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Une vague d’investisseurs chinois attirés par les domaines viticoles étrangers
LIU QIONG*
Le vin français étant de plus en plus apprécié des consommateurs en Chine, de riches investisseurs chinois rachètent des domaines viticoles en France. Mais la gestion ultérieure n’est pas toujours aisée...
Depuis qu’il a racheté le Château Laulan Ducos en février 2011, Shen Dongjun, le fondateur de TESIRO, se rappelle souvent les raisins qui mûrissent en septembre et octobre et leur arôme.
Shen Dongjun se rendait au moins une fois par an en France pour des raisons professionnelles. Au fil de ses échanges avec ses amis français, il a découvert le charme du vin, et par la même, les opportunités commerciales qui s’ouvraient à lui : l’économie chinoise s’alignant sur le monde, les habitudes des consommateurs chinois changent et ces derniers commencent peu à peu à boire du vin, voire à l’adorer.
Les investissements chinois affluent vers les domaines viticoles
En raison de la demande croissante en vin français en Chine, de plus en plus d’investisseurs chinois comme Shen Dongjun s’intéressent davantage aux vignobles étrangers. Fin d’août 2012, le Château de Gevrey-Chambertin, vignoble le plus cher de France et riche d’une histoire de plus de huit cents ans, a été acheté au prix de huit millions d’euros par un homme d’affaires fortuné de Macao.
Depuis 2008, une vingtaine de domaines viticoles bordelais ont déjà été acquis par des investisseurs chinois, parmi lesquels entrepreneurs privés, vedettes, et même entreprises publiques. Par exemple, le Château Latour-Laguens, qui produit annuellement 160 000 bouteilles, a été racheté par Longhai Group ; le Château Richelieu, le plus ancien à Bordeaux, a été acquis par la société hongkongaise A&A International ; COFCO a déboursé une dizaine de millions d’euros pour l’achat du Château de Viaud.
Ces investisseurs comptant également des vedettes telles que Yao Ming et Zhao Wei, davantage de Chinois sont au courant de cette vague d’investissements dans les propriétés viticoles étrangères. Aujourd’hui, on peut trouver sur le marché chinois la première cuvée de marque Yaoming Napa Valley, produit sur le célèbre terroir de San Francisco, en Californie aux États-Unis. La bouteille de 1,5 litre coûte 3 800 yuans.
La Chine est déjà aujourd’hui le premier importateur de vins de Bordeaux. En 2011, la consommation de ces vins français par les Chinois a augmenté de 110 % par rapport à 2010. Certaines entreprises chinoises espèrent maîtriser les ressources viticoles en amont par le biais d’acquisitions à l’étranger. Le groupe COFCO a notamment racheté ces deux dernières années deux propriétés viticoles en France et au Chili.
« Certains rachètent des domaines viticoles purement par passion », analyse Liu Jun, PDG d’une entreprise et amateur de vin. Après tout, un domaine viticole français mature est géré par un directeur professionnel. De la cueillette à la vinification, tout est pris en charge par des équipes professionnelles. D’ailleurs, les frais de gestion d’un château viticole sont acceptables pour certains acheteurs, comme de riches vedettes.
« Cette vague de rachat des vignobles se poursuivra encore un certain temps », d’après Dong Shuguo, directeur général du site Internet www.winechina.cn et observateur du secteur vinicole.

Une gestion minutieuse
L’acquisition d’un domaine viticole étranger est facile, c’est sa gestion qui est plus difficile. « Le montant colossal pour l’achat d’un château ne suffit pas. Il faut engager au moins deux à trois fois plus de fonds pour son fonctionnement ultérieur », a indiqué Shen Dongjun.
Pour améliorer la qualité des vins Château Laulan Ducos, Shen Dongjun a invité Éric, autrefois conseiller au Châteaux Laffitte Rothschild, Mouton Rothschild, Latour et Margaux, à devenir leur œnologue principal. Il a également redoublé d’efforts pour améliorer la qualité du sol et les procédés de fabrication et renouveler les fûts de chêne. En parallèle, il a recruté du personnel pour faire des recherches historiques sur le domaine et redorer l’image de la marque.
Les plus grands risques liés à ces investissements ne sont pas d’ordre financier, mais culturel. Depuis la Législation sur le vin publiée en France, quelques centaines d’années se sont écoulées, au cours desquelles l’industrie du vin s’est développée. Ainsi, les procédés de fabrication stricts et les procédures complexes relatifs à la culture des vignes sont déjà profondément ancrés dans l’esprit des propriétaires de vignobles français. Si les exploitants chinois ne connaissent pas ces détails, ils rencontreront de sérieux problèmes. Par exemple, sur certaines parcelles de terrain, il est interdit de produire plus de 200 000 bouteilles de vin. Ainsi, les propriétaires prennent grand soin de leurs vignes, ce qui garantit la haute qualité des vins français.
