CHINAHOY

17-February-2013

Zhou Hua : regard sur le Tibet

WANG YING

Ceux qui n'ont pas eu l'occasion de visiter le Tibet peuvent se rabattre sur les peintures réalistes de Zhou Hua pour découvrir cette région. Rencontre avec cette artiste du Tibet. « Zhou Hua est une artiste peintre populaire du Tibet. Une exposition présentant ses œuvres s'est récemment ouverte à Amsterdam, aux Pays-Bas. À la fin de sa tournée en Europe, elle est retournée à Lhassa... ». À la lecture de cette brève information parue dans le journal local de Lhassa, Zhou Hua s'est mise à rire, se disant qu'effectivement, il est juste de la considérer comme une « artiste peintre populaire du Tibet ». Elle est née et a grandi à Lhassa ; c'est là qu'elle a commencé la peinture, et plus important encore, qu'elle a poursuivi dans cette voie en tant qu'artiste indépendante. Les silhouettes tibétaines sont depuis toujours au cœur de son art : elle est issue du peuple et aussi peintre représentant le peuple tibétain. Le Tibet pour seul et unique thème

Dans ces œuvres, Zhou Hua ne peint que des personnes ou des paysages du Tibet, car durant les trente premières années de sa vie, le monde s'est limité à cette région pour elle.

Le père de Zhou Hua était également peintre. Amoureux du Tibet, il avait choisi de s'installer à Lhassa, Zhou Hua commençant ainsi sa vie dans cette région dès l'âge de quatre ans. Aujourd'hui, elle est capable de converser en tibétain avec la population locale, mais son mode de vie reste tout de même un peu différent de celui de ces gens, en particulier pour ce qui est de l'alimentation et des coutumes. Les choses ont bien changé aujourd'hui, mais au moment de son arrivée, considérée comme une personne venue ailleurs, elle ressentait toujours qu'une certaine barrière se dressait entre elle et les locaux.

Son père a été son tout premier professeur. Plus tard, elle a été admise à la faculté des beaux-arts de l'université du Tibet. Mais tandis que son père réalisait des peintures traditionnelles chinoises, elle a choisi la peinture à l'huile.

En Chine, les adolescents qui étudient la peinture commencent généralement par apprendre les théories occidentales : croquis, dessins, gouache... Il est difficile de faire comprendre à des adolescents d'une dizaine d'années les états d'âme que traduit la maîtrise du pinceau et de l'encre dans les peintures traditionnelles chinoises. C'est aussi la raison pour laquelle Zhou Hua avait choisi la peinture à l'huile. Avant l'invention de la peinture à l'huile au XVe siècle, on utilisait en Europe la technique « tempera », qui consistait à mélanger des pigments de peinture avec de l'œuf. Par la suite, le peintre flamand Jan Van Eyck avait contribué à étendre les matériaux utilisés en peinture, sa méthode devenant peu à peu une technique majeure dans l'histoire de l'art occidental.

En novembre 2012, invitée par une galerie locale, Zhou Hua s'est rendue à Amsterdam pour organiser une petite exposition personnelle, ayant pour thème « les visages du Tibet » — thème qui se retrouve dans la quasi-totalité de son travail. Dans cette exposition, cette empreinte tibétaine marquée a fasciné les Hollandais. Sans même savoir qu'il s'agissait de portraits de Tibétains, ils s'arrêtaient devant ces peintures pour les admirer, touchés par le naturel divin qui s'en dégageait.

Ce naturel, c'est exactement ce que Zhou Hua veut transmettre.

Reproduire la réalité

Dans son enfance, Zhou Hua allait souvent prier au monastère de Jokhang, en compagnie de son père. En hiver, une vague de pèlerins venus des quatre coins du Tibet descendait la rue Barkhor. Vêtus de leurs habits locaux, les mains jointes, ils se prosternaient sur le chemin. Ils mettaient trois, quatre mois, voire un an, pour faire le trajet depuis leur village natal jusqu'au cœur du haut lieu suprême qu'est Lhassa. Debout à l'entrée du monastère de Jokhang, ils acceptaient la hada (écharpe blanche tibétaine utilisée pour les cérémonies) qu'on leur présentait. Malgré leur tablier rapiécé et poli par frottement ou les épaisses callosités sur leur front, leur visage était empli de splendeur et leur corps et âmes laissaient transparaître un respect mêlé de crainte.

Adolescente, Zhou Hua allait déjà souvent s'asseoir sur la place du monastère pour y réaliser des croquis. En grandissant, en outre, elle apprit à filmer. De retour à son atelier, Zhou Hua cherchait soigneusement à ajouter sa propre compréhension à ces images encore fraîches, pour qu'elles deviennent bien plus que de simples croquis. Au fil des saisons, jour après jour, les gens qui allaient et venaient au monastère de Jokhang étaient immortalisés dans les œuvres de Zhou Hua.

Depuis les temps anciens, que ce soit dans l'histoire de l'art oriental ou de l'art occidental, la question du réalisme constitue un défi. Particulièrement en Occident, où les multiples efforts pour reproduire la réalité se sont étalés tout au long de l'histoire de l'art. Zhou Hua, elle aussi, a toujours cherché à calquer le réel.

Mais son regard ne peut ni se limiter à Lhassa, ni à une simple spectatrice. Avant, Zhou Hua était plutôt casanière, mais ces dernières années, elle a tenu à sortir faire le plein d'images au moins une fois par an. Au début, elle parcourait souvent les prairies au Nord du Tibet. Le visage des éleveurs là-bas est empreint des caractéristiques de la prairie : calme, paisible. Les épais et lourds vêtements tibétains ainsi que la carrure impressionnante de ces hommes d'un naturel si pur ont également inspiré Zhou Hua.

