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La ceinture économique du Yangtsé : un « collier de perles » unissant l'Est et l'Ouest
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Des cargos naviguent sur le cours moyen du Yangtsé, principale voie fluviale de la ville de Jiujiang, dans la province du Jiangxi. (CFP) |
LUO YUANJUN, membre de la rédaction
En Chine, l'essor économique et industriel a pris source dans les régions côtières à l'Est du pays, mais devrait se poursuivre dans l'Ouest en descendant le fleuve Yangtsé...
Début mai 2014, Chen Ming, qui depuis des années exploitait une fabrique de vêtements et parures à Shenzhen, a déménagé son entreprise au Hubei, sa province natale. Il faut savoir que depuis 2010, la ville de Shenzhen encourage le développement des industries de hautes technologies. L'usine de Chen Ming se classant parmi les industries traditionnelles à forte densité de main d'œuvre, elle n'était pas soutenue par la municipalité de Shenzhen et souffrait en plus d'un manque de travailleurs. En conséquence, Chen Ming a pris la décision de retourner au Hubei.
« Le gouvernement local du Hubei a introduit un certain nombre de politiques favorables aux entreprises qui, comme la nôtre, ont été relocalisées dans la province. À l'heure où la Chine construit triomphalement la ceinture économique du fleuve Yangtsé, je suis convaincu que mon entreprise pourra saisir de nouvelles opportunités de développement dans l'avenir. Les onze provinces aux abords du Yangtsé constitueront un marché de vente important pour nos produits », prévoit Chen Ming.
Le plan de construction de la ceinture économique du fleuve Yangtsé devrait être terminé d'ici la fin de l'année. Cette ceinture englobera dix provinces et une municipalité relevant directement de l'autorité centrale (Chongqing), une région représentant 18 % du territoire du pays, 36 % de la population chinoise et 37 % du PIB national. La ceinture économique du Yangtsé retient ainsi l'attention de tout le pays. Notamment depuis le 28 avril 2014, jour où le premier ministre Li Keqiang avait convoqué une réunion à Chongqing, à laquelle avaient participé les représentants de ces provinces et de cette municipalité.
La voie fluviale du Yangtsé
À l'heure actuelle, la ceinture économique du Yangtsé n'est pas encore entrée dans sa phase de construction réelle. Néanmoins, on la qualifie déjà de « colonne vertébrale de l'économie chinoise ». Ce sera la plus grande ceinture économique suivant une voie fluviale, et pas n'importe laquelle, puisque le Yangtsé est le troisième plus long fleuve au monde et le premier en Asie. En 2013, près de 2 milliards de tonnes de marchandises ont été acheminées par le Yangtsé, ce qui en fait le fleuve au plus haut volume de fret dans le monde. Selon les estimations, la capacité de transport actuelle du Yangtsé est 20 fois supérieure à celle du chemin de fer Beijing-Guangzhou. Le transport fluvial constitue une composante essentielle du réseau de transport de la région. Le Yangsté est déjà devenu un important moteur de l'essor économique et social des zones qu'il baigne, ainsi qu'un aimant qui polarise les industries alentours.
À Yueyang, une ville du Hunan, la famille de Ye Chao a travaillé sur le Yangtsé pendant trois générations. En 2011, Ye Chao a co-fondé avec quelques amis une petite compagnie de transport de marchandises sur le fleuve. Cette année-là, son entreprise a dépassé les 30 000 tonnes de fret. Ye Chao a indiqué : « De nombreuses industries du littoral se sont aujourd'hui déplacées vers le Centre et l'Ouest du pays, ce qui signifie que le transport fluvial offre de belles perspectives d'avenir. Revêtant une importance stratégique nationale, la voie fluviale du Yangtsé sera certainement appuyée par l'État par le biais de politiques préférentielles. Ce cours d'eau est une "poule aux œufs d'or" : elle permet aux industries riveraines de se développer, industries qui elles-mêmes promeuvent à leur tour le transport fluvial sur le Yangtsé. »
Ye Qiliang, le père de Ye Chao, travaillait sur un navire charriant du sable. Il pouvait gagner jusqu'à 1 000 yuans par mois, alors que le salaire d'un ouvrier n'était à l'époque que de quelques dizaines de yuans. Attiré par ce revenu confortable, Ye Chao choisit d'exercer le même métier que son père, à la différence que son entreprise, une fois fondée, se concentrait principalement sur le transport de l'acier. Il raconte : « Il y a quelques années, l'immobilier était en plein essor. Du coup, la demande en acier était élevée ; mes affaires marchaient bien. Maintenant que le marché sidérurgique a décliné, je dois chercher d'autres produits. Ainsi, j'espère que l'État va accélérer la construction de la ceinture économique du Yangtsé. Alors, je n'aurai plus à me faire du souci pour mes affaires. »
Le premier ministre Li Keqiang a souligné que dans l'histoire de l'économie mondiale, le développement économique a toujours suivi une marche similaire : il commence d'abord par les régions côtières, s'étend ensuite aux zones baignées par un fleuve et atteint enfin l'hinterland. Le Yangtsé traverse la Chine d'est en ouest, en passant par le centre. La future ceinture économique qui s'appuiera sur cette voie fluviale recèlera d'avantages distincts et sera source de larges potentialités. Le Yangtsé deviendra la « colonne vertébrale de l'économie chinoise », capable de tirer vers le haut le développement économique des régions près de ses rives.
