CHINAHOY

9-June-2014

Première économie mondiale, et alors ?

 

Selon les données de la Banque mondiale, plus de 98 millions de personnes vivent avec moins d'un dollar par jour en Chine. (CFP)

 

YU XIAOKUI*

La Chine serait passée au rang de première économie mondiale d'après des calculs de la Banque mondiale. Une méthode de calcul que certains récusent et qui ne montre pas l'état réel de la richesse des Chinois.

Dans son rapport Programme 2011 de la comparaison internationale (International Comparison Program) publié le 29 avril, la Banque mondiale estime que selon les données de la parité du pouvoir d'achat, la Chine serait devenue la première économie devant les États-Unis en 2014. Ce qui signifierait que la Chine est en avance de cinq ans sur la prévision du FMI. En effet, celui-ci estimait que la Chine serait le N° 1 de l'économie mondiale en matière de PIB en 2019 seulement.

Une méthode de calcul qui laisse à désirer

Malgré cette annonce qui se veut impressionante, beaucoup de Chinois ne sont pas d'accord avec le point de vue de ce rapport.

Cette méthode de la parité de pouvoir d'achat est contestée dans son exactitude. En tenant compte des différences de prix, la Banque mondiale a évalué, dès les années 60, les tailles des différentes entités économiques en adoptant des données de la parité de pouvoir d'achat, et essayé d'estimer les richesses de différents pays en comparant les prix différents des biens et services. Malgré cela, la parité de pouvoir d'achat reste toujours imprécise. La Banque mondiale elle-même avoue que les probabilités d'erreur de la méthode atteignent même 15 % dans certains pays.

Derek Scissors, chercheur de l'American Enterprise Institute, affirme que le Programme de la comparaison internationale de la Banque mondiale n'a pas grand sens. Les calculs de la parité de pouvoir d'achat reposent sur une comparaison complète des produits et services dans différents pays. Cela n'est pas aisé, notamment lorsque ces calculs concernent les grandes puissances économiques.

Prenons l'exemple de la Chine et des États-Unis : il est difficile d'évaluer un niveau de prix moyen entre l'État de New York et la Louisiane, comme il est difficile d'estimer un prix moyen entre Shanghai et le Tibet.

Pas représentatif de la taille de l'économie

De plus, la parité de pouvoir d'achat n'est pas représentative de la taille de l'économie. Le PIB comprend les dépenses individuelles et gouvernementales, les investissements et le commerce. Mais la parité de pouvoir d'achat, qui est liée à la consommation individuelle, ne s'applique à aucun autre contenu du PIB.

Les résultats publiés par le Programme de la comparaison internationale montrent que le niveau moyen des prix en Chine n'est qu'à 70 % du niveau moyen mondial, et à 54 % du niveau moyen des États-Unis. Il est même inférieur à celui de plusieurs pays africains. Cette sous-estimation des prix cause une appréciation artificielle du pouvoir d'achat en RMB, de sorte que l'envergure du PIB chinois est revue à la hausse.

Un écart réel existe encore entre les richesses de deux pays. Selon la méthode reposant sur le taux de change du FMI, le PIB nominal des États-Unis était en 2012 de 16 200 milliards de dollars sans tenir compte de l'inflation. Alors que ce chiffre en Chine n'était que de 8 200 milliards de dollars. En 2013, l'écart n'était que de 7 000 milliards de dollars, mais le PIB nominal chinois ne représentait que de 65 % de celui des États-Unis.

Toujours d'après Derek Scissors, bien que la Chine enregistre une croissance plus importante que les États-Unis, l'écart entre les deux pays reste évident. Pour comparer les tailles des économies chinoise et américaine, il serait plus fiable d'adopter le concept de richesse nationale. En effet, le PIB annuel est calculé à partir de zéro, alors que la richesse nationale s'accumule d'année en année. Si l'on calcule à partir de la richesse de la nation, la Chine accuse un fort recul par rapport aux États-Unis.

La richesse privée pour critère de comparaison

Selon le Crédit Suisse, la richesse privée chinoise atteignait 22 000 milliards de dollars en 2013, alors que celle des États-Unis montait à 72 000 milliards de dollars. La Réserve fédérale estime que le total de la richesse privée aux États-Unis était de 80 000 milliards de dollars fin 2013 et qu'en mettant à part les dettes publiques, ce chiffre variait entre 65 000 et 70 000 milliards de dollars.

Le gouvernement chinois possède un grand nombre d'entreprises publiques, après le remboursement des dettes par leurs actifs, celles-ci pourraient tout de même offrir une richesse de 10 000 milliards de dollars. Ce qui donnerait pour la richesse chinoise un chiffre compris entre 30 000 et 35 000 milliards de dollars. Soit 35 000 milliards de moins que le niveau des États-Unis. Il est impossible de rattraper cette distance en temps aussi restreint.

Un écart qui reste à réduire

Après une trentaine d'années de réforme et d'ouverture, la Chine a considérablement réduit l'écart avec les pays développés. Le PIB par habitant chinois était au départ 30 fois moins important que celui des États-Unis. Il est actuellement seulement 10 fois moins important que le PIB par habitant américain. Cependant, le PIB par habitant chinois reste à 6 700 dollars, ce qui est nettement inférieur au niveau moyen mondial qui est de 13 460 dollars. La Chine se classe donc au 99e rang du PIB par habitant.

Selon les critères de la Banque mondiale, il y a encore 98 millions de personnes qui vivent avec moins d'un dollar par jour en Chine, soit dans l'extrême pauvreté.

Le titre de N°1 est enviable, mais une population riche et un pays puissant est ce dont la Chine a réelment besoin. Urgence est d'approfondir davantage la réforme, de transformer le modèle de développement et d'apporter du bien-être réel pour le peuple et le pays.

 

*YU XIAOKUI est correspondant du Quotidien de la Clarté à Washington.

 

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