CHINAHOY

9-June-2014

L'internationalisation du RMB, nouvelle tendance de l'économie mondiale

 

De nouvelles réformes relatives au mécanisme de change du RMB seront bientôt mises en œuvre, de sorte que la devise reflète mieux les fluctuations du marché. (CFP)

 

WEN BIN*

La devise chinoise prend une importance grandissante dans l'économie et le commerce mondial. Explications de ce phénomène et des étapes qu'il reste à accomplir.

L'utilisation de plus en plus fréquente de la devise chinoise, le RMB, dans le commerce international et les investissements a renforcé les liens commerciaux de la Chine avec le reste du monde et a clairement joué en faveur de la croissance de l'économie globale. La Chine voit également l'internationalisation du RMB comme une opportunité pour favoriser sa réforme des taux de change et pour ouvrir le compte de capitaux du pays.

Une devise internationale qui monte

Le RMB commence à s'internationaliser dans un contexte historique unique. Roberto Rigobon, professeur de macro-économie internationale au MIT's Sloan School of Management, dégage six préconditions clés pour que la devise d'un pays puisse acquérir une réputation mondiale et une convertibilité internationale. Ces facteurs sont : une balance commerciale convenable, des politiques macro-économiques stables, un compte de capitaux ouvert, un système de taux de change flexible, un marché des capitaux mûr, et un réseau d'externalités positives. Pour au moins trois de ces facteurs – le compte de capitaux, le système de taux de change et le marché des capitaux –, Rigobon dit que le RMB n'est pas encore prêt à devenir une devise mondiale.

En tant que nation majeure du commerce mondial, la Chine se plie à l'usage de payer en dollars américains ses transactions commerciales internationales. Néanmoins, l'effondrement financier soudain de 2008 a fait se réduire les liquidités en dollar, fragilisant le commerce transfrontalier. À la suite de cette crise, en juillet 2009, le Conseil des affaires d'État (gouvernement chinois) a annoncé le lancement d'un programme pilote de commerce transfrontalier en RMB. Ce programme pilote a commencé dans quatre villes, et a été rapidement étendu à 20 provinces, régions autonomes et municipalités. En janvier 2011, la Chine a annoncé que des entreprises et banques qualifiées pourraient effectuer leurs investissements directs à l'étranger en RMB, et ce système a été étendu plus tard à tous les importateurs et exportateurs.

Le RMB a été de plus en plus privilégié dans les relations commerciales avec les pays étrangers et est aujourd'hui la deuxième devise la plus utilisée au monde en termes de transactions transnationales. En 2013, le total des transactions transnationales de la Chine réglées en yuan a atteint 5 160 milliards, une augmentation de 61 % par rapport à l'année précédente. En ce qui concerne le compte courant (qui reflète le revenu national net), la proportion des importations et exportations chinoises réglées en RMB est passée de 5,5 % en 2011 à 11,7 % en 2013. Au niveau du compte de capitaux, qui répertorie les émetteurs d'investissements, en 2013, les investissements effectués en Chine en RMB ont augmenté de 60 % en un an, alors que les investissements chinois à l'étranger en RMB ont augmenté de 130 %. Cela prouve que le RMB est de plus en plus accepté par les clients internationaux.

À l'heure actuelle, plus de 222 pays et régions utilisent le RMB pour effectuer des payements ou des réserves. Les domaines couverts incluent désormais les actifs et passifs bancaires, ainsi que des « business intermédiaires » comme les dépôts, les prêts, les assurances, les compensations, les transactions de fonds, la gestion de patrimoine et les bons de souscription.

L'augmentation du nombre de règlements transfrontaliers effectués en RMB a fait s'élever le statut de la devise sur le plan international. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), le RMB est aujourd'hui une des dix devises les plus échangées au monde. Le rang du RMB sur le marché boursier global est passé de la 17e place en 2010 à la 9e en 2013, le montant des transactions journalières moyennes ayant été multiplié par 2,5.

Selon les dernières statistiques de la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT), à la fin de l'année 2013, les payements en RMB représentaient 1,3 % du total des transactions internationales, presque le double de leur proportion au début de l'année. Dans le même temps, la Chine a resserré sa coopération monétaire avec le reste du monde. Des accords d'échange de devises ont été signés avec 23 pays et régions pour une valeur dépassant les 2 500 milliards de RMB. Plusieurs pays d'Asie du Sud-Est, d'Europe de l'Est et d'Afrique ont pris ou pensent à prendre le RMB comme leur devise officielle de réserve.

Développer le marché offshore

L'internationalisation du RMB ne peut se faire sans le support des marchés off-shore qui ont historiquement joué un rôle clé dans la création de nouvelles devises mondiales. Ces derniers peuvent être séparés en deux marchés parallèles : le marché offshore intérieur et le marché offshore extérieur. Quand, par exemple, un marché offshore outre-mer en dollars américain a été formé à Londres, les États-Unis ont aussi développé un marché intérieur – International Banking Facility (IBF).

Pour le RMB, il y aura aussi des marchés offshores intérieur et outre-mer. Un des buts de l'établissement de la zone pilote de libre-échange de Shanghai est d'encourager la formation et le développement d'un marché offshore intérieur en RMB. Néanmoins, comme le RMB n'est pas complétement convertible dans le compte de capitaux, il est nécessaire d'établir la première zone de marché off-shore en RMB à Hong Kong.

En 2004, le RMB a fait son entrée à Hong Kong. À la suite d'un programme pilote, le RMB a été de plus en plus utilisé dans les transactions commerciales entre la partie continentale de la Chine et Hong Kong. En février 2010, l'Autorité monétaire de Hong Kong a ajusté sa politique afin d'assouplir son contrôle sur le RMB. En juillet de la même année, la Banque populaire de Chine et Bank of China (Hong Kong) Limited ont signé un accord sur les compensations des affaires en RMB à Hong Kong, élargissant ainsi la palette des catégories de transactions en RMB sur les marchés offshores. Peu de temps après, le marché offshore de Hong Kong est entré dans une période de croissance rapide.