Après l’acquisition du Château Laulan Ducos, Shen Dongjun a conservé l’ancienne équipe de gestion. Il a seulement engagé un étudiant chinois supplémentaire, qui reste au domaine pour maintenir une communication quotidienne avec la Chine. Dans ce pays, Shen Dongjun a constitué une nouvelle équipe, afin d’attirer les investissements et faire connaître la marque.
Autrefois, les vins du Château Laulan Ducos n’étaient pas encore commercialisés en Chine. En 2012, Shen Dongjun a établi un réseau composé d’une quarantaine de distributeurs à travers le pays. Comme la production est limitée (le Château Laulan Ducos ne produit que 100 000 à 150 000 bouteilles de vin annuellement), il a fallu suspendre les ventes aux États-Unis et en Europe pour se concentrer sur le marché chinois.
Lors de la foire du Sucre et Vin 2012 de Chengdu, Shen Dongjun a enregistré des commandes pour un montant total s’élevant à quelques dizaines de millions de yuans. Récemment, il a encore signé des accords de coopération stratégique avec de grands établissements. Shen Dongjun envisage non seulement de vendre les vins du Château Laulan Ducos en Chine par le biais du réseau de distribution qu’il a constitué, mais il espère également dénicher d’autres vins de qualité issus de divers domaines viticoles français, qui soient adaptés au marché chinois.
L’émergence de risques
Malgré cette vague de rachat des domaines viticoles étrangers, certains ont commencé à s’inquiéter des perspectives de développement. Au second semestre 2011, les prix des vins Lafitte ont commencé à chuter. Les crus des domaines viticoles et les vins millésimes à tendance spéculative redescendaient à des prix abordables. D’après les professionnels, les grands crus tels que le vin du Château Lafitte ont enregistré une baisse des prix de 50 à 80 %. Face à cette « dégringolade », les exploitants sont de plus en plus confrontés à des risques financiers.
« Certaines entreprises manquant de préparation pourraient faire face à des risques inattendus », indique Liu Jun. Shen Dongjun partage également ce point de vue. De la culture des vignes à la vente des produits finis, en passant par la fabrication du vin : tout ceci est un long processus. Il faut dix ans pour qu’un cépage mûrisse et donne un vin de qualité. Influencé par des facteurs comme le climat et le marché, le rendement d’un domaine viticole est sujet aux fluctuations.
Liu Jun a par ailleurs constaté que les vignobles rachetés par des entreprises japonaises ou de riches hommes d’affaires japonais ont gravement décliné en l’espace de dix ans. Lorsque l’économie est prospère, les vins sont prisés et font l’objet de collection. Mais lorsque l’économie est en récession, la demande sur le marché baisse rapidement et les vins haut de gamme sont boudés des acheteurs.
Pour les importateurs chinois, un autre risque plus immédiat peut naître de l’ajustement des politiques. Récemment, l’Association chinoise de l’industrie des boissons alcoolisées, représentant le secteur du vin chinois, a demandé au ministère chinois du Commerce d’ouvrir une enquête anti-dumping et anti-subvention à l’égard des vins en provenance de l’Union européenne. « Si cette enquête est officiellement lancée, elle aura de fortes répercussions sur l’importation de vin en Chine », prévoit Dong Shuguo.
Selon Liu Jun, il n’existe pas encore en Chine de canaux de distribution exclusivement réservés à la vente de vin. Seuls des réseaux de distribution pour le baijiu (l’alcool blanc) et d’autres denrées sont installés dans le pays. Mais la clientèle et le concept marketing du baijiu diffèrent de celui du vin. Il est donc nécessaire d’intensifier les efforts relatifs à la promotion du vin.
Shen Dongjun espère établir un modèle d’importation pour ses vins du Château Laulan. Aujourd’hui, il multiplie les efforts pour promouvoir la marque Laulan en proposant des dégustations lors de banquets luxueux, comme ceux du Festival international du film de Berlin, du Festival de Cannes et de la cérémonie d’ouverture du musée belge MAS. Il pense qu’avec l’augmentation du nombre de connaisseurs et d’amateurs de vins, le marché vinicole chinois aura un brillant avenir, que ce soit en termes de consommation ou d’investissement.
*LIU QIONG est journaliste au First Financial Daily.
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