge éclatant et le jaune clair, ou encore des tons doux de rose, constituent une palette de couleurs éclatantes et rythmées. Le peintre a combiné dans ses touches fluides et libres l'essentiel de la calligraphie chinoise et du style abstrait occidental. Un certain équilibre rationnel se renferme dans les couleurs éblouissantes et pleines de force qui composent la toile. Les œuvres du peintre Wu Dayu ne se limitent pas à décrire des formes, mais représentent bel et bien l'impression du peintre en quête d'une liberté de l'âme.

Né en 1903, Wu Dayu est l'un des premiers artistes de la peinture à l'huile chinoise dont les œuvres furent connues pour leurs couleurs. Issu d'une famille notable de Yixing, alors district du Jiangsu, son grand-père était professeur d'une école privée du district. « À 7-8 ans, j'aimais déjà peindre. À l'époque, le père de Xu Beihong était un élève de mon grand-père. Il peignait des personnages, des paysages, des natures mortes et beaucoup d'autres genres encore. Il venait souvent chez moi, et il m'avait apporté un sac contenant des pinceaux et d'autres ustensiles pour la peinture. J'étais encore très jeune, mais très curieux et heureux de recevoir tout cela.... Petit à petit, j'ai pris goût à la peinture », racontait Wu Dayu.

En 1918, à l'âge de 15 ans, il arriva à Shanghai pour apprendre à peindre. Il devint élève de Zhang Yuguang, caricaturiste satirique et pionnier de la peinture occidentale. Deux ans plus tard, Wu Dayu devint graphiste du journal Shenbao, l'un des trois quotidiens les plus importants de Shanghai à l'époque.

En 1922, il quitta la Chine pour faire ses études à Paris. Il étudia d'abord à l'École nationale supérieure des beaux-arts, puis il entra dans l'atelier du sculpteur Antoine Bourdelle, élève d'Auguste Rodin, pour étudier la sculpture.

En 1924, il fonda, avec Lin Fengmian et Li Jinfa qui étudiaient alors en France, l'Association Phoebus (rebaptisée l'année suivante le « Mouvement de l'Art d'outre-mer »), qui avait pour but de créer des œuvres artistiques vivantes pour les Chinois. Ces cinq ans en France exerçèrent par la suite une profonde influence sur ses recherches sur l'impressionnisme.

En 1927, il retourna en Chine et devint professeur à l'École spéciale d'art Xinhua de Shanghai. En mars 1928, après la fondation de l'École nationale spéciale d'art de Hangzhou, il y fut recruté comme directeur de la faculté de peinture occidentale. Le peintre Pan Tianshou, alors directeur de la faculté de peinture chinoise traditionnelle, était son collègue. Après 1937, pendant la Guerre de résistance contre l'agression japonaise, il partit pour le Sud de la Chine et entre-temps, créa un grand nombre d'œuvres s'inspirant de l'histoire et des peintures de personnages pour faire l'éloge des héros patriotiques. Parmi celles-ci, on trouve Le Triomphe, Sun Yat-sen donne un discours, La main de sang, etc.

En 1947, il revint à l'École nationale spéciale d'art de Hangzhou pour y enseigner. En 1960, il commença ses cours à la faculté de peinture à l'huile de l' École spéciale des beaux-arts de Shanghai. Pourtant, il avait du mal à s'y adapter à cause de son état d'âme et du climat social d'alors. Les dix ans entre 1978 et 1988, année de sa mort, sont considérés comme la période dorée de sa création.

Les expériences qu'il a vécues pendant la Révolution culturelle l'ont fait mépriser la célébrité et la richesse, et ont rendu sa création artistique plus libre. La plupart de ses œuvres visibles de nos jours ont été créées au cours de cette période. Elles sont en général de format moyen, mais pleines d'enthousiasme. Un Matin dans le Parc incarne ce que le peintre voit et sent au quotidien. Pluie torrentielle reflète le froid apporté par une averse dans l'atelier.

Durant sa création artistique, Wu Dayu a su combiner certains concepts et techniques de la peinture occidentale moderne et de l'art traditionnel chinois pour mettre au point un style artistique très personnalisé insistant sur les couleurs éblouissantes et donnant en même temps une impression sombre et mélancolique. Quant à l'art occidental, il a souvent exprimé : « L'art chinois et occidental sont à l'origine un ensemble. Ce n'est pas par les techniques mais par l'âme qu'on comprend l'art. L'art des humains est sans frontières. C'est un langage. Il n'y a en art que la frontière temporelle, pas de frontière matérielle. »

Les résultats de Wu Dayu en matière d'art et d'enseignement furent reconnus par nombre d'artistes de l'époque. Lin Fengmian trouvait qu'il possédait une « grande créativité » en le qualifiant même de « maître illustre des couleurs ». Wu Guanzhong, Zhu Dequn et Zao Wou-Ki, élèves de Wu Dayu, ont été inspirés par lui. Wu Guanzhong disait de lui qu'il était un « religieux de la vie » et estimait qu'il était le plus prestigieux des professeurs de l'École nationale spéciale d'art de Hangzhou. Pour Zhu Dequn, il était un « peintre érudit de talent », alors que Zao Wou-Ki l'a qualifié de « professeur sachant ouvrir les yeux de ses élèves ».

 

La Chine au présent

Liens