À la fin de 2013, les dépôts en RMB à Hong Kong ont atteint 860,5 milliards, ce qui représentait plus de la moitié des stocks de la devise à l'étranger. Dans le même temps, l'émergence de prêts en RMB, obligations et produits dérivés ont encore renforcé le développement du marché offshore RMB de Hong Kong. De plus, des centres internationaux de la finance comme Singapour, Londres, Paris et Francfort ont aussi contribués au développement des marchés offshore en RMB. Sur le long-terme, d'autres marchés offshores en RMB devraient se développer dans les grands centres financiers mondiaux.

Ouverture croissante du compte de capitaux

Un compte de capitaux plus ouvert est aussi une des préconditions pour l'internationalisation du RMB. Sur les 43 catégories d'échange de capitaux répertoriées par le FMI, 12 sont, en Chine, totalement convertibles et 16 sont partiellement libéralisées. Mais les contrôles sur les capitaux existent encore dans des secteurs clés. L'augmentation des stocks de RMB à l'étranger dope la demande d'investissement en produits RMB. Néanmoins, la palette et la variété des produits d'investissement en RMB sur les marchés offshores sont limitées. C'est pourquoi il y a un besoin pressant d'ouvrir la voie aux marchés offshore en RMB afin que cela réalimente ensuite le marché financier national.

Ces dernières années, la Chine a mené plusieurs expériences réussies en ce qui concerne l'ouverture de comptes de capitaux. Les investisseurs étrangers peuvent, par exemple, investir dans le marché boursier chinois en passant par les institutions que sont le Qualified Foreign Institutional Investors (QFII) et le Qualified Foreign Institutional Investors en RMB (RQFII). Trois types d'institutions financières en dehors de la partie continentale de la Chine sont autorisés à investir dans le marché obligataire interbancaire chinois. Des prêts transfrontaliers en RMB sont possibles pour des entreprises de Qianghai (une zone financière pilote de Shenzhen) et dans la zone pilote de libre-échange de Shanghai.

Si les comptes de capitaux ne sont pas ouverts, les RMB qui sortent du pays par le biais du commerce ne pourront pas revenir en Chine dans les meilleures conditions. Sur le long terme, cela va inhiber les dépenses en RMB dans le règlement des échanges transfrontaliers.

La ligne directrice de l'ouverture des comptes de capitaux chinois est que les flux de capitaux à long terme doivent précéder les flux de capitaux à court terme, les investissements directs doivent précéder les investissements indirects, et les entrées doivent précéder les sorties. Des efforts seront faits pour promouvoir les réformes nécessaires à des prêts commerciaux et des transactions sur les valeurs mobilières, y compris les obligations et les actions. L'objectif est d'atteindre une convertibilité totale du compte de capitaux d'ici trois à cinq ans.

En tant que deuxième économie mondiale, la Chine possède un énorme marché financier avec un grand potentiel et des possibilités de développement. L'ouverture du compte de capitaux est propice au développement des marchés boursiers, obligataires, de produits dérivés et de devises étrangères.

La marchéisation du taux de change du RMB

Cela a été longtemps un débat dans les cercles académiques : doit-on d'abord faire la marchéisation du taux de change du RMB et des taux d'intérêts ou ouvrir le compte de capitaux ? Selon l'opinion dominante, ouvrir en premier le compte de capitaux conduira à des flux élevés de capitaux d'arbitrage motivés sur de courtes périodes, ce qui entravera la stabilité financière et la sécurité nationale. Par conséquent, depuis le 21 juillet 2005, la Chine a commencé à réformer le régime du taux de change de sa devise afin d'élever le taux de marchéisation de celui-ci.

La réforme inclut deux aspects. Premièrement, la création d'un cours pivot. Chaque jour depuis le 4 janvier 2006, le China Foreign Exchange Trade System (CFETS) fait des enquêtes auprès des acteurs du marché avant d'ouvrir le marché des changes interbancaires, et calcule ensuite le cours pivot du RMB par rapport au dollar américain, basé sur une moyenne pondérée de tous les prix que les acteurs du marché se disent prêts à offrir, en enlevant le prix le plus haut et le plus bas. Cette moyenne pondérée est décidée par le CFETS sur la base d'indices tels que le volume de transactions sur le marché des changes interbancaires et les prix annoncés.

La seconde réforme a élargi la marge de fluctuation du cours pivot du RMB au dollars de 0,3 % au début de la réforme, à 2 % actuellement.

Depuis le déclenchement de la crise financière mondiale en 2008, les pays développés ont adopté des politiques d'assouplissement quantitatif et les économies émergentes ont choisi de dévaluer leurs devises afin d'accroître leurs exportations. La Chine, quant à elle, a continué d'encourager ses réformes sur la marchéisation du taux de change du RMB.

Actuellement, le taux de change réel du RMB s'est apprécié de 35 % par rapport à son chiffre de 2005. L'excédent du compte courant de la Chine a chuté, passant d'environ 10 % en 2007, à 2,1 % en 2013, ce qui est en deçà du niveau d'alerte internationalement reconnu de 4 %. Sur la voie d'équilibrer sa balance internationale des payements, la Chine a apporté sa contribution propre au développement du commerce international et au renouveau de l'économie mondiale.

 

*WEN BIN est titulaire d'un doctorat en économie et chercheur en macroéconomie à l'Institut des finances internationales de la Banque de Chine.

 

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