Peut-être du fait de leur condition féminine, de nombreuses femmes peintres portent progressivement leur attention sur les enfants et les animaux. Zhou Hua ne fait pas exception. Ce vif désir s'est manifesté à mesure qu'elle progressait dans sa capacité à rendre la réalité. Bien qu'elle n'ait pas d'enfant, elle a commencé inconsciemment à emplir ses peintures d'amour maternel, l'enfant devenant son principal sujet.

Durant trois hivers consécutifs, Zhou Hua a suivi de célèbres photographes pour découvrir de nouveaux paysages. Dans la région tibétaine du Kham, couverte de neige et de glace, les enfants de bergers portent une tunique en fourrure pour se mêler au troupeau. Ils pleurent rarement et ne font jamais de caprices. Ces enfants qui vivent sur le plateau tibétain, tout en entretenant une crainte envers la nature et l'inconnu, comptent sur les miséricordes divines pour grandir naturellement, sans souci.

Dans son album La Bergère comptant deux peintures, Zhou Hua n'a pas opté pour les couleurs vives qu'elle utilise habituellement, la prédominance du gris faisant ressortir un sentiment de compassion. Un troupeau d'agneaux se cachent dans la vallée orangée, regardant de tous côtés avec leurs yeux curieux. Au centre, une jeune fille, cheveux tressés attachés avec des turquoises, assise par terre, tient dans ses bras un agneau. Seule la tête de l'animal ressort du vêtement en peau de la jeune fille, dont le regard est bourré d'affection.

Il semblerait qu'après la réalisation de cette série de peintures, Zhou Hua a soudainement trouvé une nouvelle énergie créatrice. Elle a composé notamment l'album Petit Lama, un ensemble de quatre peintures. Au Tibet, traditionnellement, les jeunes garçons sont envoyés au monastère, où ils y étudient le bouddhisme, un honneur pour leur famille. Zhou Hua a visité de nombreux monastères. Ayant grandi à Lhassa, elle se sent proche et se conforme naturellement au bouddhisme tibétain. Dans ses portraits, soit ce petit lama rit de bon cœur, soit il court. L'identité de l'enfant est marquée par les vêtements rouges de lamas qu'il porte, mais ce qui le caractérise, ce sont surtout sa liberté et sa gaieté sans limite. Au sein de ces monastères majestueux et dans l'innocence même de ces enfants, Zhou Hua trouve sa propre inspiration. Chérir sa passion et travailler sereinement

Zhou Hua aime dessiner depuis son enfance et a toujours su le faire. Au cours de la création, elle a pris l'habitude de prendre de la distance avec ses peintures, plissant les yeux pour pouvoir l'examiner de loin.

L'atelier de Zhou Hua, bâti depuis déjà plus de dix ans, se trouve dans la rue qui mène au monastère de Jokhang. Les premiers à avoir acheté les œuvres de cette artiste sont en majorité des étrangers. Certains collectionnaient l'ensemble de ses peintures au moins une fois par an. En Europe, des marchands d'art intéressés par son travail lui ont proposé d'organiser des petites expositions de ses œuvres. Mais ces deux dernières années, avec la récession économique qui a frappé l'Occident et l'augmentation du prix des peintures de Zhou Hua, le nombre d'acheteurs occidentaux a baissé, celui des acheteurs chinois a augmenté.

Dessiner, pour Zhou Hua, c'est presque toute sa vie. De mars à novembre, chaque année, elle s'enferme dans son atelier pour travailler. À l'arrivée de l'hiver, elle rentre chez elle, mais continue de dessiner. En l'espace de dix ans, la première passion et les premières influences de Zhou Hua ont naturellement jeté les bases de sa carrière professionnelle. Son souhait pour le futur : peindre toujours mieux, tout simplement.

De nos jours, le genre de la peinture à l'huile est menacé par l'émergence de la conception et de la photographie assistées par ordinateur. En Occident, la peinture à l'huile a mis cinq cents ans à s'épanouir. Aujourd'hui, certains peintres pensent qu'elle a déjà atteint son apogée en Occident et qu'elle pourrait difficilement se développer davantage. Mais la peinture à l'huile a fait son apparition en Chine il y a seulement une centaine d'années et prend de l'ampleur dans le pays.

Dans le domaine de la peinture traditionnelle chinoise que son père affectionnait, Zhou Hua éprouvait la profondeur et la précision au cœur des œuvres. Mais elle veut toujours se plonger dans la composition de ses propres peintures à l'huile, car elle considère qu'elle n'arrive pas encore à représenter parfaitement ce qu'elle veut exprimer, qu'elle a encore beaucoup de progrès à faire dans cet art. Cependant, Zhou Hua étant perfectionniste, l'étendue de ces progrès à faire, au lieu de se réduire, s'amplifie à ses yeux, devenant incommensurable au fil du temps.

L'avenir est encore loin et la réalité trop pesante : il faut donc chérir sa passion et travailler dur sereinement. Zhou Hua a expliqué qu'au travers de ses œuvres, elle voulait montrer la vie de ces Tibétains. Elle en retire du réconfort. Pour le mot de la fin, on retiendra sa déclaration : « J'ai vraiment envie de devenir une artiste peintre excellant dans la réalisation de portraits à l'huile ».

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