Pour préserver la prospérité et la stabilité du pays, l'économie chinoise doit maintenir un rythme de croissance convenable. Une condition qui requiert de rechercher sans cesse de nouvelles forces motrices du développement. Ainsi, la ceinture économique du Yangtsé est appelée à devenir le nouveau pôle de croissance de l'économie chinoise. Grâce à la construction de cette ceinture, les agglomérations dans le delta du Yangtsé joueront un rôle de premier plan : elles porteront l'essor du Centre et de l'Ouest de la Chine par le transfert vers ces régions d'industries, de capitaux et de technologies, de sorte à établir un nouveau modèle de développement où Est, Centre et Ouest sont interdépendants.
D'après Wang Jun, directeur adjoint au département de consultation et d'études relevant du Centre des échanges économiques internationaux de Chine, la ceinture économique du Yangtsé, à la différence des autres ceintures économiques, unira naturellement l'Est, le Centre et l'Ouest de la Chine. Elle pourra accélérer le transfert industriel et favoriser ainsi la montée en gamme de l'économie. Elle pourra même être prolongée vers l'ouest jusqu'à rejoindre la ceinture économique de la route de la Soie, pour ouvrir une nouvelle porte vers l'Occident. De nos jours, bien des industries dans l'Est de la Chine sont délocalisées vers le Centre et l'Ouest. La province du Sichuan et la ville de Chong-qing s'activent à développer les nouvelles industries comme l'informatique ; une ligne ferroviaire relie ces régions à l'Europe : le développement économique régional et l'ouverture de la Chine sont entrés dans une nouvelle ère. La construction de la ceinture économique du Yangtsé permettra certainement d'accélérer le processus en marche, d'insuffler un nouvel élan au développement de l'économie chinoise et d'exploiter le potentiel d'un nouvel espace.
Des régions côtières vers l'intérieur du pays
Depuis la réforme et l'ouverture entreprises à la fin des années 1970, l'économie chinoise maintient un rythme de croissance assez élevé, avec un PIB qui monte en flèche. Celle-ci étant axée sur les exportations, les régions côtières, avantagées par leur situation géographique, ont été les premières à connaître un rapide développement économique. Ainsi à Shanghai, à l'embouchure du Yangtsé, les habitants perçoivent des revenus moyens ou élevés, tandis que dans les provinces situées aux cours supérieur ou moyen du Yangtsé se concentrent la plupart de la population pauvre du pays. Et le fossé entre les deux zones ne cesse de se creuser...
« Au début des années 1990, après avoir achevé mes études universitaires, je suis parti vers le littoral pour y travailler. C'était très commun à l'époque, se rappelle Chen Ming, car il était plus facile de trouver un travail là-bas, et les salaires y étaient beaucoup plus élevés qu'ailleurs. Après une dizaine d'années de labeur, j'ai créé ma propre entreprise en 2004. Il faut dire que dans mon village natal, seuls restent les personnes âgées et les malades ; les jeunes partent en général. »
En 2008, la crise financière internationale a éclaté et n'est pas restée sans impact sur la Chine. Face à la baisse considérable de la demande extérieure, les industries orientées vers l'exportation ont décliné. Certains considèrent que la Chine se trouve dans une phase de transition et que l'économie chinoise est en pleine restructuration, ce qui justifie le ralentissement de la croissance. Dans ce contexte, il est urgent de stimuler la demande intérieure et il est tout aussi logique de mettre l'accent sur le développement de l'hinterland.
Selon le Centre de recherche sur le développement relevant du Conseil des affaires d'État, la construction de la ceinture économique du Yangtsé permettra aux villes riveraines de mettre en valeur leurs atouts en matière de sciences et technologies, de ressources humaines et d'industries manufacturières. La priorité est donnée à l'optimisation du secteur manufacturier. Les régions localisées aux cours supérieur, moyen ou inférieur du Yangtsé doivent s'appuyer sur leurs avantages comparatifs pour engager une coopération plus étroite et de plus haut niveau. Elles pourront profiter de la voie navigable naturelle qu'est le Yangtsé, ainsi que de tout le réseau de transport moderne à proximité, pour favoriser la migration des entreprises et la diversification des industries. Cela permettra d'édifier dans l'ensemble du bassin du Yangtsé un nouveau schéma d'interdépendance économique invoquant les avantages comparatifs.
À l'avant-poste de la réforme et de l'ouverture, les villes côtières sont actuellement confrontées à certains défis, à savoir la modernisation et l'optimisation industrielles. À Shanghai, près de 10 000 entreprises se sont enregistrées dans la zone de libre-échange récemment créée. Outre les entreprises à capitaux étrangers, il s'agit pour le reste de sociétés financières ou de gestion d'actifs. Aucune entreprise manufacturière. En raison de la montée en gamme des industries, le niveau général des salaires s'élève. Or, dans le cas d'une chute des bénéfices, une entreprise manufacturière est contrainte de déménager. S'installer en amont du Yangtsé est alors le meilleur choix, compte tenu des facilités de transport qu'il apporte.
Deux exemples bien connus illustrent ce phénomène de déplacement des industries vers le cours supérieur. En 2012, le nouveau centre de production de Shanghai GM s'est installé à Wuhan, capitale du Hubei. De plus, en avril 2014, Dongfeng Motor, situé à Shiyan (Hubei), a signé un accord de coopération stratégique avec la province du Sichuan : les deux parties renforceront leur collaboration globale en matière de production des véhicules finis. Selon le document, Dongfeng Peugeot Citroën Automobile implantera sa quatrième usine à Chengdu (Sichuan).
Chen Ming attend beaucoup du développement futur de la ceinture économique du Yangtsé. « La délocalisation est une épreuve tant pour les entreprises que pour les gouvernements locaux : les entreprises doivent s'adapter à un environnement économique nouveau, tandis que les gouvernements locaux doivent agir en accord avec un marché de plus en plus ouvert. Après tout, le marché intérieur est loin d'être aussi mûr que celui des régions côtières », commente Chen Ming.
La mise en œuvre de la ceinture économique du Yangtsé
Il y a des années déjà, les différentes régions le long du Yangtsé ont avancé leur propre stratégie de croissance et élaboré leur propre plan de développement industriel. Mais jamais un plan général pour l'ensemble du bassin du Yangtsé n'avait été dressé. Ainsi, la configuration industrielle est quasiment identique dans les différentes régions, ce qui n'est pas propice au développement global du bassin du Yangtsé. Il convient par conséquent d'établir une planification unifiée, pour répartir adéquatement les industries.
Pour l'heure, chacun s'accorde à mettre en place un mécanisme de réunion interrégionale pour la région du Yangtsé. Une réunion sera convoquée chaque année pour discuter en commun de la structure industrielle, des politiques et mesures adoptées, ainsi que des orientations futures. Au niveau du gouvernement central, il faudrait également créer un système de coordination, qui chaque année dresserait un bilan complet public sur le développement de la ceinture économique du Yangtsé.
D'après Chen Ming, la clé de la cons-truction de la ceinture économique du Yangtsé réside dans les ressources humaines, qui doivent pouvoir circuler librement. « Le haut niveau de développement des régions côtières et la libre circulation des talents sont inextricablement liés. La commodité de transport accroît l'attrait d'une région. Par le passé, les gens refusaient d'aller travailler dans un lieu peu développé ou loin de chez eux. Mais à partir du moment où le problème du transport ne se pose pas, la migration de talents de tous horizons peut s'intensifier. En même temps, mieux sont les conditions de transport, moins chers sont les coûts d'approvisionnement pour les entreprises et le prix des produits qu'elles vendent », explique Chen Ming.
Selon Qin Zunwen, vice-président de l'Académie des sciences sociales du Hubei et directeur du Centre d'études sur les agglomérations situées sur le cours moyen du Yangtsé, la réussite de la ceinture économique du Yangtsé reposera sur trois villes : Shanghai devra tirer le développement de tout le bassin du Yangtsé ; Wuhan s'occupera des zones au niveau du cours moyen du Yangtsé ; Chongqing jouera un rôle majeur dans l'essor des zones du cours supérieur. Pôle choisi pour porter la stratégie chinoise d'urbanisation d'un nouveau type, les agglomérations le long du Yangtsé possèdent déjà de bonnes bases pour soutenir le développement économique du pays. Le Yangtsé, première voie fluviale au monde en termes de volume de fret, gagne sans cesse en importance. Ce fleuve est considéré comme le fil d'or du « collier de perles » auquel s'apparente la ceinture économique du Yangtsé. En outre, lignes aériennes, chemins de fer et autoroutes constituent un vaste réseau de transport moderne. L'essor de la ceinture économique du Yangtsé ne se fera pas attendre !
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